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ARTICLE 38 : MOBILISATION D'UN DIVIDENDE EXCEPTIONNEL DE LA CAISSE CENTRALE DE RÉASSURANCE (CCR) AU PROFIT DU FONDS DE PRÉVENTION DES RISQUES NATURELS MAJEURS (FPRNM)
I. TEXTE DU PROJET DE LOI
Le dividende versé en 2011 par la Caisse centrale de réassurance à l'État est affecté, dans la limite de 100 millions d'euros, au fonds de prévention des risques naturels majeurs mentionné à l'article L. 561-3 du code de l'environnement, pour le financement des acquisitions immobilières, par voie d'acquisition amiable ou d'expropriation, rendues nécessaires à la suite de la tempête Xynthia.
II. RAPPORT ASSEMBLÉE NATIONALE N° 2857 TOME II (2010-2011)
Observations et décision de la Commission :
Le présent article a pour objet d'affecter au Fonds de prévention des risques naturels majeurs (dit fonds « Barnier ») un dividende exceptionnel de 100 millions d'euros de la Caisse centrale de réassurance afin de financer les acquisitions immobilières rendues nécessaires par la tempête Xynthia.
I.- LES CONSÉQUENCES DE LA TEMPÊTE XYNTHIA
A.- RAPPEL DES FAITS
Les 27 et 28 février 2010, la France a été frappée par une violente tempête baptisée « Xynthia » qui a plus particulièrement balayé une large bande du territoire de la Charente-Maritime aux Ardennes, provoquant au total la mort de 53 personnes et des dégâts matériels très importants.
Si la cause première de ces dégâts est, bien sûr, un exceptionnel phénomène météorologique, ils n'auraient cependant pas atteint une telle ampleur sans les dysfonctionnements administratifs que le récent rapport d'information présenté par M. Jean-Louis Léonard a mis en évidence, en particulier l'insuffisance des plans de prévention des risques 1 ( * ) .
Les rectifications de zonage intervenues en urgence suite à la tempête, en particulier dans les départements de Charente-maritime et de Vendée, se sont traduites par le classement -violemment contesté en raison de critères imprécis, changeants et parfois incohérents - de certaines zones auparavant constructibles en « zones noires » que leurs habitants devront abandonner.
Portant atteinte à la propriété privée, ces décisions administratives relèvent du droit de l'expropriation . Cependant, afin d'éviter que les sinistrés n'aient à affronter une longue procédure avant d'être indemnisés, le Premier ministre a annoncé, dans sa conférence de presse du 13 avril dernier, que les habitants des « zones de solidarité » (nouvelle dénomination des « zones noires ») pourraient demander l'acquisition amiable par l'État de leur maison, au prix de marché avant la tempête 2 ( * ) . Ce n'est que dans un deuxième temps, en cas de désaccord sur le prix ou de refus de vente par exemple, que le droit commun de l'expropriation s'appliquera, dans le cadre d'une déclaration d'utilité publique et sous le contrôle du juge.
B.- UN COÛT ÉLEVÉ POUR LES FINANCES PUBLIQUES
Si le coût pour les compagnies d'assurances de la tempête Xynthia est estimé par la FFSA à 1,5 milliard d'euros, le coût pour l'État sera également très élevé en raison de cet engagement de racheter, au prix du marché d'avant la tempête, les habitations situées dans les « zones de solidarité ».
D'après les chiffres fournis à la mission interministérielle de retour d'expérience, d'évaluation et de proposition d'action à la suite de la tempête Xynthia par M. Jean-Louis Borloo, ministre de l'Écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer, la situation était la suivante au 21 juin 2010.
Vendée |
Charente-Maritime |
Total |
|
Nombre d'offres notifiées |
483 |
234 |
717 |
Nombre de propositions acceptées |
173 |
125 |
298 |
Coût des propositions acceptées (en M€) |
48,3 |
44,3 |
92,6 |
Nombre de propositions refusées |
3 |
0 |
3 |
Le ministre a estimé que « seuls 600 biens pourraient être concernés par département, cela conduirait à un coût global de 160 millions d'euros en Vendée (rachat moyen actuel à 265 000 euros) et 220 millions d'euros (rachat moyen de 370 000 euros) en Charente-Maritime. Du coût global de 380 millions d'euros, peut être retirée une prise en charge par les assurances estimée de 10 à 15 %. Il faudra ajouter à ce montant le rachat de certaines activités économiques, ce qui conduit ainsi à un coût global estimé de 400 millions d'euros ».
D'autres estimations sont cependant plus pessimistes que celle du ministre . France Domaine a évoqué un ordre de grandeur de 800 millions d'euros d'indemnisations pour les habitations classées en « zones de solidarité ». Pour sa part, la mission interministérielle précitée retient une « fourchette » de 300 à 700 millions d'euros. Les risques de dérapages du coût sont d'autant plus grands que, comme le note M. Jean-Louis Léonard, « les services de l'État surcotent les maisons pour inciter leurs propriétaires à les vendre et elles vont être payées à un prix exorbitant ». Citant l'exemple d'une maison sur l'île d'Aix estimée à 300 000 euros et pour laquelle il a été proposé 650 000 euros, il conclut : « ces prix laissent craindre une gabegie d'argent public à un niveau rarement atteint ».
