VI. DÉBATS SÉNAT PREMIÈRE LECTURE DU 19 NOVEMBRE 2010

Séance du vendredi 19 novembre 2010

Article 5

Mme la présidente. « Art. 5. - I. - Le second alinéa de l'article 150 duodecies du même code est supprimé.

II. - L'article 150-0 A du même code est ainsi modifié :

A. - Le 1 du I est ainsi modifié :

1° Après les mots : « le revenu », la fin du premier alinéa est supprimée ;

2° Le second alinéa est supprimé ;

B. - Au premier alinéa du 2 et au 4, les mots : «, quel que soit le montant des cessions réalisées au cours de cette année » sont supprimés ;

C. - La dernière phrase des 2, 2 bis , 6 et 7 du II est supprimée.

III. - Le troisième alinéa du II de l'article 151 sexies du même code est supprimé.

IV. - Au dernier alinéa du 1 de l'article 170 du même code, après les mots : « gains nets exonérés en application », la référence : « du 1 du I et » est supprimée.

V. - Le premier alinéa du 6 de l'article 200 A du même code est ainsi modifié :

1° À la première phrase, les mots : « lorsque le montant des cessions du foyer fiscal excède le seuil mentionné au premier alinéa du 1 du I de l'article 150-0 A » sont supprimés ;

2° La seconde phrase est supprimée.

VI. - Le 7 de l'article 1649-0 A du même code est abrogé.

VII. - Le I de l'article L. 136-6 du code de la sécurité sociale est ainsi modifié :

1° Le 1° est abrogé ;

2° Le dernier alinéa est supprimé.

VIII. - A. - Les I à V et le VII s'appliquent aux cessions réalisées à compter du 1 er janvier 2011. Le VI s'applique pour la détermination du plafonnement des impositions afférentes aux revenus réalisés à compter du 1 er janvier 2011.

B. - Lorsqu'au cours de l'année 2010, la limite prévue au 1 du I de l'article 150-0 A du code général des impôts dans sa rédaction antérieure à l'entrée en vigueur du II du présent article n'a pas été franchie :

1° Le montant des moins-values nettes de cession de valeurs mobilières et de droits sociaux reportables au 1 er janvier 2011 dans les conditions prévues au 11 de l'article 150-0 D du code général des impôts est aligné sur le montant des moins-values reportables à la même date en matière de prélèvements sociaux dans les conditions prévues au dernier alinéa du I de l'article L. 136-6 du code de la sécurité sociale dans sa rédaction antérieure à l'entrée en vigueur du VII du présent article ;

2° Les moins-values nettes de cession de valeurs mobilières et de droits sociaux subies par le contribuable et reportables dans les conditions prévues au 11 de l'article 150-0 D du code général des impôts au 1 er janvier 2010 ouvrent droit, pour leur montant imputé sur les plus-values de même nature réalisées en 2010 pour l'imposition aux prélèvements sociaux, à un crédit d'impôt sur le revenu égal à 19 %. Ce crédit d'impôt est imputé sur l'impôt sur le revenu dû au titre de l'année 2010 après application des réductions d'impôt mentionnées aux articles 199 quater B à 200 bis du même code, des autres crédits d'impôt et des prélèvements ou retenues non libératoires prévus par le même code. S'il excède l'impôt dû, l'excédent est restitué.

La parole est à Mme Marie-France Beaufils, sur l'article.

Mme Marie-France Beaufils. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, la série de mesures relatives à la fiscalité du patrimoine pose la question suivante : quels sont ceux qui seront épargnés, ou quelles seront les victimes du surcroît d'imposition découlant de ces dispositions ? En quelques mots, s'attaque-t-on réellement, avec le présent projet de loi de finances, à l'inégalité de traitement devant l'impôt, qui s'exerce au détriment des revenus d'activité et au profit des revenus financiers ?

Mes chers collègues, concernant la loi de finances pour 2011 telle qu'elle est conçue à ce stade, vous me permettrez de penser que l'ensemble des mesures gouvernementales relatives à la taxation des patrimoines vise singulièrement les petits épargnants. Qu'on se rassure : elle ne touchera pas ceux qui réalisent près de 25 000 euros de plus-values financières ou boursières par an, mais bien plutôt le reste de la population française !

On a pu s'apercevoir que la suppression du crédit d'impôt sur les dividendes touchait plusieurs millions de personnes pour un rendement certes loin d'être négligeable - 600 millions d'euros -, mais dont la portée unitaire est, dans la majorité des cas, inférieure à 50 euros par foyer fiscal.

On est loin, par exemple, du rendement du régime séparé d'imposition sur les plus-values, qui peut être estimé entre 1,5 milliard et 2 milliards d'euros pour les 300 000 ménages qui en déclarent chaque année. Cela représente à un bonus fiscal de plus de 5 000 euros par article...

Prenons un autre exemple : le Gouvernement souhaite supprimer le traitement fiscal particulier accordé aux jeunes mariés, ce qui rapportera a priori 500 millions d'euros sur le dos de plusieurs centaines de milliers de foyers en 2012. Il laisse cependant perdurer un dispositif, issu de la loi TEPA, qui permet à certaines familles de transmettre sans paiement du moindre droit de mutation plus de 300 000 euros de patrimoine à l'un de leurs enfants !

Ainsi, on ne baissera plus ses impôts en se mariant, mais les parents et beaux-parents les plus fortunés pourront continuer à baisser les leurs en alimentant généreusement la dot des jeunes époux !

Cela augure mal du sens de la réforme que le Gouvernement prévoit de faire sur la fiscalité du patrimoine.

On va frapper le revenu des petits épargnants - les « petits revenus financiers » - et l'on va largement épargner les détenteurs des plus gros patrimoines capitalistiques !

