L'évolution du rôle du Parlement dans le processus budgétaire
Palais du Luxembourg, 24 et 25 janvier 2001
3. L'EXEMPLE HONGROIS par M Imre Szekeres, Président de la commission des Finances du Parlement hongrois
En ce qui a trait à notre sujet, la Hongrie est dans une situation spéciale puisque les institutions et mécanismes nécessitant - ou tout du moins permettant - la transparence du budget de l'État n'existaient pas avant les changements politiques. En outre, le Parlement n'avait pas de contrôle réel du budget de l'État ou de toute autre activité du gouvernement. Le cadre légal et les institutions nécessaires au contrôle du budget de l'État ont été instaurés dans la période allant de 1989 à 1996. Cette même période a vu la transformation de l'économie. La chute du PIB, qui était la conséquence de ces événements, a exigé la gestion de la crise des finances publiques. Cependant, la situation a fondamentalement changé à la fin de 1996. L'économie a commencé à croître à un rythme de 4 à 6 pour cent et ce rythme s'est maintenu depuis lors. Cela a permis d'ouvrir de nouvelles perspectives dans la politique économique du gouvernement. Cela a donné l'occasion de remplacer les mesures d'austérité plutôt radicales prises dans la première phase de la transition par une politique plus consolidée et peut-être un peu plus conciliante. Il est devenu possible d'introduire des réformes à grande échelle comme dans le domaine des pensions. Enfin, l'expérience accumulée a été suffisante pour ajuster et affiner les mécanismes institutionnels et législatifs.
À titre d'illustration des principales évolutions du domaine budgétaire je dois mentionner qu'au tout début de la transition vers une économie de marché, l'une des principales tâches du Parlement a été de mettre sur pied le cadre légal et institutionnel des finances publiques. Permettez-moi de m'attarder sur deux éléments de cet ensemble en mettant tout spécialement l'accent sur la responsabilité et l'audit :
- En premier lieu, la loi sur le Bureau d'Audit National a été adoptée en 1989.
- En second lieu, une nouvelle loi sur les finances publiques a été adoptée en 1992, dans laquelle les nouvelles règles et responsabilités des différentes institutions gouvernementales et budgétaires ont été définies. Suite à ces développements, le rôle du Parlement s'est accru de manière significative, une gestion moderne de trésorerie a été mise en place avec la création du trésor.
Comme je l'ai dit, en 1989, le Parlement hongrois a adopté une loi sur la création du Bureau d'Audit National. Le Bureau d'Audit National est un organisme de contrôle du Parlement dont l'action n'est régulée que par des actes législatifs, et qui n'accepte pas d'ordre ou d'instruction. Même le Parlement ne peut que demander au Bureau d'Audit National de faire un audit, devant pour cette fin adopter une résolution. Le président et le vice président du bureau d'audit national seront élus par le Parlement pour un mandat de 12 ans. Cela garantit une indépendance personnelle significative, car le mandat de la plupart des intervenants dans le domaine politique n'excède pas une durée de quatre ou cinq ans. Les tâches et responsabilité les plus importantes du bureau d'audit national sont les suivantes :
- Contrôler le fonctionnement des institutions budgétaires étatiques et veiller à la légalité et la faisabilité de leur gestion économique,
- Le Président va contresigner les emprunts souscrits par l'État,
- Contrôler le fonctionnement de l'organisme de gestion des propriétés publiques et faire rapport au Parlement,
- Donner une évaluation préliminaire des projets concernant la programmation budgétaire et la clôture des comptes et mise à disposition des membres du Parlement avant que les projets de loi ne soient débattus au Parlement.
Le Bureau d'Audit National a réalisé des audits suivant un calendrier de travail annuel, et la documentation qui en résulte est rendue publique. Il existe une commission parlementaire spéciale appelée Commission du conseil des auditeurs destinée à maintenir la coopération entre les deux institutions et tirer les conclusions légales ou politiques nécessaires basées sur les rapports.
L'expérience acquise au cours des dernières années a montré que le rôle du Bureau d'Audit National doit être renforcé dans deux autres domaines : la gestion financière des gouvernements locaux et le contrôle de l'activité de la Banque Nationale, car le contrôle du Parlement n'est pas adéquat de ces domaines.