C.- LA SOUS-DOTATION DU FONDS « BARNIER »
Le fonds de prévention des risques naturels majeurs (dit « fonds Barnier ») a été créé par l'article 13 de la loi n° 95-101 du 2 février 1995 relative au renforcement de la protection de l'environnement. Alimenté par un prélèvement de 12 % sur le produit des primes ou cotisations additionnelles relatives à la garantie contre le risque de catastrophes naturelles, il a pour objet de financer les opérations d'expropriation des biens dans des zones comportant des menaces pour la vie humaine du fait d'un risque naturel, ainsi que les dépenses résultant de la démolition éventuelle des biens exposés afin d'en empêcher toute occupation future (article L. 561-3 du code de l'environnement).
L'acquisition, à l'amiable ou par expropriation, des propriétés situées dans les « zones de solidarité » précitées entrent donc dans le champ d'intervention du fonds. Cependant , les ressources de ce dernier ne s'élèvent qu'à 160 millions d'euros par an - dont 123 millions d'euros sont d'ores et déjà engagés cette année - alors que le coût total des acquisitions sera au moins égal à 400 millions d'euros. La trésorerie du fonds, fortement sollicitée pendant des années, est en outre épuisée depuis la fin 2007. Il est donc nécessaire de lui apporter rapidement de nouvelles ressources afin de lui permettre de faire face à ses engagements.
II.- LES DISPOSITIONS DU PRÉSENT ARTICLE
Conformément à la proposition n° 17 du rapport d'information précité de M. Jean-Louis Léonard et aux conclusions de la mission interministérielle , le présent article affecte, à hauteur de 100 millions d'euros, le dividende versé en 2011 à l'État par la Caisse centrale de réassurance (CCR) 3 ( * ) au fonds « Barnier » afin de financer « les acquisitions immobilières, par voie amiable ou par expropriation, rendues nécessaires par les suites de la tempête Xynthia ».
Le choix de recourir à un dividende exceptionnel de la CCR pour financer - via le fonds « Barnier » - les acquisitions immobilières dans les « zones de solidarité » se justifie à la fois par l'activité même de la CCR - réassurance des risques liés aux catastrophes naturelles -, par les liens étroits entre la CCR et le fonds « Barnier » (dont elle assure la gestion) et par la solidité financière de la Caisse . Celle-ci s'est en effet fortement renforcée depuis 2005 en raison de l'augmentation régulière des primes acquises et d'une sinistralité revenue à un niveau plus modéré depuis la canicule de 2003. Ses réserves atteignent ainsi plus de quatre années de primes acquises brutes. Elle peut donc parfaitement assumer la charge de ce dividende exceptionnel.
Le versement du dividende de la CCR intervenant au deuxième trimestre 2011, le fonds bénéficiera dans l'intervalle d'avances du Trésor afin de couvrir le décalage de trésorerie entre l'encaissement dudit dividende et les versements liés aux acquisitions immobilières.
Ce dividende de 100 millions d'euros devrait permettre de couvrir le coût des acquisitions immobilières dans les « zones de solidarité » pour l'année 2011. Il pourrait cependant se révéler insuffisant en cas d'acquisitions plus nombreuses et plus coûteuses que prévues en 2010 et en 2011 .
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* *
III. EXAMEN PAR LA COMMISSION DES FINANCES DE L'ASSEMBLÉE NATIONALE
La Commission adopte l'article 38 sans modification .
IV. DÉBATS ASSEMBLÉE NATIONALE DU 22 OCTOBRE 2010
Troisième séance du vendredi 22 octobre 2010
M. le président. « Art. 38. Le dividende versé en 2011 par la Caisse centrale de réassurance à l'État est affecté, dans la limite de 100 millions d'euros, au fonds de prévention des risques naturels majeurs mentionné à l'article L. 561-3 du code de l'environnement, pour le financement des acquisitions immobilières, par voie d'acquisition amiable ou d'expropriation, rendues nécessaires à la suite de la tempête Xynthia.
(L'article 38 est adopté.)
V. TEXTE ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE EN PREMIÈRE LECTURE
Article 38
Le dividende versé en 2011 par la caisse centrale de réassurance à l'État est affecté, dans la limite de 100 millions d'euros, au fonds de prévention des risques naturels majeurs mentionné à l'article L. 561-3 du code de l'environnement, pour le financement des acquisitions immobilières, par voie d'acquisition amiable ou d'expropriation, rendues nécessaires à la suite de la tempête Xynthia.
* 1 Rapport d'information sur les raisons des dégâts provoqués par la tempête Xynthia (n° 2697).
* 2 L'arrêté du 28 avril 2010 a porté le montant maximal des subventions accordées pour les acquisitions de bien amiables de 60 000 à 240 000 euros par maison sinistrée à plus de 50 %, soit environ 30 maisons. En revanche, les autres ne seront soumises à aucun plafonnement. Par ailleurs, aucune différence ne sera faite entre les résidences principales et les résidences secondaires. Enfin, il sera tenu compte de l'indemnisation versée par les compagnies d'assurances.
* 3 Créée en 1946 comme établissement public industriel et commercial, la Caisse centrale de réassurance a été transformée en société anonyme dont le capital est intégralement détenu par l'État. Elle a pour mission d'assurer la réassurance des biens dans le cadre du régime des catastrophes naturelles. Bien que non obligatoire, la majorité des compagnies d'assurances a choisi de se réassurer auprès de la CCR afin de bénéficier de la garantie illimitée de l'État. Le chiffre d'affaires de la CCR s'est élevé à 756,4 millions d'euros en 2009 dont 671,1 millions d'euros dans la réassurance des risques de catastrophes naturelles. Le résultat net a atteint quant à lui 182 millions d'euros.