Assises de la subsidiarité
Palais du Luxembourg, 24 octobre 2008
Mme Ana TERRÓN i CUSÍ, Secrétaire pour l'Union européenne du gouvernement de la Généralité de Catalogne, Membre de la Commission des Affaires constitutionnelles, de la Gouvernance européenne et de l'Espace de Liberté, de sécurité et de justice du Comité des régions
Merci Monsieur le Président, Madame la Commissaire, Président Formigoni. Mesdames et Messieurs, je vais tout d'abord passer à l'Espagnol, qui n'est pas ma langue maternelle, laquelle est le catalan, mais qui fait absolument partie de "mes langues".
Merci d'avoir organisé cet événement, qui me semble très intéressant. Je crois que c'est l'une des choses pour lesquelles nous devons remercier la Présidence française et, bien sûr, le Comité des régions. Tout d'abord, permettez-moi d'excuser le Président Martini. Comme vous le savez, la vie d'un Président de région est difficile, et il n'a pas pu être présent comme il l'aurait souhaité. J'aimerais commencer par le débat sur la subsidiarité - ou, comme nous l'avons vécu, sur la ratification du traité de Lisbonne - et engager la discussion sur la portée et la signification du principe de subsidiarité, sur sa dimension régionale et locale, qui a pris une ampleur très importante. Je ne considère pas la subsidiarité comme un affaiblissement de l'Union européenne, et je ne le vois pas non plus, comme on l'a souvent dit, comme une attribution implicite de compétences qui seraient données aux États membres contre l'Union européenne. Pour nous, il s'agit d'un concept de l'Union européenne, dans son ensemble, dans lequel le citoyen européen occupe une place essentielle, comme le disait Monsieur Formigoni. Nous le voyons comme une partie de l'architecture de cette construction européenne - permettant de respecter, mais aussi d'exercer la démocratie de proximité - comme principal mécanisme qui doit régir les relations entre les différents niveaux institutionnels, mais également comme une façon de voir les politiques qui sont adressées aux citoyens. Pour nous, il s'agit d'un mouvement dans les deux sens, qui ne va pas seulement du haut vers le bas. À notre sens, il y a un principe de coresponsabilité. Une application honnête de ce principe de subsidiarité reconnaît les domaines dans lesquels l'action doit venir d'instances européennes, et je crois que nous devons clairement le dire. Nous le disons et le revendiquons, mais demandons également une interprétation claire du principe de subsidiarité, ainsi qu'une gouvernance à multi-niveaux. Il y a eu, ici et là, des réticences au niveau régional, s'agissant de l'application des politiques européennes, et je pense que nous devons prendre ceci très au sérieux. Nous devons voir que ces réticences naissent souvent de la difficulté de s'identifier à des processus de décisions et surtout du problème posé par les gens, qui n'ont pas le sentiment d'appartenir à ce processus de prises de décisions.
Je vais vous donner un exemple qui illustre mes propos. Comme le disait l'orateur précédent, nous avons des régions très différentes, qui ont des pouvoirs administratifs décentralisés, mais nous avons également des régions, comme la mienne, qui possèdent un Parlement élu par ses citoyens et un gouvernement responsable devant ce Parlement. Une région, que l'on appelle ainsi en jargon européen, mais à laquelle on fait référence comme à une nation. Le Parlement catalan transpose une grande partie des législations qui viennent de l'Union européenne, et le gouvernement catalan régional, auquel j'appartiens, les applique. En situation de démocratie, comment voulez-vous que se sentent ces Parlements et gouvernements qui n'ont pas participé aux processus permettant de parvenir à ces décisions, lorsqu'on leur dit: "Vous devez appliquer ces décisions. Vous devez créer des législations, en suivant ce modèle. Vous devez, Parlement et gouvernement, appliquer ces politiques."?
Cela est vécu comme quelque chose d'imposé et ne peut être ressenti autrement. Il est évident que nous ne pouvons pas demander, à ce niveau de gouvernement, d'assumer une coresponsabilité à des prises de décisions auxquelles ils n'ont pas participé.
Les citoyens ressentent et regrettent cela. Je pense que si nous ne changeons pas cette situation, dans une région favorable à l'Europe, comme la Catalogne, nous allons être confrontés à des symptômes de rejets des décisions qui viennent de l'Union européenne, et ce, quelles que seront les campagnes d'information et de communication que nous nous efforcerons de faire. Car il ne s'agit pas d'un problème d'information, mais de participation et d'exercice de la démocratie.
