Assises de la subsidiarité
Palais du Luxembourg, 24 octobre 2008
ÉCHANGES DE VUES
M. Denis BADRÉ
Je donne donc la parole au Président Ranzetti.
M. RANZETTI
Merci Monsieur le Président.
Chers collègues, notre présence ici au Sénat français montre à quel point il est important pour nous de voir dans le Comité un partenaire fondamental, dans les relations institutionnelles européennes. Je veux être bref et ne reprendrai donc pas tous les éléments nouveaux du traité de Lisbonne. Le principe de subsidiarité d'ailleurs été très largement illustré ici. C'est, à mon avis, une étape fondamentale du processus de décisions européennes, à laquelle les régions à pouvoirs législatifs sont appelées à participer.
Ce que j'aimerais souligner, c'est que si l'on veut respecter ce principe, il faut que les États soient bien organisés et capables de passer des accords avec les organes régionaux, surtout lorsqu'il s'agit de mettre le droit communautaire en oeuvre, alors que très souvent, les rapports sont peu cohérents entre l'État et les régions, ce qui provoque des risques de conflits. C'est ce qui a été rappelé tout à l'heure.
Il ressort de ce cadre qu'il faut faire un effort ensemble - gouvernements, Parlements, législatifs, exécutifs, au plan régional comme au plan national - et non pas les uns contre les autres, je le souligne. Et ce, pas seulement dans la phase ascendante, mais également lorsqu'il s'agit d'appliquer le droit communautaire.
Pour l'instant, en Italie, les instruments politiques institutionnels de monitorage et de contrôle de la subsidiarité sont multiples. Je vous renvoie à mon intervention écrite, ou au procès-verbal, pour gagner du temps.
En conclusion, je crois devoir souligner que le chemin le plus aisé, le plus prometteur, est bien entendu une collaboration plus étroite avec le Comité des régions, ainsi qu'un renforcement des relations interparlementaires, afin de ne pas être écrasés par le pouvoir exercer par les exécutifs. Par ailleurs, Monsieur le Président, je tiens à vous remercier de votre hospitalité et je voudrais souligner un aspect lié au principe de subsidiarité.
Il est nécessaire de conjuguer la capacité de gouverner et de représenter. Ces sont deux voies nécessaires, si l'on veut relancer le processus unitaire de l'Europe à tous niveaux, y compris au niveau régional, ce qui a d'ailleurs été déjà évoqué par le représentant de la Cour de justice, afin d'arriver à une véritable gouvernance européenne capable de faire face à des problèmes inattendus, qui se posent à nos sociétés aujourd'hui, comme par exemple la crise financière très grave, les changements climatiques, les rapports de coopération entre le Nord et le Sud, l'Est et l'Ouest, qui apparaissent aujourd'hui extrêmement différents de ce qu'ils étaient par le passé.
Ce qui nous apparaît, c'est que le principe de subsidiarité est absolument lié au caractère universel des droits, dont seules les institutions publiques peuvent garantir le respect.
Merci de votre attention et de votre hospitalité.
M. Denis BADRÉ
Merci, Monsieur le Président, pour ce très beau témoignage, qui n'appelle comme réactions que les applaudissements de la salle.
Je n'ai pas été saisi d'autres questions. Donc je vous donne la parole, pour des interventions brèves, si vous le voulez bien.
M. Fabio PELLIGRINI
Une petite considération sur le débat de ce matin. Dans les diverses interventions, j'ai trouvé très intéressant ce type de réunion ou de conférence car il est nécessaire de trouver ensemble une culture institutionnelle commune, afin de l'appliquer. C'est ce que j'ai déduit des interventions. Autrement, la subsidiarité peut devenir un séparatisme , et pas seulement un facteur d'autonomie. Durant l'après-midi nous avons écouté dire la nécessité de davantage d'Europe. Ce matin, on parlait de politiques étrangères, qui sont déjà nombreuses, compte tenu du nombre d'États. Je pense que ce serait mauvais si nous devions passer également par les Parlements ou les conseils régionaux. Il y a là, je crois qu'il s'agit d'une absurdité et d'une contradiction de la subsidiarité. Il faut avoir une vision globale de la démocratie institutionnelle, qui rendra plus facile l'application de la subsidiarité, bien entendu avec une dialectique interinstitutionnelle, mais sans entrer en contradictions avec les contre-propositions. C'est très important de faire comprendre ça aux citoyens, pour ce qui est de l'intérêt de la subsidiarité, pour leur apporter de la démocratie et non pas pour la leur en soustraire.
