Assises de la subsidiarité



Palais du Luxembourg, 24 octobre 2008

M. Jean-Claude FRÉCON, Sénateur de la Loire, Vice-président du Congrès des Pouvoirs locaux et régionaux du Conseil de l'Europe

Merci, Monsieur le Président.

Si je comprends bien, il faut déjà que je vous dise que j'élimine non seulement les trois quarts, mais les neuf dixièmes de mon discours. Nous allons donc essayer d'être bref et un petit peu caricatural, mais je voudrais vous dire à mon tour combien je suis heureux de vous recevoir ici, au Sénat dont je fais partie. Je vous parlerai bien sûr de l'exemple français, de ce qui se passe en France sur la subsidiarité. Mais je voudrais simplement dire aussi un petit mot, en tant que Vice-président du Congrès des Pouvoirs locaux et régionaux du Conseil de l'Europe. Depuis maintenant sept ou huit ans, ce Congrès entretient des liens très étroits avec votre Comité des régions, lequel était placé, avant sous la Présidence de Michel Delebarre Elle est maintenant sous celle de Luc Van Den Brande. Nous avons ensemble une particularité. Nous représentons chacun les collectivités locales, dans nos deux grandes structures, c'est-à-dire tous ceux qui, au quotidien, parce qu'ils sont très proches des citoyens, vivent les problèmes de tous les jours. Et c'est pour cette raison que nous avons beaucoup de travail à faire ensemble.

Concernant la France: comment se passe la subsidiarité dans ce pays qui a été celui du jacobinisme pendant très longtemps? Les choses ont largement évolué depuis vingt cinq ans. Il y a d'abord eu en France les lois de décentralisation - les lois de 1981, 1982, 1983 - qui ont bouleversé le paysage institutionnel français, en leur donnant davantage de pouvoirs, et si le mot de subsidiarité ne figurait pas dans ces lois, l'esprit y était déjà. Et c'est bien là le principal. En second lieu il y a eu en mars 2003 la révision constitutionnelle en France, qui a inscrit le mot subsidiarité dans la Constitution française pour lui donner encore plus de force, et affirmer que toutes les collectivités territoriales ont vocation à régler elles-mêmes, sur place, les problèmes qu'elles peuvent régler, sans avoir à les transmettre au niveau supérieur. Je tourne les pages très rapidement...

En troisième lieu, il y a un point sur lequel vous me permettrez de revenir plus particulièrement, parce qu'il me concerne à double titre - en tant que Sénateur et Vice-président du Congrès des Pouvoirs locaux et régionaux du Conseil de l'Europe - à savoir la ratification par la France, et j'allais dire "enfin!", de la Charte européenne de l'autonomie locale, Charte qu'elle avait signée en 1985, mais qu'elle n'a bien voulu ratifier que plus de vingt ans après. Et ce, alors que les principes de la subsidiarité qui étaient déjà en place en France auraient permis cette ratification bien plus tôt. Mais les circonstances politiques intérieures ne l'ont pas voulu ainsi.

En tout cas, nous avons maintenant inscrit les principes de la Charte européenne de l'autonomie locale dans notre législation, et en particulier l'article 2 sur la subsidiarité. Je voudrais dire ensuite, parce qu'il faut que je passe vite et que j'élimine un certain nombre de phrases...

Maintenant, le cadre juridique français est celui dans lequel la subsidiarité est bien présente.

De plus, il faut souligner que nous avons un certain nombre d'organes en France, qui sont chargés de la vérification de l'application de ce principe à nos différents niveaux - communes, départements, régions, auxquels ont peut ajouter encore quelques éléments, tels que l'intercommunalité - et qui résultent toutes du processus décisionnel communautaire: à ce niveau-là figure le Comité des régions, et en particulier leurs membres français qui ont beaucoup travaillé dessus, et que je salue ici, naturellement. Je voudrais citer d'autres organismes, en particulier le Comité des finances locales qui, en France, est un organe particulier, destiné à gérer au plus près les problèmes financiers, à vérifier que, si l'on donne des compétences aux collectivités territoriales, et il le faut, elles doivent avoir les moyens financiers et humains nécessaires pour remplir leurs fonctions. Le Comité des finances locales vérifie tous les textes français dans ce domaine, mais vérifie aussi les textes qui sont issus du droit communautaire. Je passerai sur la composition de ce Comité de finances locales, parce que je pourrais vous en parler une autre fois. La loi assigne aussi, à une Commission d'évaluation des normes, nouvellement créée, le soin de mettre en place l'adaptation des normes communautaires qui s'imposent à nous, mais qui doivent aussi laisser une marge de manoeuvre à nos collectivités territoriales.

