II. TEXTE ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE EN PREMIÈRE LECTURE

Article 11 quater (nouveau)

Le IV de l'article 302 bis KG du même code est ainsi modifié :

1° Les deux derniers alinéas du 1 sont remplacés par deux alinéas ainsi rédigés :

« Toutefois, jusqu'à la mise en oeuvre de la disposition mentionnée à la deuxième phrase du premier alinéa du VI de l'article 53 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, ce taux est fixé à 0,5 %.

« Pour les services de télévision autres que ceux diffusés par voie hertzienne terrestre en mode analogique, le taux est fixé à 0,25 % en 2010 et en 2011. » ;

2° Le 2 est abrogé.

III. RAPPORT SENAT N° 111 (2010-2011)

Commentaire : le présent article, introduit par l'Assemblée nationale à l'initiative de nos collègues députés Michèle Tabarot, Michel Herbillon, Christian Kert et Franck Riester, propose de réduire le taux de la taxe sur la publicité jusqu'à une suppression totale de la publicité sur France Télévisions.

I. LE DROIT EXISTANT

La loi du 5 mars 2009 relative à la liberté de communication audiovisuelle 1 ( * ) a instauré deux nouvelles taxes , dont l'une porte sur la publicité diffusée sur les chaînes de télévision. Son régime est codifié à l'article 302 bis KG du code général des impôts (CGI) 2 ( * ) .

La taxe est due par tout éditeur de services de télévision , au sens de la loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication 3 ( * ) . Il s'agit essentiellement des chaînes de télévision historiques ainsi que celles de la télévision numérique terrestre (TNT) ou encore les chaînes thématiques diffusées sur le réseau câblé ou par satellite, dont le siège est en France.

L'assiette de cette taxe est constituée du montant , hors taxe sur la valeur ajoutée, des recettes publicitaires, c'est-à-dire les sommes versées par les annonceurs à ces chaînes de télévision ou à leurs régisseurs.

Cette assiette est réduite, d'une part, des sommes acquittées en application de la taxe sur les services de télévision, prévue à l'article 302 bis KC du code précité ainsi que, d'autre part, d'un abattement forfaitaire de 4 % permettant de prendre en compte le coût de fonctionnement des régies publicitaires des chaînes.

Le taux de la taxe est de 3 % pour chacun des services de télévision 4 ( * ) . Cependant, il ne s'applique que sur la fraction du montant des versements annuels 5 ( * ) qui excède 11 millions d'euros , afin de protéger les chaînes émergentes dont le chiffre d'affaires est plus faible.

En outre, la loi précitée aménage le dispositif pour les chaînes de la TNT , en fixant un taux progressif évoluant de 1,5 % en 2009, à 2 % en 2010, 2,5 % en 2011, afin d'atteindre le taux plein de 3 % en 2012.

Enfin, le législateur a souhaité prendre en compte la croissance ou la décroissance du chiffre d'affaires publicitaire de chaque chaîne, en établissant un plafond ainsi qu'un plancher .

Ainsi, la taxe est plafonnée à la moitié de l'accroissement de son assiette, c'est-à-dire des recettes publicitaires.

Cependant, en tout état de cause, le montant de la taxe ne peut pas être inférieur à 1,5 % de l'assiette.

En conséquence, le taux est de 3 % en cas de croissance des recettes publicitaires sur la fraction excédant 11 millions d'euros ; le montant de la taxe est plafonné à la moitié de l'augmentation de ces recettes.

En revanche, l e taux n'est que de 1,5 % en cas de décroissance des recettes publicitaires.

Exemple théorique

Si l'évolution du chiffre d'affaires publicitaire est négative, le taux « plancher » de la taxe s'applique.

A titre d'illustration, dans le cas d'une assiette théorique de 100 millions d'euros en 2009 et de 90 millions d'euros en 2010, il est appliqué un taux minimal de 1,5 % au montant de 90 millions d'euros diminué de 11 millions d'euros, en dépit de la diminution de 10 millions d'euros des recettes publicitaires.

Si la variation du chiffre d'affaires, d'une année sur l'autre, est nulle, le taux « plancher » est mis en oeuvre.

Si l'augmentation des recettes publicitaires est positive, le taux de la taxe est de 3 % après abattement. Le plafond entre en jeu. Ainsi, dans le cas d'une assiette théorique de 100 millions d'euros en 2009 et de 110 millions d'euros en 2010, le taux de 3 % est appliqué au montant de 110 millions d'euros, diminué de 11 millions d'euros. Le montant de la taxe est plafonné à 5 millions d'euros (la moitié de l'augmentation).

Source : ministère du budget, des comptes publics et de la réforme de l'État

En raison de la crise qu'a rencontrée le secteur de l'audiovisuel l'an dernier, le taux de la taxe due au titre de l'année 2009 a été abaissé en loi de finances rectificative pour 2009 6 ( * ) à 0,5 % pour les chaînes de la TNT et à 0,75 % pour les chaînes historiques.

