V. RAPPORT SENAT N° 111 (2010-2011)
Commentaire : le présent article propose de pérenniser, pour les seules petites et moyennes entreprises, la mesure de remboursement immédiat du crédit d'impôt recherche (CIR) prise durant la crise pour l'ensemble des entreprises. En outre, à l'initiative de l'Assemblée nationale, il procède à divers aménagements du CIR.
I. LE « NOUVEAU » CRÉDIT D'IMPÔT RECHERCHE : UN CHOIX FISCAL FORT EN FAVEUR DE LA COMPÉTITIVITÉ ÉCONOMIQUE DE LA FRANCE
A. LES PRINCIPES DE LA RÉFORME DU CIR DE LA LOI DE FINANCES POUR 2008
L'article 69 de la loi n° 2007-1822 du 24 décembre 2007 de finances pour 2008 a procédé à une réforme du crédit d'impôt recherche (CIR), créé dans le cadre de la loi de finances pour 1983, qui a changé l'ampleur et même la nature de ce dispositif d'incitation fiscale aux investissements en recherche et développement (R&D).
Cette réforme reposait principalement sur trois volets :
- la suppression de la part dite « en accroissement » , qui subventionnait l'augmentation d'une année sur l'autre des dépenses de R&D, afin de rendre cette aide fiscale à la fois plus compréhensible et plus attractive, les modalités de calcul de cette part étant complexes et surtout peu incitatives sur le long terme (le crédit d'impôt pouvant, en particulier, devenir négatif en cas de baisse des dépense de R&D) ;
- le triplement de la part « en volume » , dont le taux de droit commun est passé de 10 % à 30 % 4 ( * ) . Sur de telles bases, la réforme ne peut faire que très peu de perdants à court terme et presque aucun au bout de plusieurs années. En effet, seules les entreprises faisant plus que doubler leurs dépenses de R&D peuvent être pénalisées par l'effet cumulé de la suppression de la part « en accroissement » et du triplement de la part « en volume », ce qui n'est pas réaliste pendant un grand nombre d'années ;
- le déplafonnement du crédit d'impôt (auparavant limité à 16 millions d'euros). Toutefois, pour la fraction des dépenses dépassant 100 millions d'euros (ce niveau concernant une vingtaine d'entreprises), le taux du crédit d'impôt a été réduit, pour passer à 5 % . De ce fait, même à taux réduit, tout investissement des entreprises en R&D sur le sol français peut bénéficier d'un soutien fiscal. L'incitation existe donc toujours, y compris pour les grands groupes les plus actifs en matière de recherche, qui dépassaient parfois notablement les anciens plafonds.
B. LES PREMIERS EFFETS DE LA RÉFORME DU CIR
Comme cela était prévu 5 ( * ) et même, dans une certaine mesure, souhaité par le législateur, la dépense fiscale associée au CIR a changé d'échelle , comme le montrent les données de 2009, représentatives des dépenses de R&D exposées en 2008, première année d'application du nouveau régime.
Ainsi, la dette de l'Etat au titre des dépenses de R&D effectuées par les entreprises en 2008 (donnée qui ne tient pas compte de l'effet du remboursement anticipé évoqué ci-après) s'élève à 4 154,6 millions d'euros , contre 1 682 millions d'euros l'année précédente, soit une hausse de 147 % .
Cette première année du nouveau régime se caractérise donc par une évolution significative du coût du dispositif, comme le montre le graphique ci-après.
Total des créances de CIR (en millions d'euros)
Source : ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche
Il est à noter que cette évolution est bien due à la modification du régime fiscal et non à une évolution significative de l'assiette du crédit d'impôt : en 2008, les dépenses déclarées par les entreprises ont atteint 15 426,7 millions d'euros , en progression de seulement 0,9 % par rapport à 2007.