La subsidiarité est un principe politique de base de la construction européenne. Son introduction dans le droit communautaire a été progressive et constante. Nous allons voir comme elle changera dans un avenir immédiat. C'est un principe fondamental de l'exercice des compétences. D'après Monsieur Martini, les autorités locales et régionales vont renforcer leurs rôles d'ambassadeurs de la subsidiarité. L'extension locale et régionale ne doit pas être uniquement perçue comme une défense de compétences, mais comme un signe de participation et de coresponsabilité. Le principe de subsidiarité exige l'engagement des divers niveaux qui interviennent dans la gouvernance européenne. Compte tenu de la configuration institutionnelle de l'Union européenne, et du schéma de la gouvernance multi-niveaux, il faut garantir le bon fonctionnement des mécanismes de coopération aussi bien au niveau des institutions de l'UE que au niveau de l'Etat, auxquels participeront les régions, afin de pouvoir définir la position de l'État.
Il convient également, d'après moi, de défendre le fait que le mécanisme de la gouvernance multi-niveaux implique une participation qui va bien au-delà de l'attribution des compétences entre les institutions européennes, celles de l'État, et celles des régions. En Catalogne nous n'avons pas de compétences sur la politique étrangère, mais nous avons eu des exemples très clairs de coopération positive en matière de politique étrangère.
Par exemple, dans ma région - où pour des raisons évidentes et historiques, la politique euro-méditerranéenne a été vécue comme très forte et très prenante avec l'État espagnol .Comme région nous avons travaillé sur le processus de Barcelone. Cette proposition reposait sur le soutien des citoyens qui se sentaient appartenir à ce processus. Pourtant nous n'avions pas de compétences pour ce faire, mais nous l'avons fait et en plus en coopération avec l'Etat., et je crois qu'il est bon de le souligner.
J'espère que le traité de Lisbonne entrera en vigueur, car il reprend cette culture de la subsidiarité et je crois qu'il serait souhaitable qu'il soit appliqué très rapidement. Je crois également qu'il est porteur d'un élément intéressant en ce qu'il implique les Parlements régionaux et parle de leurs rôles.
J'espère que cela nous permettra d'aller au-delà de la situation que j'essaie de décrire, selon laquelle les Parlements régionaux ont le sentiment de ne pas compter, et ce, afin qu'ils se sentent appartenir au processus. Ensuite, il y a le principe du respect des décisions locales et régionales. Je crois que c'est très important, car les formulations sont très importantes en démocratie, comme la première référence du texte du traité sur les Parlements. Pour beaucoup de raisons, je crois que nous devons espérer une entrée en vigueur rapide du traité de Lisbonne. Comme je le disais auparavant, les régions, notamment celles qui ont des pouvoirs législatifs, ne doivent pas renoncer à faire entendre leurs voix, ni à définir leurs rôles spécifiques dans nos États, comme leurs rôles au sein des institutions européennes.
La Catalogne a toujours misé sur un système qui serait un réseau d'acteurs étatiques, locaux et régionaux, avec une architecture verticale, mais également horizontale. Nous sommes membres des Régions aux pouvoirs législatifs (REGLEG), et au même temps nous favorisons la coopération euro-régionale. Cela nous permet de travailler avec des régions voisines, ce qui est très important au plan européen. Nous allons bientôt inaugurer un hôpital sur une zone frontalière, qui sera régi par la France et par la Catalogne et destiné aux citoyens de la zone des Pyrénées afin d'éviter des déplacements non nécessaires des deux cotés de la frontière. Comme région nous avons les compétences sur la santé et à cette fin nous nous sommes donc dotés d'instruments législatifs qui nous permettent d'avoir des compétences dans les domaines européens. Nous avons un statut d'autonomie. Cela va dans le sens d'une organisation bilatérale, dans notre relation avec l'État.
En 2004, nous avons abordé la question de la participation des régions espagnoles au Conseil des Ministres avec la participation des Ministres régionaux. Ceci a une grande valeur symbolique, car ces fonctionnaires qui vont appliquer la législation participent au groupe de travail ministériel, et le Ministre régional qui invoque que l'Europe lui impose de faire les choses, se retrouve en lieu et place, avec l'État, où se prennent les décisions. Mas ceci dit, nous ne renoncerons pas à faire entendre notre voix directement auprès des institutions européennes. Nous souhaitons oeuvrer en faveur d'un système multi-niveaux d'une bonne gouvernance européenne, et promouvoir la culture de la subsidiarité. Comme je le disais au début, et je conclurai sur ce point, nous la concevons comme un principe de l'architecture de la construction européenne, et comme un mécanisme opérationnel et bidirectionnel, ne l'oublions pas.
Cela veut dire que nous avons tous une responsabilité et que nous devons tous agir à nos niveaux de gouvernements. Cela implique que tous nous devons défendre le niveau de décisions des autres et assumer toutes les décisions, comme si elles étaient prises par nous-mêmes.
Je vous remercie de votre attention.
M. Luc VAN DEN BRANDE
Merci beaucoup, Madame Terrón. Vous avez évoqué un certain nombre d'éléments très précis. Vous avez donné des orientations également très claires. Je souhaitais simplement ajouter, comme l'a fait notre collègue Schneider au nom de la Commission de la cohésion territoriale, que les éléments que nous évoquons sont essentiels.