Le montant des sommes encaissées au titre de 2009 est de 27,7 millions d'euros . S'agissant de 2010, il est évalué à 17 millions d'euros 7 ( * ) . Au 30 juin 2010, 8,4 millions d'euros avaient été recouvrés.

II. LE DISPOSITIF INTRODUIT PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE

Le présent article, introduit par l'Assemblée nationale, à l'initiative de nos collègues députés Michèle Tabarot, Michel Herbillon, Christian Kert et Franck Riester, avec l'avis favorable de la commission des finances et du Gouvernement , tend à modifier le taux de la taxe sur la publicité tant pour les services de télévision diffusés par voie hertzienne terrestre en mode analogique que pour les chaînes de la TNT.

Il fixe le taux à 0,5 % pour les services de télévision diffusés en voie hertzienne terrestre. Ce taux se substituerait aux deux taux actuels (3 % et 1,5 %) jusqu'à la mise en oeuvre de la suppression de la publicité entre six heures et vingt heures sur France Télévisions.

S'agissant de la TNT , le taux de la taxe est établi à 0,25 % en 2010 et 2011 afin de tenir compte de leur situation financière précaire.

A cette fin, le du I du présent article propose de modifier le 1 du IV de l'article 302 bis KG du CGI en remplaçant les deux derniers alinéas par :

« Toutefois, jusqu'à la mise en oeuvre de la disposition mentionnée à la deuxième phrase du premier alinéa du VI de l'article 53 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, ce taux est fixé à 0,5 % ».

« Pour les services de télévision autres que ceux diffusés par voie hertzienne terrestre en mode analogique, le taux est fixé à 0,25 % en 2010 et en 2011 ».

Le 2 du I supprime le 2 du IV de l'article 302 bis KG.

Le coût de la mesure est estimé à 58 millions d'euros . Le montant prévisionnel de recouvrement de la taxe en l'absence d'une réduction du taux s'établissait à 71 millions d'euros en 2011. Il est désormais de 13 millions d'euros.

III. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES

Il convient, en matière de politique de l'audiovisuel, d'assurer à la fois le financement des chaînes du service public, sans aggraver le déficit du budget de l'Etat. Or l'articulation de ces deux objectifs est complexe.

S'agissant de la modulation de la taxe sur la publicité , certains éditeurs de télévision ont été confrontés à un ralentissement du marché publicitaire dès 2008. Entre 2008 et 2009, les recettes nettes de ce marché ont baissé pour l'ensemble des médias de 12,5 % et plus particulièrement de 11 % pour le secteur télévisuel.

L'année 2010 s'annonce sous de meilleurs auspices , le premier semestre donnant des signes de progression. L'ensemble des investissements publicitaires a augmenté de 7,8 % entre les premiers semestres 2009 et 2010. Cette reprise concerne l'ensemble des secteurs à l'exception d'Internet, qui enregistre une baisse de 19,3 %, alors que ses recettes brutes avaient été jusqu'alors en augmentation constante depuis 2004. La hausse la plus importante est celle enregistrée par les chaînes de télévision, soit + 18,2 %.

France Télévisions réalise la meilleure performance entre 6 heures et 20 heures comme en témoigne le tableau ci-dessous. Bien que sortis de la récession publicitaire, la progression de TFI et de M6 est beaucoup plus limitée.

Evolution des investissements publicitaires bruts avant et après 20 heures

Janvier - juin 2009 - Janvier - juin 2010

TF1

France 2

France 3

Canal +

M 6

Investissements entre 6 h et 20 h

+ 9,8 %

+ 46,5 %

+ 7,7 %

+ 18,9 %

+ 5,6 %

Investissements entre 20 h et 6 h

+ 18,6 %

- 41,8 %

+ 16,4 %

- 8,9 %

+ 8,4 %

Source: direction des études, des statistiques et de la prospective du Centre national de la cinématographie (CNC)

Quant à la TNT , l'examen des recettes publicitaires brutes permet de confirmer sa croissance sur ce marché. Tandis que le chiffre d'affaires publicitaire des chaines historiques est en progression en moyenne de 12,1 %, celui de la TNT, toutes chaînes confondues est de 39,2 %. Cette augmentation permet à ces dernières de gagner 3,4 points de parts de marché, pour s'établir à 22,4 % en juin 2010 contre 68,1 % pour les chaînes historiques qui perdent ainsi 2,4 points par rapport au premier semestre 2010.