Ces effets ont conduit les commissions des finances des deux assemblées à contrôler dès à présent ce dispositif encore jeune. C'est ainsi que notre ancien collègue Christian Gaudin, alors rapporteur spécial de la mission « Recherche et enseignement supérieur » et une mission d'évaluation et de contrôle (MEC) de l'Assemblée nationale, co-présidée par nos collègues députés Olivier Carré et David Habib et dont nos collègues députés Alain Claeys, Jean-Pierre Gorges et Pierre Lasbordes étaient les rapporteurs, ont produit d'intéressants rapports d'information 6 ( * ) établissant un premier bilan du « nouveau CIR ». De même, l'inspection générale des finances a étudié ce sujet et a rendu ses conclusions à la fin de l'été.
Sans entrer dans le détail de ces documents auxquels le lecteur pourra se référer, tous concluaient au caractère prometteur du nouveau système et à la nécessité de stabiliser son économie générale afin d'en estimer les effets d'entraînement réels sur le moyen terme , d'ici environ trois ans.
Cependant, les rapports parlementaires préconisaient quelques mesures à la marge du dispositif, propres à assurer une meilleure maîtrise de son coût et à éviter certains abus . Plusieurs de ces mesures ont d'ailleurs trouvé place au sein de cet article dans sa rédaction issue des travaux de l'Assemblée nationale ( cf. infra ).
C. LA MESURE ANTI-CRISE DE REMBOURSEMENT ANTICIPÉ DU CIR
1. La règle de droit commun
Selon les dispositions de l'article 199 ter B du code général des impôts, le CIR est imputé sur l'impôt dû par le contribuable au titre de l'année au cours de laquelle les dépenses de recherche prises en compte pour le calcul du crédit d'impôt ont été exposées. L'excédent de crédit d'impôt constitue au profit de l'entreprise une créance sur l'Etat d'égal montant . Cette créance est utilisée pour le paiement de l'impôt sur le revenu dû au titre des trois années suivant celle au titre de laquelle elle est constatée puis, s'il y a lieu, la fraction non utilisée est remboursée à l'expiration de cette période .
En d'autres termes, si l'entreprise ne peut imputer le CIR sur son impôt, le reliquat ne lui est remboursé qu'au bout de 4 ans. L'article 199 ter B donne ensuite la liste des catégories d'entreprises auxquelles cette règle générale ne s'applique pas et qui bénéficient d'un remboursement immédiat de leur CIR par l'Etat 7 ( * ) .
2. Le dispositif exceptionnel de 2009 et 2010
Ces dispositions ont été modifiées, à titre provisoire, par l'article 95 de la loi de finances rectificative pour 2008 (n° 2008-1443 du 30 décembre 2008).
Par dérogation aux dispositions susvisées de l'article 199 ter B du code général des impôts, les créances sur l'Etat relatives à des crédits d'impôt pour dépenses de recherche calculés au titre des années 2005, 2006 et 2007 et non encore utilisées sont devenues immédiatement remboursables 8 ( * ) .
De plus, le CIR pour dépenses de recherche engagées au titre de l'année 2008 a pu être directement imputé sur l'impôt dû au titre de l'année 2008, l'éventuel excédent étant immédiatement remboursable .
Sur cette base, les entreprises pouvaient obtenir, sur demande, le remboursement immédiat d'une estimation de la différence positive entre, d'une part, le montant du CIR calculé à raison des dépenses de recherche engagées au titre de l'année 2008 et, d'autre part, le montant de l'impôt dû au titre de 2008.
Ces mesures étaient encadrées par des garde-fous. En particulier, des sanctions étaient prévues en cas d'estimation trop optimiste du bénéficiaire . Ainsi, lorsque le montant du remboursement effectué par l'Etat sur la base de l'estimation de l'entreprise excède de plus de 20 % la différence positive entre, d'une part, le montant du CIR réellement calculé à raison des dépenses de recherche engagées au titre de l'année 2008 et, d'autre part, le montant de l'impôt sur le revenu dû au titre de l'année 2008, cet excédent fait l'objet :
- d'une majoration de 5 % ;
- et d'un intérêt de retard de 0,40 % par mois. Cet intérêt de retard est calculé à partir du premier jour du mois qui suit le remboursement du CIR à l'entreprise sur la base de son estimation jusqu'au dernier jour du mois du dépôt de la déclaration de CIR et calculé à raison des dépenses engagées au titre de 2008.
