III. DÉBATS ASSEMBLÉE NATIONALE DU 22 OCTOBRE 2010

Troisième séance du vendredi 22 octobre 2010

Article 33

M. le président. « Art. 33. I. - L'article 302 bis ZC du code général des impôts est ainsi rétabli :

« Art. 302 bis ZC . - I. - À compter du 1 er janvier 2011, il est institué une taxe dénommée : «contribution de solidarité territoriale» due par les entreprises de services de transport ferroviaire de voyageurs réalisés pour tout ou partie sur le réseau ferré national métropolitain.

« La taxe est due par les entreprises de transport ferroviaire autorisées à exploiter des services de transport mentionnées au IV de l'article 17-1 de la loi n° 82-1153 du 30 décembre 1982 d'orientation des transports intérieurs.

« Ne sont pas soumis à la taxe, les services de transport ferroviaire conventionnés par des autorités organisatrices de transports en France au titre des dispositions de l'article 21-1 de la loi du 30 décembre 1982 mentionnée ci-dessus ou de l'article 1 er de l'ordonnance n° 59-151 du 7 janvier 1959 relative à l'organisation des transports de voyageurs en Île-de-France, ainsi que ceux conventionnés par l'État.

« II. - Le fait générateur intervient et la taxe est exigible lors de l'encaissement des sommes correspondant à la prestation réalisée.

« III. - La taxe est assise sur le montant total, hors taxe sur la valeur ajoutée, du chiffre d'affaires afférent aux opérations situées dans le champ d'application de la taxe sur la valeur ajoutée réalisé :

« 1° Au titre des prestations de transport ferroviaire de voyageurs et des prestations commerciales qui leur sont directement liées, effectuées avec du matériel à grande vitesse pour la distance parcourue sur le réseau ferré national.

« Le matériel à grande vitesse s'entend des matériels pouvant circuler à une grande vitesse tels que les motrices et les remorques pour le transport de voyageurs soumis aux dispositions du III de l'article 1599 quater A ;

« 2° Au titre des prestations de transport ferroviaire de voyageurs et des prestations commerciales qui leur sont directement liées, effectuées avec du matériel autre que celui visé au 1° pour la distance parcourue sur le réseau ferré national.

« IV. - Le taux de la taxe est fixé par arrêté conjoint des ministres chargés respectivement des transports, de l'économie et du budget. Ce taux est compris :

« 1° Entre 3 et 5 % du chiffre d'affaires réalisé au titre des prestations visées au 1° du III ;

« 2° Entre 1 et 3 % du chiffre d'affaires réalisé au titre des prestations visées au 2° du III.

« V. - Lorsque qu'une entreprise non établie en France est redevable de la taxe mentionnée au I, elle est tenue de désigner un représentant fiscal établi en France qui s'engage à remplir les formalités incombant à cette entreprise et à acquitter la taxe à sa place ainsi que, le cas échéant, les pénalités qui s'y rapportent.

« VI. - La taxe est constatée, recouvrée et contrôlée selon les mêmes procédures et sous les mêmes sanctions, garanties et privilèges que la taxe sur la valeur ajoutée. Les réclamations sont présentées, instruites et jugées selon les règles applicables à cette même taxe. »

II. - Il est ouvert un compte d'affectation spéciale intitulé : « Services nationaux de transports conventionnés de voyageurs ».

Ce compte, dont le ministre chargé des transports est l'ordonnateur principal, retrace :

1° En recettes :

a ) Le produit de la contribution de solidarité territoriale mentionnée à l'article 302 bis ZC du code général des impôts ;

b ) La fraction du produit de la taxe due par les sociétés concessionnaires d'autoroutes prévue au III du présent article ;

2° En dépenses :

a ) Les contributions de l'État liées à l'exploitation des services nationaux de transport de voyageurs conventionnés par l'État ;

b ) Les contributions de l'État liées au financement du matériel roulant des services nationaux de transport de voyageurs conventionnés par l'État.

III. - Le montant du produit de la taxe mentionnée à l'article 302 bis ZB du code général des impôts affecté chaque année au compte d'affectation spéciale « Services nationaux de transport conventionnés de voyageurs » en application de ce même article est de 35 millions d'euros.

La parole est à M. Jean Launay, inscrit sur l'article 33.

M. Jean Launay. J'ai d'autant plus souhaité m'inscrire sur cet article relatif à l'importante question des transports que les auteurs des amendements dont il fait l'objet sont absents, hormis Jean-Pierre Brard qui s'exprimera sans aucun doute au nom de M. Sandrier.

Dans son titre même, l'article 33 pose la question de l'équilibre entre le rail et la route, et il nous mène directement aux conséquences du Grenelle 2.

Je vais évoquer le cas particulier d'une ligne SNCF qui fut historique : la ligne du Capitole qui reliait Paris à Toulouse en passant par Orléans et Limoges, la ligne POLT. Cette ligne nationale et historique était considérée comme la route du Midi, mais son confort et son efficacité ont considérablement diminué depuis que les lignes TGV sont arrivées dans le couloir rhodanien et qu'elles sont en cours vers la façade atlantique.

