Assises de la subsidiarité
Palais du Luxembourg, 24 octobre 2008
M. Michael SCHNEIDER, Secrétaire d'État pour les Affaires fédérales et européennes, Représentant plénipotentiaire auprès de l'État fédéral du Land de Saxe-Anhalt, Président de la Commission de la politique de la cohésion territoriale du Comité des régions
Merci beaucoup, Monsieur le Président, Madame la Commissaire,
Je viens également d'une région à pouvoir législatif, et s'agissant de ce thème, je dois dire que nous jouons un rôle essentiel.
Mesdames et Messieurs, permettez-moi de vous faire part de quelques remarques à propos de ce thème, thème que je souhaite évoquer un petit peu comme une thèse, de façon assez brève compte tenu du peu de temps que nous avons à notre disposition dans la première partie de ces Assises. Nous parlerons de la gouvernance multi-niveaux et du lien à établir avec la subsidiarité. Je crois que c'est une bonne chose de le faire et d'évoquer cette nécessité. Il est indispensable que nous en parlions, parce que subsidiarité et multi-gouvernance ou gouvernance multi-niveaux sont les deux faces d'une même médaille. Vous n'en disconviendrez pas, il s'agit dans les deux cas de concepts ou de notions que nous ne souhaitons pas simplement énoncer de façon purement descriptive. Nous souhaitons faire de ces concepts, ou de ces notions, quelque chose qui ait une véritable valeur intrinsèque et qui ne puisse être défini que par des objectifs "multi-différents".
Subsidiarité et multi-gouvernance ou gouvernance multi-niveaux sont des réalités qui nécessitent des structures de prises de décisions un cadre de processus décisionnel, dans lequel elles doivent se placer. En revanche, pour ce qui est de la subsidiarité, ce sont essentiellement des processus de décisions sur le fond qui sont concernés. Je crois qu'à cet égard l'on peut faire un constat, à savoir que l'Union européenne, dans son ensemble, a bien compris le principe de la multi-gouvernance ou de la gouvernance multi-niveaux, qu'elle s'en félicite et qu'elle l'appelle de ses voeux.
Au cours de ces dernières années, il faut reconnaître que la réflexion a changé, les gens pensent différemment. On pense l'Europe en termes d'une prise en compte plus marquée de la dimension régionale et locale, ce qui me paraît être une bonne chose, parce que le niveau européen est important. Mais les États membres et le niveau européen doivent bien comprendre qu'un grand nombre des objectifs que nous avons en commun au sein de l'Union européenne, ne pourront être réalisés que si l'on implique pleinement les Collectivités locales et territoriales et si ces deux niveaux sont associés de très près. Pour ce faire, ils ont besoin de leurs propres compétences, qui nécessitent une gouvernance multi-niveaux.
Lorsque je parle de participation ou de nécessité pour ces collectivités de s'associer au système de prises de décisions, la gouvernance multi-niveaux ne peut signifier que les régions et les communes, puisque c'est essentiellement d'elles qu'il s'agit, aient vocation à n'être que de simples organes exécutifs des décisions prises au niveau européen. Non. Loin de cela. La gouvernance multi-niveaux ne doit pas être simplement comprise pas comme un instrument de coordination des politiques européennes, mais comme un instrument de prises de décisions politiques et de motivation des décisions, au plan local.
Le niveau national est indispensable, dans l'ensemble de nos États membres et le niveau régional également. Nous avons chacun des intérêts différents, nous voyons les choses chacun à notre manière, mais - parfois on l'évoque trop peu - existent des connaissances expertes. À cet égard, on ne peut en aucun cas nier ces compétences expertes au niveau local, sous prétexte qu'il y a une approche nationale qui est indispensable. Parce que ceci irait à l'encontre du principe de la gouvernance multi-niveaux.
Avec la création du Comité des régions, en tant qu'organe consultatif de l'Union européenne en 1994, un pas en avant a été franchi vers la participation des régions aux prises de décisions politiques au niveau de l'Union européenne. On ne peut que se réjouir qu'au cours de ces dernières années, ce n'est pas seulement la Commission, mais également le Parlement européen lui-même qui, de plus en plus, a consulté le Comité des régions et a essayé de tenir compte des connaissances expertes des collectivités locales et régionales, dans leurs prises de décisions, en passant précisément par le Comité des régions. C'est une évolution dont on ne peut que se féliciter et se réjouir.
Ceci étant dit, cette participation indirecte des niveaux locaux et régionaux à la prise de décisions européennes a une répercussion directe sur les prises de décisions au sein des États eux-mêmes. Et là, il y encore beaucoup à faire, parce que la situation est loin d'être satisfaisante. On a souvent vu que cette prise de décisions est un petit peu en porte-à-faux. On l'a vu notamment pour la plate-forme de Lisbonne. C'était le cas, pour la plate-forme sur le contrôle de la subsidiarité. Il y a de cela quelques années, on a pu l'observer à nouveau, lorsqu'a été élaboré le plan national de l'utilisation des fonds structurels. Là, notre Commission territoriale y est étroitement associée. Mais l'on a trop peu associé le niveau local et le niveau territorial dans la prise de décision nationale. Tout cela laisse encore beaucoup à désirer. Maintenant, j'en arrive au principe de subsidiarité.