La loi de finances pour 2010 (n° 2009-1673 du 30 décembre 2009, article 5) a reconduit ce régime de remboursement immédiat du CIR, qui reste valable jusqu'au 31 décembre 2010 .
Toutefois, en dehors d'exceptions dûment énumérées 9 ( * ) , le caractère provisoire de la mesure est réaffirmé , l'exposé des motifs du projet de loi précisant bien qu'elle est conçue « afin de soutenir l'activité des entreprises dans le contexte économique actuel ».
Le coût de trésorerie pour l'Etat du remboursement anticipé est estimé à 3,7 milliards d'euros pour 2009, et à 2,5 milliards d'euros en 2010 .
II. LE DISPOSITIF PROPOSÉ
Le présent article propose de pérenniser, pour les seules PME, le remboursement immédiat du CIR .
A cette fin, son I propose de modifier sensiblement la rédaction de l'article 199 ter B du code général des impôts.
Cependant, cette réécriture de l'article ne tend qu'à changer le dispositif sur deux points (le reste étant de caractère rédactionnel) :
- l'extension du principe du remboursement anticipé du CIR à la totalité des PME communautaires , sans donc, comme jusqu'à présent, de « date limite » donnant un caractère provisoire à cette mesure ;
- et la suppression de la déduction d'un intérêt en cas de remboursement anticipé à des entreprises en difficulté .
Sur le premier point, le B du I du présent article tend à citer explicitement les petites et moyennes entreprises au sens de l'annexe I du règlement (CE) n° 800/2008 du 6 août 2008 10 ( * ) parmi les structures pouvant bénéficier du remboursement immédiat des créances de CIR. Cette mesure a un coût de trésorerie significatif pour l'Etat pour ces trois premières années d'application, estimé à 311 millions d'euros en 2011 . Ensuite, ce coût s'annulera si les dépenses de R&D des PME n'augmentent pas pendant ce laps de temps, le remboursement devant intervenir, en tout état de cause, la quatrième année suivant l'exposition de ses dépenses par une entreprise.
Sur le deuxième point, il est proposé, dans la nouvelle rédaction du 2° du II de l'article 199 ter B précité, de ne pas reprendre les deux phrases aux termes desquelles les créances de CIR aux entreprises en difficulté (entendues comme celles ayant fait l'objet d'une procédure de sauvegarde, d'un redressement ou d'une liquidation judiciaires) sont remboursables sous déduction d'un intérêt, au taux légal, appliqué à la créance restant à imputer. En conséquence, les créances de ces entreprises seraient désormais remboursées les créances à leur montant nominal. Le coût de ce dispositif n'est pas connu mais est estimé à un niveau modique .
Le II du présent article propose de procéder à une simple coordination rédactionnelle au sein de l'article 244 quater B du code général des impôts.
Enfin, le III tend à ce que les dispositions du présent article s'appliquent aux crédits d'impôt calculés au titre des dépenses exposées à compter du 1 er janvier 2010.
III. LES MODIFICATIONS APPORTÉES PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE
Outre deux amendements rédactionnels, l'Assemblée nationale a adopté des amendements modifiant le régime actuel du CIR sur trois points.
A. LE RESSERREMENT DES CRITÈRES ET LE RENFORCEMENT DES OBLIGATIONS DOCUMENTAIRES DES ENTREPRISES POUVANT OBTENIR UN TAUX DE CIR MAJORÉ
En premier lieu, à l'initiative du Gouvernement et de nos collègues députés Olivier Carré et Gilles Carrez, rapporteur général du budget, l'Assemblée nationale a modifié les règles applicables aux entreprises pouvant bénéficier d'un taux majoré de CIR.