Je suis le Vice-président du Conseil des Comités des régions et membre du Conseil de l'Europe et je dois faire référence à ce qu'a dit mon Président et aussi le Professeur Merloni, sur la question de la Charte de l'autonomie locale. Je vais poser une question précise aux juges de la Cour de justice pour avancer sur l'aspect juridique. Au sein de la Cour, d'après les dispositions du traité de Lisbonne, le juge est aussi là pour sanctionner, alors que la Charte est un cadre juridique, mais n'est pas une autorité juridique qui peut sanctionner les États qui n'ont pas respecté le principe de subsidiarité. Il faudrait que l'Union européenne adhère au fait d'en doter la Charte, ou que les États de l'Union européenne considèrent la Cour non pas seulement comme instrument juridique, mais aussi comme un instrument qui sanctionne ceux qui ne respectent pas la Charte d'autonomie locale. Peut-être serait-il nécessaire que vous deveniez une autorité "sanctionnatrice" pour faire respecter cette charte?
Merci.
M. Koen LENAERTS
Merci, Monsieur le Président. Je suppose que vous parlez de la Charte de l'autonomie locale.
Il me paraît très peu probable et sans doute juridiquement impossible que l'Union européenne, en tant que telle, devienne partie à cette Charte, car nous avons eu le problème de l'adhésion de l'Union européenne à la Convention européenne de Droits de l'homme, cet instrument très important du Conseil de l'Europe. Pour pouvoir adhérer à une telle convention, la Cour en 1996 a dit qu'il fallait une base juridique, ou, pour le dire autrement, que le traité sur l'Union européenne contienne une clause d'habilitation de l'Union européenne, pour pouvoir adhérer à cette convention au sein du Conseil de l'Europe.
Ensuite il faut que les membres du Conseil de l'Europe acceptent l'Union européenne, qui n'est pas un État, comme étant cosignataire, à côté des États membres du Conseil de l'Europe. C'est un problème additionnel. Mais du point de vue du droit de l'Union européenne, il faut d'abord une clause d'habilitation. Avec l'entrée en vigueur du traité de Lisbonne, nous disposerons d'une telle clause d'habilitation pour ce qui est de la Convention européenne des Droits de l'homme, mais pas pour la Charte de l'autonomie locale du Conseil de l'Europe.
M. Denis BADRÉ
C'est un problème pour l'Union européenne et non pas pour le Conseil de l'Europe, on est d'accord?
M. Koen LENAERTS
Oui. C'est un problème pour l'Union européenne, au départ. Et ça en devient un par la suite, pour le Conseil de l'Europe, qui doit aussi négocier cette adhésion. Je suis tout à fait d'accord: le premier obstacle est au sein de l'Union européenne et requiert une révision du traité. Je crois pouvoir dire qu'après le traité de Lisbonne et toutes les difficultés qu'aura comporté son entrée en vigueur, on ne recommencera pas dès le lendemain...
M. Denis BADRÉ
C'est un long chemin, n'est-ce pas?
M. Koen LENAERTS
Exactement.
M. Denis BADRÉ
Merci à vous.
M. Luc VAN DEN BRANDE
Un mot sur ce que vous avez dit concernant le fait que cela pourrait être un problème pour le Conseil de l'Europe. Pour vous tranquilliser, je peux vous dire d'emblée qu'au Conseil de l'Europe, à différentes reprises, et en ce qui concerne la Convention des Droits de l'Homme, on a dit que nous attendions...
M. Denis BADRÉ
On est plus que demandeurs!
M. Luc VAN DEN BRANDE
Plus que ça! Nous avons contracté entre temps avec les autres institutions. Nous incitons l'Union à devenir partie en ce qui concerne la clause d'habilitation, pour avoir accès à la Charte. Ce sera pour le prochain traité.
M. Denis BADRÉ
Merci à vous. S'il n'y a pas d'autres questions, nous arrivons au moment de tirer les conclusions.
Le programme prévoyait que ces conclusions seraient tirées par le Président Van den Brande et votre serviteur, mais je me sens très peu qualifié à côté de lui pour le faire.
Pour gagner du temps et pour que la conclusion gagne en qualité, je pense que le mieux est donc de lui donner la parole.
M. Luc VAN DEN BRANDE
Vous êtes la preuve éminente de ce qu'un philosophe français a dit: "Il ne suffit pas d'être humble, il faut l'être avec discrétion".
M. Denis BADRÉ
C'est gentil ou pas gentil?
M. Luc VAN DEN BRANDE
C'est gentil ! Et je pense donc que vous êtes le mieux placé dans cette enceinte pour tirer quelques conclusions...