TV nationales 1

TV TNT 2

Investissements entre 6 h et 20 h

+ 12,5 %

+ 39,1 %

Investissements entre 20 h et 6 h

+ 14,0 %

+ 39,2 %

1 TV nationales : TF1, France 2, France 3, Canal +, France 5, M 6.

2 TV TNT : Direct 8, W 9, TMC, NT1, NRJ 12, France 4, BFM TV, I>télé, Virgin 17, Gulli.

Source: direction des études, des statistiques et de la prospective du CNC

Toutefois, il convient toutefois de distinguer la situation des cinq chaînes indépendantes (Direct 8, Direct star, Gulli, NRJ 12 et BFM TV) de celles adossées à une chaîne historique (TF1 et M6) . Les premières n'ont eu, au premier semestre 2010, qu'un gain de 0,5 point de parts de marché publicitaire en s'établissant ainsi à 5,5 %. Les secondes ont capté près de 73,3 % de ce marché dont 49,1 % pour TF1 (avant l'intégration de TMC et NT1) et 24,2 % pour M6 avec W9. Les cinq nouvelles chaines indépendantes enregistrent une perte cumulée depuis leur création de 400 millions d'euros en 2009 en raison notamment des recrutements qu'elles ont effectués, de leur engagement dans la production patrimoniale ainsi que dans le déploiement de la TNT.

S'agissant de France Télévisions , si l'évolution des montants de recettes publicitaires du groupe à partir de 2009 traduit la baisse de la part des recettes commerciales dans les ressources totales de l'entreprise, en raison de la suppression de la publicité en soirée dès janvier 2009, le groupe a néanmoins réalisé un chiffre d'affaires supérieur aux prévisions .

Ainsi que l'ont constaté Claude Belot, rapporteur spécial, et Catherine Morin-Desailly, rapporteure pour avis sur la mission « Médias », dans le cadre de leur contrôle de France Télévisions 8 ( * ) , un surplus de recettes publicitaires et de parrainage a été réalisé en 2009 par rapport aux prévisions du plan d'affaires à hauteur de 144,9 millions d'euros. En juin 2010, le conseil d'administration de France Télévisions a été informé que l'objectif prévu dans le plan serait à nouveau dépassé de 142,6 millions d'euros pour atteindre 372 millions d'euros de recettes de publicité et de parrainage.

Evolution des ressources propres de France Télévisions

(en millions d'euros)

Réalisé 2009

Budget 2010

Réalisé
1 er semestre 2010

PLF 2011

Ressources propres

413,5

345,1

236,9

384,9

Dont ressources de publicité et parrainage

404,9

339,0

232,4

372,0

Dont autres recettes commerciales

8,6

6,1

4,5

12,9

Source des données : Programme annuel de performances pour 2011 de France Télévisions

Ces améliorations permettent raisonnablement d'espérer que les recettes de publicité et de parrainage en 2011 dépasseront le plan d'affaires et se maintiendront à un niveau au moins égal à celui attendu pour 2010 soit 372 millions d'euros.

En d'autres termes, France Télévisions devrait voir ses ressources propres augmenter de 171,2 millions d'euros de plus que prévu par le plan d'affaires pour 2011.

En conséquence, votre rapporteur général se déclare favorable à la modulation de la taxe sur la publicité ainsi proposée .

La fixation du taux à 0,5 % au lieu de 3 % en cas de croissance des recettes ou de 1,5 % en cas de décroissance, dans l'attente de la mise en oeuvre de la suppression totale de la publicité sur France Télévisions, se justifie tout d'abord par l'absence de report majeur des annonceurs en soirée sur les chaînes privées.

En effet, l'effet de la crise économique, les changements dans la réglementation du minutage, les stratégies commerciales ainsi que l'évolution structurelle de la demande vers d'autres supports tels que Internet ou la presse numérique, ont affecté le report attendu des recettes publicitaires enregistrées en soirée vers les chaînes privées.

En outre, cet effet d'aubaine sera encore retardé en raison de la mise en oeuvre du moratoire relatif à la date de suppression totale des écrans publicitaires sur les chaînes de France Télévisions, prévu à l'article 76 du présent projet de loi de finances pour 2011.

Quant au taux spécifique de la TNT de 0,25 % prévu en 2010 et 2011, c'est-à-dire jusqu'au basculement vers la diffusion en numérique, il prend en compte la situation financière de ce secteur qui, s'il connaît un succès populaire, n'a pas encore atteint le succès économique .

Votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.


* 1 Cf. article 32 de la loi n° 2009-258 du 5 mars 2009 relative à la communication audiovisuelle et au nouveau service public de la télévision.

* 2 La seconde taxe s'applique aux services fournis par les opérateurs de communications électroniques. Son régime est codifié à l'article 302 bis KH du CGI.

* 3 Cf. article 2 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication.

* 4 Chaque groupe télévisuel acquitte la taxe pour chacune des chaînes qu'il possède.

* 5 Hors taxe sur la valeur ajoutée.

* 6 Cf. article 89 de la loi n° 2009-1674 du 30 décembre 2009 de finances rectificative pour 2009.

* 7 La taxe est en effet versée en année n par acompte mensuel ou trimestriel égal à un douzième ou un quart de la taxe due au titre de l'année n+1. Puis elle fait l'objet d'une régularisation du solde en avril n+1.

* 8 Cf. Rapport d'information n° 597 (2009-2010) du 30 juin 2010 de Claude Belot et Catherine Morin-Desailly, fait au nom de la commission de la culture et de la commission des finances.