Alors que, jusqu'à présent toutes les entreprises n'ayant pas perçu de CIR au cours des cinq dernières années pouvaient percevoir ce crédit d'impôt au taux de 50 % la première année, puis de 40 % la deuxième année, le bénéfice de cette mesure serait désormais réservé aux sociétés respectant ce critère et qui, de surcroît :
- n'ont aucun lien de dépendance 11 ( * ) avec une autre entreprise ayant bénéficié du crédit d'impôt au cours de la même période de cinq années ;
- ne sont pas détenues à 25 % au moins par un associé détenant ou ayant détenu au cours des cinq dernières années au moins 25 % du capital d'une autre entreprise n'ayant plus d'activité effective et ayant bénéficié du CIR au cours de la même période de cinq années ;
- dont l'exploitant individuel de l'entreprise n'a pas bénéficié du crédit d'impôt au cours des cinq dernières années dans le cadre de l'exploitation d'une autre entreprise individuelle n'ayant plus d'activité effective, et ne détienne pas ou n'ait pas détenu au cours de la même période de cinq années au moins 25 % du capital d'une autre entreprise n'ayant plus d'activité effective et ayant bénéficié du crédit d'impôt au cours de la même période de cinq années.
En outre, afin de renforcer les moyens de contrôle de l'administration des finances publiques, il est proposé de compléter l'article 199 ter B précité d'un alinéa aux termes duquel les entreprises créées depuis moins de deux ans soient tenues de présenter aux services fiscaux à l'appui d'une demande de remboursement immédiat de créance de CIR les pièces justificatives attestant de la réalité des dépenses de recherche effectuées .
B. L'ENCADREMENT DE L'INTERVENTION DES INTERMÉDIAIRES EN MATIÈRE DE CIR
A l'initiative de notre collègue député Gilles Carrez, du président Jérôme Cahuzac et des trois rapporteurs de la MEC, l'Assemblée nationale a également adopté un amendement visant à encadrer l'intervention des intermédiaires en matière de CIR.
Cet amendement tend ainsi à insérer, après le premier alinéa du I de l'article 244 quater B précité, un alinéa aux termes duquel le montant des dépenses exposées par les entreprises auprès de tiers au titre de prestations de conseil pour l'octroi du bénéfice du CIR serait déduit des bases de calcul de ce dernier à concurrence :
- du montant des sommes rémunérant ces prestations fixé en proportion du montant du crédit d'impôt pouvant bénéficier à l'entreprise ;
- ou du montant des dépenses ainsi exposées autres que celles susvisées lorsqu'il excède 5 % du montant des dépenses éligibles .
Comme l'ont fait valoir les auteurs de l'amendement, la déductibilité des rémunérations fondées sur un pourcentage du CIR obtenu produirait un effet proche d'une disposition rendant ces rémunérations non déductibles de l'impôt sur les sociétés. Quant au second point, il vise, en fait, les rémunérations forfaitaires excédant dans le cas général, 16,6 % de l'avantage en impôt).
Ces dispositions s'appliqueraient pour les dépenses de R&D exposées à compter du 1 er janvier 2011.
C. LA RÉVISION DES RÈGLES DE CALCUL CORRESPONDANT AUX DÉPENSES DE FONCTIONNEMENT
Enfin, à l'initiative des mêmes auteurs et de plusieurs auteurs de sous-amendements, l'Assemblée nationale a réaménagé les règles de calcul correspondant aux dépenses de fonctionnement prises en compte pour le calcul de l'assiette du CIR.
Actuellement, aux termes du c du II de l'article 244 quater B précité, ces dépenses sont fixées forfaitairement à 75 % des dépenses de personnel afférentes aux chercheurs et techniciens de recherche directement et exclusivement affectés à ces opérations et aux salariés auteurs d'une invention résultant d'opérations de recherche.
