Assises de la subsidiarité
Palais du Luxembourg, 24 octobre 2008
M. Han TEN BROEKE, Membre de la Chambre des Représentants des Pays-Bas
Merci à vous, Monsieur le Président. Vous avez également raison. L'Europe, ce n'est Strasbourg, ce n'est pas Bruxelles. C'est nous. Ce sont les régions, les Parlements nationaux, les capitales.
Je vais poursuis en néerlandais dans l'esprit de la subsidiarité, qui est une notion que vient d'évoquer très clairement notre ami tchèque, un concept qui doit absolument devenir de plus en plus populaire, car il est vrai que rares sont ceux à qui on pourrait poser la question, et qui sauraient dire ce qu'est exactement la subsidiarité en Europe. En tant que catholique venu d'un pays protestant, j'essaie, pour ma part, de citer Thomas d'Aquin, par exemple. Je crois que vous aurez compris à quoi je fais allusion...
Le principe de la subsidiarité, tel qu'il est ancré dans le traité de Maastricht, c'est de là que vient son origine, ainsi que le rôle des Parlements nationaux - puisque c'est de cela dont on parle pour la première fois dans le traité d'Amsterdam - ont aussi vocation à devenir de plus en plus populaires. Je tiens à remercier tous ceux qui sont présents. Paul Peters, du Parti socialiste, m'a donné son temps de parole. C'est un monopole que j'ai maintenant. Vous le voyez, c'est formidable, même dans les Parlements néerlandais, il arrive parfois que l'on partage nos compétences, de manière à ce que les choses puissent se faire. Et en fait, c'est ainsi que les choses doivent être. Lorsque l'on parle du principe de subsidiarité, je crois qu'il est extrêmement important que les deux types de Parlements - les Parlements nationaux, sans oublier le rôle des Parlements régionaux - travaillent en étroite collaboration, de manière à parvenir à une évaluation commune de la situation, pour le plus grand bien-être des populations qui les ont élus. Les traités, comme je vous l'ai dit tout à l'heure, ont souhaité instaurer ce principe de subsidiarité. La situation dans laquelle nous nous trouvons à l'heure actuelle, est une situation dans laquelle, vous l'aurez compris, le traité de Lisbonne est en état de coma absolu. Un plan de renflouement irlandais était attendu, qui n'est jamais arrivé. Pour autant, dans le traité, il est évident que certains éléments sont tout à fait perfectibles, il faut le reconnaître. En ce qui nous concerne, et je parle là au nom de l'ensemble du Parlement néerlandais, je crois qu'on peut améliorer les choses. Ce, notamment dès lors qu'il s'agit de renforcer les rôles de Parlements nationaux et régionaux, puisque c'est la première fois qu'il est reconnu à l'article 8 du traité de Lisbonne, que dans la constellation européenne, les Parlements nationaux sont également amenés à jouer un rôle important. Cela me paraît essentiel.
D'autres intervenants l'ont dit, notamment Volker Hoff tout à l'heure, qui y a fait référence. Il n'y a qu'une seule façon de renforcer la légitimité de l'Europe, ou de la retrouver, à supposer qu'elle ait déjà existé. C'est en permettant aux Parlements nationaux et régionaux de jouer leurs rôles, chaque fois qu'il s'agira de prises de décisions européennes. L'Europe est trop importante pour laisser à Strasbourg et à Bruxelles le soin de prendre toutes les décisions. Il faut qu'elle ait l'appui de tous les Parlements nationaux, qui doivent pouvoir intervenir, dès lors qu'ils estiment qu'à Bruxelles s'est fait quelque chose qui n'aurait pas dû être fait. L'article 8 reconnaît donc cela, mais également le Protocole 2, célèbre s'il en est, où l'on parle de l'intégration. Le gouvernement néerlandais, les néerlandais, le Parlement néerlandais et moi-même - qui siège dans les rangs de l'opposition, mais qui, je dois le dire, appuie cela - avons obtenu la possibilité d'utiliser le carton orange.
Je suis heureux, Monsieur le Président, que vous ayez évoqué ce carton orange. C'est une couleur qui plaît beaucoup chez nous mais qui plaît beaucoup aussi en Irlande, et je crois que ça ne peut être qu'un élément positif. Qu'entend-on par ce carton orange? Permettez-moi de vous en dire quelques mots. Le carton orange est un carton qui peut être présenté à partir du moment où une majorité normale de Parlements nationaux s'oppose, ou a un recours à introduire pour infractions au principe de subsidiarité ou de proportionnalité, pour ce qui est d'une proposition qui émanerait de la Commission européenne.