L'adoption en 1992 par le Parlement d'un projet de loi sur les finances publiques, plusieurs fois amendé par la suite, a constitué la seconde étape importante du processus de réforme. Cette loi a été la base de la régulation de la gestion financière et la gestion de trésorerie des institutions gouvernementales, des autorités locales et de la sécurité sociale. La création du Trésor Public a constitué une étape importante dans la voie de la transparence et du rejet de la corruption en mettant un terme aux règlements en espèces dans ce secteur. Nous avons pu mettre en place la possibilité d'avoir des débats politiques publiques en fixant un échéancier strict concernant les différentes phases de la préparation du projet de budget de l'État. D'après les réglementations en vigueur jusqu'à récemment, le gouvernement présentait avant le 15 mai au Parlement les principales lignes directrices du budget de l'État. Suite à un débat organisé au Parlement sur ce sujet, le déficit budgétaire et les principales proportions des dépenses faisaient l'objet de décision avant le 15 juin. Le gouvernement soumettait le projet de budget avant le 30 septembre alors que le projet sur le solde de l'année antérieur devait être présenté avant le 31 août.
La directive du Parlement contient également d'importants pouvoirs en matière de contrôle. Le président de la Commission budgétaire est toujours un membre du Parlement appartenant à l'opposition. Les membres du gouvernement devront, au moins une fois par année, soumettre un rapport de leurs activités à la commission parlementaire compétente. Une audience extraordinaire doit se tenir si les 2/5 des membres le demandent. Si une initiative lancée sur toute question recueille le soutien d'1/5 des membres du Parlement, une commission d'enquête temporaire sera mise sur pied. Bien que cela n'ait qu'un effet indirect sur la gestion budgétaire, je crois qu'il est important de mentionner que la commission budgétaire entendra une fois par année le président de la Banque Nationale ainsi que chacun des membres du conseil de la Banque Centrale avant que leur nomination ne soit entérinée.
Depuis 1996 l'économie a connu une croissance dynamique, et il est devenu possible de planifier et de prévoir les processus budgétaires. En outre, des mesures significatives ont été prises dans les domaines suivants :
- Le régime étatique de pensions par répartition a été remplacé par un arrangement en trois volets, qui a permis le retrait d'une part importante de l'épargne à long terme du champ de la politique économique gouvernementale ;
- La Banque Nationale a été libérée des dettes de l'État provenant de la période antérieure, ce qui permet la transparence de l'activité économique de la banque et de ses relations avec le budget de l'État ;
- La gestion des dettes de l'État et son financement ont été graduellement introduits dans un contexte de marché ;
- Une loi sur la passation des marchés publics a été adoptée, qui rend la procédure d'appel d'offres obligatoire si le budget projeté dépasse une certaine limite ;
- Enfin, depuis 1997 il est obligatoire de communiquer à titre d'information des données bisannuelles dans les directives budgétaires et dans la rédaction des prévisions budgétaires qui passent par le Parlement.
En dépit de l'instauration du système des institutions, il existe toujours de nombreux facteurs qui nuisent au contrôle démocratique du budget de l'État. Pour ce qui est du Parlement lui-même, il a été jusqu'à maintenant impossible de trouver une solution permettant d'avoir une vue d'ensemble des investissements publics et des engagements gouvernementaux. Il est pratiquement impossible d'obtenir des informations factuelles adéquates sur ces questions, bien qu'elles apparaissent dans des tableaux séparés dans la programmation budgétaire et les soldes.
La plupart des problèmes sont liés aux avoirs de l'État à titre d'entrepreneur. . Certains de ces problèmes proviennent du fait que la gestion du patrimoine et l'organisation des privatisations fonctionnent en dehors du cadre du budget de l'État. D'un côté cela en fait des opérations moins transparentes mais de l'autre côté les traces de leurs activités financières n'apparaissent pas dans les comptes de l'État. Par ailleurs, cela peut également inciter chaque gouvernement à mettre en oeuvre par ce biais certaines mesures de politique économique. Les circonstances de la loi de privatisation sont à l'origine d'autres problèmes reliés au patrimoine. Il était en effet alors important de privatiser aussi rapidement que possible. Nous n'avions pas envisagé la possibilité que le patrimoine de l'État puisse également augmenter après la stabilisation de l'économie et que l'État pouvait créer ou acquérir de nouvelles sociétés en période de croissance. C'est pourquoi la législation n'est peut être pas appropriée en ce qui concerne les nouveaux éléments du patrimoine de l'État. La participation au Conseil de surveillance de l'agence de privatisation des partis représentés au Parlement ne permet pas non plus de résoudre le problème.