Conformément à une préconisation de la MEC, l'Assemblée nationale propose de réduire ce taux à 50 % tout en élargissant légèrement l'assiette aux rémunérations des jeunes docteurs, prises en compte pour le double de leur montant dans l'assiette du CIR. Cependant, un sous-amendement a ajouté à cette somme la prise en compte de 75 % des dotations aux amortissements des immobilisations, créées ou acquises à l'état neuf et affectées directement à la réalisation d'opérations de recherche scientifique et technique, y compris la réalisation de prototypes ou d'installations pilotes. Cet ajout vise à favoriser les entreprises industrielles dont, par hypothèse, les dépenses d'amortissement sont plus élevées que celles des entreprises de service.
Enfin, il est proposé de compléter le d bis du II du même article de sorte que le bénéfice du CIR au titre de la sous-traitance (potentiellement dans un autre pays membre de la Communauté européenne) soit réservé aux entreprises réalisant elles-mêmes 25 % des dépenses de R&D qu'elles déclarent. Il s'agit, selon les termes des auteurs, d'éviter la création par des entreprises, notamment étrangères, de filiales « boîtes aux lettres » ayant pour seul objet l'optimisation fiscale du CIR au titre de dépenses réalisées à l'étranger.
L'ensemble de ces dispositions s'appliqueraient pour les dépenses de R&D exposées à compter du 1 er janvier 2011.
IV. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES
A. LE MAINTIEN DU REMBOURSEMENT ANTICIPÉ POUR LES PME : LE MAXIMUM DES EFFORTS QUE L'ETAT PUISSE ENCORE FAIRE EN MATIÈRE DE CIR
S'agissant de la pérennisation du remboursement immédiat du CIR pour les PME, qui correspond à une mesure annoncée par le Président de la République à l'occasion de la clôture des Etats généraux de l'industrie, votre rapporteur général considère que cette importante mesure de trésorerie constitue le maximum des efforts que l'Etat peut encore consentir en matière de CIR.
Certes, la charge n'est pas modifiée et, à terme, en cas de maintien des dépenses de R&D au même niveau par les entreprises concernées, le coût de cette mesure devient nul, mais, de façon concrète, l'Etat devra opérer des décaissements supplémentaires de plus de 300 millions d'euros en 2011 .
Il s'agit là d'une mesure forte de soutien économique en faveur des PME accomplissant des efforts en matière d'innovation.
B. LES APPORTS UTILES DE L'ASSEMBLÉE NATIONALE
D'autre part, les apports de l'Assemblée nationale, généralement issus des travaux de la MEC, apparaissent utiles pour mieux encadrer le dispositif.
Il en est notamment ainsi des mesures anti-abus visant les entreprises bénéficiant de taux majorés lors des deux premières années de perception du CIR comme de l'encadrement des intermédiaires, qui semble proportionné et de nature à mettre un frein aux rémunération parfois excessives de ces acteurs qui captent une partie de l'avantage fiscal destinés aux entreprises.
C. ALLER PLUS LOIN EN MATIÈRE DE TRANSPARENCE
L es plus gros bénéficiaires du CIR doivent progresser en matière de transparence de l'usage qu'ils font de leur crédit d'impôt, dans l'intérêt même de ce dispositif.
C'est pourquoi votre commission propose un amendement imposant aux entreprises déclarant plus de 100 millions de dépenses éligibles , et bénéficiant donc de la tranche de CIR de 5 %, de transmettre annuellement à l'administration fiscale des informations sur leurs travaux de R&D en cours pour lesquels ils bénéficient du CIR, sur leur état d'avancement et les moyens matériels et humains qu'ils y consacrent, ventilés par site.
Ces informations, à caractère confidentiel, pourront, le cas échéant, servir aux agents chargés du contrôle fiscal des intéressés.
De même, il serait utile que les services du ministère chargé de l'économie et de l'industrie puissent disposer des mêmes informations sur le CIR et ses bénéficiaires que le ministère chargé de la recherche , afin d'améliorer ses moyens d'analyse des effets de la mesure sur les entreprises.