Le Sénat, que je représente ici - et dont, j'espère, vous avez apprécié l'hospitalité de ce matin comme vous apprécierez celle du repas, même s'il sera décalé de quelques minutes - est en France le représentant institutionnel des collectivités locales. Il est élu par des représentants des collectivités territoriales, et, à ce titre, est son représentant constitutionnel.

Triple rôle du Sénat: un rôle constitutionnel, un rôle législatif, et un rôle de contrôle de l'action du gouvernement. En matière constitutionnelle, c'est le Sénat qui a été à l'origine de la révision de 2003, qui a permis d'inscrire la subsidiarité dans la Constitution. En matière législative, c'est le Sénat qui prend souvent -pas exclusivement, bien sûr- des initiatives pour mettre en pratique ce principe, et notamment en ce qui concerne la sécurité juridique des actes, la coopération décentralisée, les moyens financiers et la coopération transfrontalière, dont il a été question tout à l'heure avec vous Madame (s'adressant alors à Madame Terrón I Cusí) lorsque vous parliez de cet hôpital entre l'Espagne et la France.

Mais son troisième rôle est de contrôler l'action gouvernementale. Le Sénat met en place des missions d'information sur la décentralisation et propose des réformes. C'est son rôle législatif.

Voilà, Monsieur le Président, j'ai été le plus rapide possible, faisant en cela défaut à beaucoup de sujets que je voulais aborder, mais malheureusement, le calendrier commande.

M. Michel DELEBARRE

Très bien, Jean-Claude! Vous voyez, on a coutume de dire en France, quand quelque chose est lent et prend du temps, que "c'est un train de Sénateur". Jean-Claude nous a prouvé que ça pouvait être autre chose, "un train de Sénateur". Merci pour son intervention.

Est prévu un échange de vues...

M. Jean-Claude FRÉCON

Je dirais simplement, Président, que dans les trains il y a les omnibus et les TGV qui vont beaucoup plus vite...

M. Michel DELEBARRE

Absolument!

Est prévu un échange de vues. Il aura lieu pendant le déjeuner.

Je voudrais simplement faire une ou deux réflexions.

La première est que nous avons une "chance considérable": la crise internationale financière. Depuis quelques semaines, l'Union européenne travaille à son niveau, en regardant vers le haut et en prenant ses positions par rapport à la crise mondiale. Si elle fait cela dans d'autres domaines, il y aura alors de la place pour la subsidiarité. L'Union européenne n'a pas pour tâche de s'occuper du détail de la mise en oeuvre dans le concret, elle a pour tâche de conduire l'Europe vers de grands objectifs, vers de grandes finalités.

Deuxième chose: si la subsidiarité n'est pas populaire, je reprendrai ici l'illustration autrichienne, rassurez-vous, ce n'est pas la faute du peuple. Il n'y est pour rien! C'est de la responsabilité de toutes celles et de tous ceux qui ont à mettre en oeuvre cette subsidiarité, de l'expliquer, et, comme l'a souhaité Karl-Heinz, de la rendre concrète, à Milan, en 2009.

Et, troisième chose - et c'est je seul point que j'extrais de mes conclusions- une phrase du sociologue Pierre Bourdieu sur la gouvernance: "La gouvernance est un de ces nombreux néologismes, qui, produit par des think-tanks et autres cercles technocratiques et véhiculé par les journalistes et les intellectuels branchés, contribue à la mondialisation du langage et des cerveaux".

Donnons la possibilité à l'Europe d'inventer une gouvernance qui soit synonyme de plus de démocratie, et à partir de là, de donner tort à Pierre Bourdieu.

Merci de votre attention. La séance est levée.

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