Nous aurions difficilement pu choisir meilleure semaine que cette semaine-ci pour en parler, car précisément, cette semaine, une directive de la Commission européenne qui porte sur l'égalité du traitement des chances, Equal rights , a essuyé deux jugements négatifs, en raison, précisément, d'une violation du principe de la subsidiarité et de proportionnalité. Il s'agissait non seulement d'une initiative de la Chambre basse des Pays-Bas, mais également de la Chambre haute du Sénat des Pays-Bas. La Présidence française, et donc le Président français, ont abondé dans le sens de la remarque néerlandaise. C'est quelque chose qui est tout à fait remarquable et unique. Cela signifie que chacun peut prendre connaissance d'un arrêt, en l'occurrence ici de l'arrêt rendu par le Parlement néerlandais. C'est une innovation tout à fait remarquable, car je crois qu'il n'y a pas de disposition précise dans le traité qui indique qu'il faille informer un autre parlement d'une décision prise dans un parlement donné. C'est donc le début d'une belle collaboration en matière de subsidiarité et de proportionnalité, que l'événement qui s'est produit cette semaine.
Ce que j'appelle de mes voeux, c'est une situation dans laquelle nous coopérions mieux, entre les Parlements nationaux, certes, mais également entre Parlements régionaux. Il y a un mois à peine, c'était un honneur pour moi d'être présent à Berlin, lors de la conférence qui avait organisée par le Ministre d'État Volker Hoff et par le land de Hesse. Il a été intéressant de constater combien il y avait de différences sur la façon dont il fallait compléter la subsidiarité, selon que l'on était de tradition fédérale - comme la fédération allemande - ou selon qu'on ne l'était pas - les Pays-Bas ne sont pas de tradition fédérale- ou encore, selon que nous estimions qu'il serait bon qu'advienne une tradition fédérale en Europe.
Indépendamment de tout cela, il faut que nous puissions regarder nos électeurs droit dans les yeux en leur disant que nous avons contribué aux prises de décisions en provenance de Bruxelles. Si nous souhaitons pouvoir le faire, il faut que nous le fassions de manière efficace, car après tout, nous ne disposons que de huit semaines pour ce faire. À moins d'être l'auteur de la proposition ou que la proposition soit formulée dans une langue que vous connaissiez; auquel cas, vous disposez de 12 semaines pour ce faire. Une proposition a été faite par les Pays-Bas à la COSAC, précisément, afin que la coopération se fasse de manière plus efficace. Ma collègue du pays basque a fait référence à l'IPEX. Le système IPEX est un système qu'il faut utiliser.
En effet, qu'y a-t-il de plus simple que de présenter les décisions, les différents arrêts et de les juger à l'aune de la proportionnalité et de la subsidiarité, et de voir à quel endroit les choses doivent être améliorées? Je constate, et je le regrette, que de nombreux États membres ne font pas usage de ce système. Je vous invite donc tous, chacun, chez vous, à utiliser ce système informatique, qui est très simple, très convivial et très efficace. Je crois vraiment que nous gagnerions tous à davantage l'utiliser. La COSAC offre donc cette possibilité de coopération plus étroite. Nous, Néerlandais, nous ne tenons pas absolument à nos propres propositions. D'autres propositions sont faites. En revanche, ce qui est essentiel, c'est qu'aujourd'hui nous constations, les uns et les autres, que les régions et les Parlements nationaux ont un rôle à jouer. C'est une tâche qui nous incombe à tous.
Il faut que nous parlions d'une seule voix, d'une voix qui se fera entendre et qui fera comprendre ce que nous entendons par proportionnalité et par subsidiarité. Si nous souhaitons que cette voix se fasse entendre, il est alors indispensable que nous travaillions étroitement ensemble et que nous voyions comment nous allons pouvoir donner une forme concrète à cette coopération, que ce soit dans le contexte de la COSAC, ou dans un autre contexte, le contexte m'étant complètement indifférent. En revanche, je forme le voeu de pouvoir, dans la rue, regarder droit dans les yeux ceux des électeurs qui m'ont élu, et leur dire: "Cette décision vient de l'Europe, mais elle est bonne pour vous. J'ai contribué à cette prise de décision. Ce n'est ni Bruxelles ni Strasbourg qui l'a prise. C'est aussi La Haye, Barcelone, Madrid, et Paris, qui ont contribué à cette décision. Peu importe l'endroit d'où elle vient.»
Voilà, Mesdames et Messieurs.
Je vous remercie de m'avoir donné l'occasion de m'adresser à vous ici, à propos de la façon dont pourrait fonctionner le traité.
J'espère de tout coeur que nous aurons l'occasion de nous rencontrer, si ce n'est par le truchement du système IPEX, à l'occasion d'une autre conférence. Mais quoi qu'il en soit, je tiens à conclure de manière concrète: tâchons de contribuer activement à la prise de décisions de Bruxelles. Il en va de la légitimité de l'Union européenne.
Merci.
M. Denis BADRÉ
Merci beaucoup. Je remercie aussi Monsieur le Sénateur Peters d'avoir accepté d'utiliser comme porte-parole un député. C'est un bel exemple de coopération entre un député et un sénateur. Merci aussi pour ce que vous avez dit.
Et je passe la parole à Madame Papademetriou, Présidente de la commission des Affaires européennes du Parlement hellénique.