* *
*
Examen en commission
M. Philippe Marini , rapporteur général . - L'amendement n° 21 précise les modalités de prise en compte des dépenses de fonctionnement pour le calcul du crédit d'impôt recherche. La prise en compte forfaitaire a été abaissée par l'Assemblée nationale de 75 % à 50 % des dépenses de personnel affecté aux travaux de recherche. Il est proposé de maintenir ce taux de 50 %, mais aussi de donner aux entreprises exposant des frais élevés la possibilité d'opter pour un régime de frais réels, dans la limite de l'actuel forfait, afin de ne pas accroître le coût pour l'État de cette mesure, tout en étant plus équitable vis-à-vis des entreprises.
M. Jean Arthuis , président . - Ce dispositif prendrait effet à compter du 1 er janvier 2011.
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx . - Je ne souhaite pas que l'on revienne sur le système mis en place en 2008. Le crédit impôt recherche n'est pas une niche : les entreprises ont besoin de stabilité, d'autant que ce mécanisme est vraiment efficace. Je ne comprends pas que l'Assemblée nationale soit revenue sur ce mécanisme. C'est une très grosse erreur.
M. Philippe Marini , rapporteur général . - La modification est de très faible ampleur.
Mme Nicole Bricq . - Madame Des Esgaulx, il s'agit d'une dépense fiscale.
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx . - Mais qui permet de créer beaucoup d'emplois !
Mme Nicole Bricq . - Il y a eu un rapport du Conseil des prélèvements obligatoires et un rapport de notre ancien collègue Christian Gaudin : ce n'est pas facile d'y voir clair dans cette affaire. Il ne faudrait pas vider de son sens le compromis voté à l'Assemblée nationale.
Votre amendement signifie-t-il que ceux qui ont des frais élevés peuvent se mettre au frais réels, mais dans le plafond des 50 % ?
M. Philippe Marini , rapporteur général . - C'est dans la limite du forfait actuel, de 75 %.
Mme Nicole Bricq . - Ce faisant, vous videz de son sens la disposition votée par l'Assemblée nationale. J'avais donc, hélas, bien compris.
M. Philippe Marini , rapporteur général . - Je vais un peu dans le sens de Mme Des Esgaulx. Mais il s'agit d'un aménagement mineur.
M. Jean Arthuis , président . - L'idée de prendre en compte les dépenses réelles me séduit.
Mme Nicole Bricq . - Avec le crédit impôt recherche, on paye, entre autres, des gens qui font des démarches et des commerciaux à l'étranger.
M. Jean Arthuis , président . - Le jour où nous aurons pris la décision de financer autrement la protection sociale, nous réduirons les cotisations sociales sur l'ensemble des salaires versés et il ne sera plus nécessaire de faire du crédit impôt recherche. Aujourd'hui, on utilise ce mécanisme pour des travaux qui sont parfois menés en Tchéquie ou en Roumanie.
M. Philippe Dominati . - Peut être, mais cela bénéficie à nos entreprises nationales !
M. Jean Arthuis , président . - Le crédit impôt recherche bénéficie à des travaux de recherche réalisés hors de France et ce phénomène risque de se développer encore.
M. Philippe Marini , rapporteur général . - La France est sans doute un peu trop généreuse.
M. Jean-Jacques Jégou . - J'ai récemment assisté à une rencontre très intéressante où les PME ont expliqué leurs difficultés à établir leurs frais réels. Je suis favorable à ce qu'on puisse accroître l'aide aux PME. Or, l'aide fiscale profite beaucoup aux grosses entreprises et beaucoup moins aux autres.
M. Jean Arthuis , président . - Je vous propose de réserver le vote sur cet amendement et de voir si l'on ne peut pas aménager le système pour qu'en deçà d'un certain chiffre d'affaire, le dispositif ne soit pas modifié, car pour l'instant, nous sommes dans l'instabilité, et ce n'est pas satisfaisant. Nous en reparlerons donc la semaine prochaine.