Rendre publique la gestion financière des institutions financées par le budget de l'État génère un grand nombre de conflits. En 1996, est intervenue la nomination d'un médiateur chargé de la protection des données au moment de la nomination des autres commissaires parlementaires. Au cours des dernières années, le médiateur a divulgué plusieurs affaires dans lesquelles des documents ont été déclarés confidentiels par des agences gouvernementales sans motifs juridiques valables. Il y a également eu des cas où il a été ordonné à de telles organisations de rendre publique des données financières. Cependant, les positions prises par le médiateur dans une affaire donnée ne comportent pas de sanctions, tout comme les rapports du Conseil des auditeurs. Le fait de les ignorer n'implique pas de conséquence directe. Cependant tout citoyen peut intenter une action judiciaire s'opposant au maintien de la non-divulgation de données d'intérêt public, et les injonctions des tribunaux seront suivies d'effets.
Enfin, permettez-moi de vous dire quelques mots sur la situation actuelle et sur les tâches qui nous attendent dans les années à venir. Le Parlement hongrois a approuvé l'idée de programmation budgétaire bisannuelle présentée par le gouvernement. Le gouvernement a motivé cette proposition en faisant valoir qu'elle permettait d'assurer une plus grande stabilité et une meilleure prospective. L'avenir de cette initiative est cependant plutôt incertain à l'heure actuelle, car les partis d'opposition ne la soutiennent pas et disposent à la fois d'arguments politiques et disciplinaires à son encontre. Comme je l'ai dit, l'introduction de la programmation budgétaire bisannuelle implique également l'abandon de la réalisation de directives annuelles.
Si je devais résumer l'évolution sur dix ans, je dirais que la Hongrie a atteint un niveau relativement élevé au regard des critères d'accession à l'Union Européenne dans le domaine des finances publiques.
Les évaluations récentes de la situation hongroise ont montré que des progrès considérables avaient été réalisés en matière de contrôle du déficit fiscal et d'introduction de procédures budgétaires plus rigoureuses.
Nous pouvons dire que les fondements d'un système budgétaire moderne et efficace ont été mis en place au cours des dernières années.
Dans le même temps nous pouvons également dire qu'il y a deux nouvelles tâches à accomplir dans un proche avenir. Permettez-moi de citer à titre d'exemple plusieurs domaines qui devront faire l'objet de changements significatifs :
- Il est d'une part nécessaire de continuer la réforme du financement de l'État, tout d'abord dans le domaine de la santé,
- Il est d'autre part nécessaire de renforcer les mécanismes qui sont reliés au financement des organisations indépendantes du budget central, par exemple les municipalités, les organisations civiles,
- Par ailleurs, il est également nécessaire de mettre sur pied un nouveau type de système de répartition de ressources entre le gouvernement et les régions, lequel devrait respecter les exigences de l'Union Européenne. Les fonds budgétaires de l'Union Européenne n'étant pas encore totalement intégrés au processus budgétaire, il faudra de nouveaux efforts pour intégrer les flux budgétaires de l'Union Européenne d'une manière transparente. Il va sans dire que cela aura des répercussions sur la transparence et le système de contrôle.
- En dernier lieu il serait utile d'unifier les coûts reliés à des activités identiques, menées par différentes institutions, ou à leur financement. Si nous y parvenons cela permettra au Parlement et au public d'avoir une vision d'ensemble des opérations de financement du gouvernement.
Je pense enfin que nous devons avoir de plus amples délibérations sur la façon d'améliorer la capacité administrative de l'action budgétaire afin de faire face aux défis auxquels j'ai fait allusion de manière très synthétique.