Mesdames et Messieurs, on parle beaucoup des citoyennes et des citoyens. Nous avons l'occasion de nous entretenir avec eux, lorsque nous sommes en campagne électorale, notamment. Si vous êtes comme moi, vous avez souvent entendu la question posée: "Mais, c'est quoi, finalement, cette histoire de subsidiarité?" Moi, j'ai une petite formule qui me permet de répondre à cette question, quand on me la pose. Je dis la chose suivante: "Vous savez, la subsidiarité, ça veut dire autant d'Europe que possible, mais aussi peu d'Europe que possible". Ça vous paraît peut-être un peu simpliste, ça peut peut-être induire en erreur, mais il faut ramener cela au niveau national, parce que la subsidiarité est également un thème qui doit faire l'objet de débats au niveau national. À ce moment-là, je dis: "Autant de centralisme, autant de règlementations au plan central que possible, mais autant de compétences au niveau inférieur que possible". Par inférieur, je veux dire, plus local.
Je pense que cette formule permet de bien expliquer le fait que, lorsqu'on parle de subsidiarité, il ne s'agit pas simplement d'opposer différents niveaux de compétences. Il s'agit vraiment de veiller à ce qu'il y ait une concertation idoine entre les différents niveaux de compétence. Il faut qu'il y ait une bonne mise en commun des ressources. Il s'agit là de deux éléments essentiels. Il faut savoir que le principe de subsidiarité ne fonctionnera que si les différents niveaux de compétences, je pense notamment aux niveaux régional et local, disposent de compétences suffisantes et de pouvoirs suffisants. Ces pouvoirs doivent les amener à être associés directement aux prises de décisions.
Je crois que le principe de gouvernance multi-niveaux et la subsidiarité sont imbriqués l'un dans l'autre, à cet égard. Ça me paraît être une évidence.
Et puis, il faut insister sur le fait que la subsidiarité ne peut en aucun cas être décrite de façon abstraite. Bien au contraire. Il faut que tout cela soit très concret, il faut que ce principe de subsidiarité soit interprété au niveau local. Ensuite il faut se poser la question de savoir quelles sont les mesures qu'il y a lieu de prendre, à quel niveau. Et cette question, bien entendu, est systématiquement une question d'espèce, un cas particulier. Le principe de subsidiarité, interprété, tel que je le fais moi-même, signifie que la subsidiarité est véritablement la colonne vertébrale de l'Union européenne. Je crois que Luc Van Den Brande a évoqué la nécessité de "voir la subsidiarité porter l'Europe", ou quelque chose dans ce genre. Ce que je veux dire, c'est que c'est un potentiel qui pourrait être développé, mais qui ne pourra l'être que si le principe de la gouvernance multi-niveaux n'est pas simplement encouragé dans les discours que l'on tient tel dimanche ou tel samedi, si on l'applique sur le terrain, tous les jours.
Nous sommes loin d'en être là.
C'est la raison pour laquelle, au sein du Comité des régions, nous ne sommes pas toujours d'accord sur les cas d'espèces. Lorsqu'il s'agit de l'application du principe de subsidiarité, nous ne sommes pas toujours sur la même longueur d'ondes.
Dans la Commission de la cohésion territoriale, lorsque l'on parle des politiques régionales, il arrive souvent que certains représentent des régions, qui ont énormément d'autonomie, comme les États fédéraux allemands, les bundesländer , ou d'autres qui ont des niveaux de responsabilités inférieurs. Et pourtant, ce sont les mêmes niveaux qui doivent utiliser les fonds européens et qui veulent avoir la possibilité de gérer ces fonds. Dans ces cas-là, les représentants des différentes régions sont un petit peu en porte-à-faux les uns par rapport aux autres. Ils ne sont pas d'accord. Certains souhaitent qu'il y ait davantage d'interventions au niveau européen, parce que cela permettrait d'éviter des écarts et trop d'ingérence au niveau national. Ils estiment qu'au niveau européen, on peut mieux lutter contre cette ingérence de l'État centralisateur. Et là encore, nous évoquons le principe de subsidiarité, mais pour parler de choses différentes. Je m'adresse particulièrement ici aux membres du Comité des régions.
Si, sur base du traité de Lisbonne, nous entendons examiner au cas par cas la question de savoir s'il y a lieu de renforcer le principe de subsidiarité, sachez que nous aurons du pain sur la planche. La tâche ne sera pas facile parce que nous aurons à expliquer la subsidiarité de façon très différente selon l'endroit où nous sommes. Il est vrai que la situation n'est pas satisfaisante. Dans l'état actuel des choses on ne peut pas s'en féliciter, nous en sommes tous d'accord.
Pour apporter une solution à cette situation qui n'est pas satisfaisante, il est indispensable qu'il y ait une réalisation au plan européen du principe de gouvernance multi-niveaux. C'est un appel que je vous lance, et je conclus sur ce point.
Merci.
M. Luc VAN DEN BRANDE
Merci beaucoup, cher collègue, Michael Schneider. Je donne la parole à présent sans plus tarder à notre collègue, Madame Ana Terrón I Cusí, qui est Secrétaire pour l'Union européenne du gouvernement de la Généralité de Catalogne.
Madame Terrón, vous avez la parole.