M. Philippe Marini , rapporteur général . - J'ai reçu des témoignages de petites et de moyennes entreprises me disant que cette mesure allait se traduire par une très forte réduction de leur crédit impôt recherche. Je leur ai demandé de m'adresser des estimations. Je les attends toujours !
M. Philippe Dominati . - Le texte du Gouvernement me semble valable, et toute modification du dispositif est malvenue.
M. Philippe Marini , rapporteur général . - Je me permets de vous rappeler que cette mesure coûte 4 milliards d'euros et que nous devons en vérifier l'utilité. Nous avons un budget général de l'Etat dont les recettes ne couvrent que 70 % des dépenses. Faire sans cesse des cadeaux avec de l'argent qui n'existe pas, ce n'est pas jouable.
M. Philippe Marini , rapporteur général . - L'amendement n° 22 est plus administratif : il permet la transmission des informations aux services du ministère de l'économie et de l'industrie pour assurer un meilleur suivi des enjeux économiques et industriels, alors que jusqu'ici, seul le ministère de la recherche bénéficiait de cette transmission.
Mme Nicole Bricq . - Je voterai cet amendement.
M. Philippe Dominati . - Vous ne reportez pas les amendements n° s 22 et 23 ?
M. Philippe Marini , rapporteur général . - Ils n'ont pas d'incidence financière directe.
L'amendement n° 22 est adopté.
M. Philippe Marini , rapporteur général . - L'amendement n° 23 améliore la transparence du dispositif : les entreprises qui déclarent plus de 100 millions d'euros de dépenses éligibles et qui donc bénéficient de la tranche à 5 % du crédit impôt recherche, devront transmettre annuellement à l'administration fiscale des informations précises sur leurs travaux de recherche et développement en cours.
M. Jean Arthuis , président . - Je déposerai un amendement tendant à supprimer le crédit impôt recherche au-delà de 100 millions d'euros de recherche : 5 %, c'est dérisoire et je n'imagine pas qu'un grand groupe fasse de la recherche uniquement parce qu'il disposerait de cet avantage.
Mme Nicole Bricq . - Je suis favorable à cet amendement, mais nous aurions dû tenir compte du rapport de Christian Gaudin, des travaux réalisés à l'Assemblée nationale et des auditions auxquelles nous avons procédées. Nous savons tous que le crédit impôt recherche est un moyen d'optimisation fiscale pour les grands groupes et que ce sont eux qui profitent de cette disposition, beaucoup plus que les PME. Nous devons donc nous attaquer à cette « affaire » des 100 millions.
Cet amendement est utile car il permet d'instaurer un contrôle qui, jusqu'à présent, faisait défaut.
M. Philippe Marini , rapporteur général . - Plusieurs dirigeants de grands groupes souscrivent à cet amendement. Il ne serait pas raisonnable de supprimer cette tranche de 100 millions. Certes, small is beautiful , mais le potentiel de recherche se crée aussi dans les grands groupes. Pour lutter contre l'optimisation, on peut être tenté de globaliser au niveau des groupes. Mais chaque groupe est différent, si bien que de telles mesures ne seraient pas équitables.
L'amendement n° 23 est adopté.
Votre commission vous propose d'adopter cet article ainsi modifié.
Examen par la commission http://www.senat.fr/senfic/marini_philippe92035t.html
M. Philippe Marini , rapporteur général . - Mon amendement n° 35 précise les modalités de prise en compte des dépenses de fonctionnement pour le calcul du crédit d'impôt recherche. L'Assemblée nationale a abaissé la prise en compte forfaitaire de 75 % à 50 % des dépenses de leur personnel affecté aux travaux de recherche, mais atténué cette mesure en y ajoutant 75 % des dotations aux amortissements des immobilisations. Je propose de conserver le principe d'une diminution du taux de 75 % à 50 % mais de permettre aux entreprises d'opter pour un régime de frais réels, dans la limite des 75 %, de sorte à ne pas accroître le coût du crédit d'impôt recherche par rapport à son niveau actuel. Cela devrait apaiser des craintes injustifiées.