Si nous pouvons partager le principe de l'imposition au premier euro des plus-values, nous sommes aussi obligés de rappeler quelle est notre position de fond : il faut tendre à la disparition du dispositif dérogatoire et imposer les plus-values selon le barème de l'impôt progressif.

C'est d'ailleurs là le seul moyen de rendre justice à ceux qui ont juste un peu d'argent de côté au Crédit Mutuel ou au Crédit Agricole de leur chef-lieu de canton, par rapport à ceux qui possèdent des stock-options en nombre ou des plans d'épargne en actions au siège parisien de leur banque de dépôt ou d'affaires.

Si l'article 5 reste en l'état, nous n'irons pas au bout de la réforme équitable dont notre fiscalité de l'épargne a besoin.

Pourquoi, en effet, laisser perdurer un mode spécifique d'imposition des plus-values, qui n'intéresse réellement que ceux qui peuvent en tirer profit, c'est-à-dire moins de 1 % des contribuables de l'impôt sur le revenu ?

Mme la présidente. L'amendement n° I-133 rectifié, présenté par MM. Fouché, P. Dominati, Détraigne, Bécot, Lefèvre, Vestri, Pierre, Milon et Gilles, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Philippe Dominati.

M. Philippe Dominati. Je présente cet amendement au nom de M. Alain Fouché et d'un certain nombre de collègues.

L'article 5 du projet de loi de finances pour 2011 tend à prévoir la suppression du seuil de cession pour la soumission à l'impôt sur le revenu des gains de cession de valeurs mobilières et de droits sociaux réalisés par les particuliers. Les gains de cette suppression sont évalués à 180 millions d'euros.

Actuellement, il n'est procédé à l'imposition au titre des plus-values mobilières des particuliers qu'en cas de dépassement d'un seuil annuel de cession fixé à 25 830 euros pour l'imposition des revenus de l'année 2010. Ce principe de seuil existe depuis 1978 aux fins d'exonérer les petits épargnants et connaît des équivalents, notamment pour les plus-values immobilières.

La suppression du seuil ne répond pas à notre objectif de mettre à contribution les hauts revenus et certains revenus du capital. En effet, une telle suppression, sans mécanisme tendant à préserver les petites cessions, va entraîner une taxation dès le premier euro des plus-values obtenues sur de petits portefeuilles d'actions. L'impôt sur le revenu sera donc dû par les contribuables moyens, voire très moyens, qui détiennent un modeste portefeuille d'actions.

L'amendement proposé tend à rétablir le seuil de cession afin de maintenir la protection offerte à ces petits épargnants, qui sont inéquitablement visés par cet article.

La perte de recettes est compensée par le relèvement du taux d'imposition de la tranche la plus élevée du barème progressif de l'impôt sur le revenu de 40 % à 41,8 %, et non plus à 41 % comme actuellement proposé.

Tel est l'objet de cet amendement.

Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?

M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. La commission est évidemment très sensible à l'argumentaire de notre excellent collègue Philippe Dominati. Le seul ennui, c'est que cette mesure contribue au financement de la réforme des retraites.

J'en suis le premier gêné... On ne m'a pas demandé mon avis, alors que j'étais très attaché à ce seuil de cession, dont, par le passé, j'ai obtenu à plusieurs reprises la revalorisation.

Cela étant dit, M. le secrétaire d'État est bien placé pour le savoir, après avoir conduit pendant des mois, auprès d'Éric Woerth, la réforme des retraites : il fallait y arriver ; il fallait que le dispositif tienne debout ; il fallait financer la réforme !

Nous n'allons pas détricoter ce que nous avons fait. C'est donc avec un peu d'insatisfaction que je constate cet état de fait et sollicite le retrait de l'amendement n° I-133 rectifié.

Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Georges Tron, secrétaire d'État auprès du ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'État, chargé de la fonction publique. Au travers de cette proposition, comme l'a très justement dit M. le rapporteur général, nous revenons sur une question que nous avons largement débattue au sein de cette assemblée, la question du financement, ou plutôt du sauvetage - il n'y a pas d'autre mot - de notre système de retraite.

Parce qu'il reste très prudent par rapport à toutes les mesures touchant à cette question, le Gouvernement n'est pas favorable à la proposition de M. Philippe Dominati.

En premier lieu, cet article 5 du projet de loi de finances s'inscrit tout naturellement dans la volonté affichée par le Gouvernement, au cours des dernières semaines, de faire participer les revenus du capital à l'effort général de financement.

Nous avons eu suffisamment d'échanges sur le sujet, ici, comme à l'Assemblée nationale, pour que je n'aie pas besoin de réexpliquer à quel point le dispositif que nous avons mis en place pour financer le sauvetage de notre système de retraite est équitable. En sus des mesures d'âge, nous mettons à contribution les hauts revenus et les revenus du capital pour assurer ce financement.

En second lieu, depuis le 1 er janvier 2010, le seuil de cession ne s'applique plus en matière de prélèvements sociaux et il résulte de cette déconnexion des assiettes fiscale et sociale une complexité accrue de la norme fiscale. La suppression de ce seuil de cession doit donc permettre de redonner une plus grande lisibilité aux régimes fiscal et social des plus-values mobilières des particuliers, tout en les simplifiant.

Au bénéfice de ces précisions, je vous invite, monsieur Philippe Dominati, à retirer votre amendement. À défaut, notre avis sera défavorable.

Mme la présidente. Monsieur Dominati, l'amendement n° I-133 rectifié est-il maintenu ?

M. Philippe Dominati. Non, je le retire, madame la présidente.

Mme la présidente. L'amendement n° I-133 rectifié est retiré.

Je mets aux voix l'article 5.

(L'article 5 est adopté.)