Avec Jean-Claude Sandrier nous avons réalisé un mémorandum sur le statut de la ligne et sur les moyens de son développement. Cela a été l'occasion, pour nous, d'affirmer le caractère de service public et d'aménagement du territoire des dessertes voyageurs d'intérêt national et d'élever l'État au rang d'autorité organisatrice responsable de ces dessertes. Les conseillers techniques de M. Bussereau, que j'ai rencontrés récemment, ne se défaussent pas de cette mission.

Nous avons souligné aussi qu'il serait utile de créer un fonds spécial d'investissement pour cette ligne, mais probablement aussi pour d'autres, en conformité avec l'article 11, alinéa 1 er , de la loi Grenelle 1, qui donne la priorité à la régénération et à la modernisation du réseau existant, tout cela étant justifié par le retard considérable accumulé sur cet axe, retard qu'il faut combler pour améliorer l'attractivité à la fois pour le voyageur et pour le fret.

J'en appelle donc au rapporteur général qui avait proposé, lors de l'examen de la loi de finances rectificative de 2010, de réserver 10 à 15 % du grand emprunt pour le ferroviaire et je profite de ce débat pour affirmer l'éligibilité de la ligne POLT au dispositif prévu par la loi Grenelle 1.

Je souligne pour terminer que si je n'ai jamais été d'accord avec M. Ollier, président de la commission des affaires économiques, sur la question de l'éolien, je partage avec lui la volonté de rééquilibrage entre le rail et la route affirmée dans ses amendements et je pose la question du compte d'affectation spéciale. Le libellé de celui-ci - « Services nationaux de transport conventionnés de voyageurs » - ne nous aide pas à organiser un transfert financier vers le rail des moyens qui pourraient être donnés par les sociétés concessionnaires d'autoroutes.

M. le président. Nous en venons aux amendements à l'article 33.

L'amendement n° 315 présenté par M. Sandrier, M. Brard, Mme Amiable, M. Asensi, Mme Billard, M. Bocquet, M. Braouezec, Mme Buffet, M. Candelier, M. Chassaigne, M. Desallangre, M. Dolez, Mme Fraysse, M. Gerin, M. Gosnat, M. Gremetz, M. Lecoq, M. Muzeau, M. Daniel Paul et M. Vaxès, est ainsi libellé :

I. - Substituer aux alinéas 2 à 4 les deux alinéas suivants :

« Art. 302 bis ZC.- I. - À compter du 1 er janvier 2011, il est institué une taxe dénommée : « contribution de solidarité territoriale » due par les sociétés concessionnaires d'autoroutes.

« La taxe est assise sur le montant total des bénéfices réalisés. Son taux est fixé à 85 %. »

II. - En conséquence, supprimer l'alinéa 19.

La parole est à M. Jean-Pierre Brard pour soutenir l'amendement n° 315.

M. Jean-Pierre Brard. Personne n'est dupe en ce qui concerne la gestion, depuis quelques années, de la SNCF. Celle-ci est de plus en plus gérée comme une entreprise privée, préparant ainsi la libéralisation du secteur et sa privatisation. On sait ce que valent les promesses gouvernementales de ce point de vue. Rappelez-vous les déclarations de Nicolas Sarkozy concernant GDF et EDF !

La conséquence vous la connaissez, mes chers collègues : l'augmentation, sinon l'explosion des tarifs. Ces dix dernières années, les prix ont ainsi augmenté d'environ 2,5 % chaque année. Il faut bien préparer l'enrichissement exorbitant des futurs actionnaires privés.

Aujourd'hui, vous souhaitez enfoncer le clou en instaurant une nouvelle taxe, laquelle aura pour conséquence soit le creusement du déficit, soit une nouvelle augmentation des tarifs. En tout cas, quelle que soit la conséquence, les deux auront pour but de mieux justifier l'éventuelle privatisation de la SNCF. En effet, si le déficit se creuse nos chers collègues de la majorité diront que cette entreprise n'est pas rentable et qu'il faut donc la privatiser. Si les tarifs augmentent, l'image de la SNCF se dégradera encore un peu plus dans l'opinion et vous aurez alors tout loisir de dire qu'il faut de la concurrence - donc la privatisation - pour faire baisser les prix. En réalité, je pense que vous cherchez même à cumuler ces deux effets.

Vous ne vous en cachez pas d'ailleurs : dans un article du 1 er octobre 2010, le journal Les Échos nous apprend que le Gouvernement va octroyer une plus grande liberté pour la fixation des tarifs à la SNCF. Selon notre collègue Hervé Mariton, « II s'agit d'une contrepartie à l'instauration de la nouvelle taxe pour le financement des lignes interrégionales déficitaires, les deux vont de concert ».

Quant à nous, nous ne voulons pas aller vers la privatisation, faisant suite d'ailleurs à celle des autoroutes, même si, pour certains, cela a été une opération très lucrative. Nous vous proposons donc de voter notre amendement.

(L'amendement n° 315, repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)

M. le président. Je précise que les amendements n os 593 et 595 ont été retirés.

(L'article 33 est adopté.)