M. Jean-Pierre Fourcade . - J'ai visité hier trois entreprises de mon département qui bénéficient du crédit d'impôt recherche : une grande, une moyenne, une petite. Le forfait ne pose pas de problème à une entreprise de 5 000 salariés, mais une PME ou une entreprise qui se crée ne peut amortir l'immobilisation... Une entreprise qui veut lancer un nouveau produit commence par recruter. Je voterai cet amendement et attendrai la séance publique pour décider que faire du mien, qui propose une harmonisation à 75 %.
Mme Nicole Bricq . - Le texte de l'Assemblée nationale était meilleur. Toutes les entreprises vont opter pour les frais réels, or les frais de fonctionnement sont difficilement contrôlables...
M. Philippe Marini , rapporteur général . - Les frais réels seront contrôlés.
Mme Nicole Bricq . - Vos amendements redonnent la main à l'administration fiscale ; encore faudrait-il que celle-ci ait les moyens de sa tâche ! Le compromis n'est pas satisfaisant.
M. Jean Arthuis , président . - Les déductions de frais réels peuvent toujours donner lieu à contentieux.
Mme Nicole Bricq . - Le crédit d'impôt recherche représente tout de même 4 milliards d'euros !
M. Philippe Dominati . - Je ne me résous pas à abaisser le forfait à 50 %, notamment pour les PME qui ont déjà engagé un effort d'investissement en personnel. J'y reviendrai en séance publique. Les grandes entreprises, elles, ont des services comptables qui leur permettront de ne pas y perdre...
M. Philippe Adnot . - Je partage l'avis de Philippe Dominati. L'amendement vise bien toutes les entreprises et pas seulement les plus grandes ?
M. Philippe Marini , rapporteur général . - Exactement.
L'amendement n° 35 est adopté.
* 4 Pour les entreprises qui demandent à bénéficier pour la première fois du CIR, ou qui n'en ont pas bénéficié depuis cinq ans, ce taux est majoré à 50 % la première année, puis à 40 % la deuxième année .
* 5 Voir notamment le commentaire de l'article 39 du projet de loi de finances pour 2008 (devenu l'article 69 de la loi) au sein du tome III du rapport général - Sénat n° 91 (2007-2008).
* 6 Rapport d'information Sénat n° 493 (2009-2010) et rapport d'information Assemblée nationale n° 2 686 (XIII ème législature).
* 7 Il s'agit, en particulier des jeunes entreprises innovantes définies à l'article 44 sexies -0 A du code général des impôts, des « gazelles » visées à l'article 220 decies du même code ou des entreprises ayant fait l'objet d'une procédure de sauvegarde, d'un redressement ou d'une liquidation judiciaires.
* 8 Toutefois, cette disposition ne s'applique pas aux créances qui ont été cédées dans les conditions prévues par les articles L. 313-23 à L. 313-35 du code monétaire et financier ; il s'agit donc de ne viser que les dettes au titre du CIR dont la charge incombe réellement aux entreprises ayant effectué les dépenses de R&D.
* 9 En outre, cet article a ajouté un IV au sein de l'article 199 ter B du code général des impôts, qui énumère les exceptions au principe de l'imputation éventuellement différée du CIR. Ces dispositions seraient donc pérennes pour les entreprises en difficulté ayant fait l'objet d'une procédure de sauvegarde, d'un redressement ou d'une liquidation judiciaire, les PME de croissance et les jeunes entreprises innovantes (JEI).
* 10 Il s'agit des entreprises qui occupent moins de 250 personnes et dont le chiffre d'affaires annuel n'excède pas 50 millions d'euros ou dont le total du bilan annuel n'excède pas 43 millions d'euros.
* 11 Au sens du 12 de l'article 39 du code général des impôts.