Mercredi 22 mai 2024

- Présidence de M. Rémy Pointereau, président -

La réunion est ouverte à 14 heures.

Audition de MM. Julien Gondard, directeur général, et Samuel Deguara, directeur des affaires publiques et des relations institutionnelles, de CMA France, Mme Bénédicte Caron, vice-présidente chargée des affaires économiques, M. Lionel Vignaud, directeur des affaires économiques, juridiques et fiscales, et Mme Léa Bouchet, juriste à la direction des affaires économiques, juridiques et fiscales de la Confédération des petites et moyennes entreprises (CPME), MM. Michel Picon, président, Pierre Burban, secrétaire général, et Mme Thérèse Note, chargée des relations avec le Parlement, de l'Union des entreprises de proximité (U2P)

M. Rémy Pointereau, président. - Nous procédons cette après-midi à l'audition des représentants des petites et moyennes entreprises (PME), qui vient compléter notre première table ronde de jeudi dernier.

Nous sommes heureux de recevoir, pour CMA France, MM. Julien Gondard, directeur général, et Samuel Deguara, directeur des affaires publiques et des relations institutionnelles ; pour la Confédération des petites et moyennes entreprises (CPME), Mme Bénédicte Caron, vice-présidente chargée des affaires économiques, et M. Lionel Vignaud, directeur des affaires économiques, juridiques et fiscales ; et pour l'Union des entreprises de proximité (U2P), M. Michel Picon, président, M. Pierre Burban, secrétaire général, et Mme Thérèse Note, chargée des relations avec le Parlement.

Mesdames, messieurs, le projet de loi de simplification de la vie économique est censé ouvrir une nouvelle relation entre les entreprises et la norme, qu'elle soit législative ou réglementaire. La simplicité serait désormais la règle. Or, lors de nos auditions comme sur le terrain, nous avons pu nous en convaincre : les mesures que certains défendent au titre de la simplification ne font pas forcément consensus, ce qui est simplification pour les uns ne l'est pas nécessairement pour les autres, en tout cas à court terme.

En la matière, il faut avancer avec prudence, car il n'est pas simple de simplifier - je pense par exemple à la prétendue simplification du bulletin de paie.

Il est important, pour nous, d'entendre les premiers concernés. C'est précisément pourquoi nous souhaitons recueillir votre avis. Il faut manifestement compléter le texte gouvernemental, sans tomber dans l'inventaire à la Prévert.

Mme Bénédicte Caron, vice-présidente chargée des affaires économiques de la CPME. - Avant tout, permettez-moi de vous remercier de votre invitation.

Je suis non seulement vice-présidente de la CPME, mais surtout chef d'entreprise en activité et, à ce titre, le projet de loi de simplification est au coeur de mon actualité.

Depuis quelques années, on parle régulièrement de simplification, mais dans la pratique ce n'est pas du tout ce que l'on observe. En tant que chefs d'entreprise, nous voyons avec une grande lassitude que la charge administrative ne cesse de gonfler. C'est pourquoi ce projet de loi suscite de très fortes attentes parmi nous.

On voit arriver la directive CSRD (Corporate Sustainability Reporting Directive) et les congés payés durant les arrêts de maladie : ce sont là deux exemples de surcharge administrative parmi tant d'autres. Tout en parlant de simplification, on ne cesse d'empiler les normes. Nous sommes désormais face à un véritable millefeuille.

Il faut en finir avec les incriminations pénales pour les chefs d'entreprise : si nous commettons tel ou tel oubli, nous ne sommes pas pour autant des criminels.

Je travaille depuis longtemps à la CPME, qui, depuis longtemps aussi, se penche sur le sujet de la simplification. Nous avons contribué à de nombreux travaux. Dans la perspective de ce texte, nous avons consulté l'ensemble de nos adhérents et publié un recueil de 80 propositions.

Les PME ne sauraient être assimilées à de grosses entreprises en modèle réduit : on ne peut pas faire en leur sein ce que l'on fait dans de grandes sociétés, a fortiori quand il s'agit de très petites entreprises (TPE).

Ce projet de loi va véritablement dans le bon sens - il reprend d'ailleurs certaines de nos préconisations -, mais il appelle quelques commentaires de notre part, en tout cas dans sa rédaction actuelle.

Ainsi, le texte réduit de deux à un mois le délai d'application du droit d'information préalable des salariés. À cet égard, nous demandons une exception : que les salariés ne soient informés que lorsqu'il n'y a pas de repreneur. Quand un repreneur a été trouvé, pourquoi annoncer aux salariés que l'entreprise est à vendre ? Parfois, elle est déjà vendue ou sous protocole de cession : cette information ne sert qu'à affoler tout le monde. En revanche, quand l'entreprise n'a pas trouvé de repreneur et qu'elle menace de fermer, il est tout à fait normal et logique de faire une telle annonce, même deux mois avant l'échéance.

Au titre du registre des bénéficiaires effectifs (RBE), la peine de prison est supprimée, mais au profit d'une sanction financière dont le montant est multiplié par 33 : l'amende encourue est portée de 7 500 à 250 000 euros. C'est manifestement excessif, qui plus est dans le cas d'une TPE, où il est rare que le chef d'entreprise se charge lui-même du RBE. Il me semble que ce montant peut être réduit.

J'en viens à l'article 7. Établir deux bulletins de salaire au lieu d'un, est-ce une véritable simplification ? On peut s'interroger, d'autant que les dispositifs actuels fonctionnent.

En outre, le projet de loi implique de renoncer au paiement direct à l'initiative des sous-traitants de rang 1 pour certains projets d'infrastructures et limite, dans certains cas, le recours à l'allotissement. Selon nous, ce n'est pas forcément une bonne idée.

Nous souhaiterions voir figurer un certain nombre de dispositions dans ce texte, à commencer par les tests PME. Avant d'instaurer une nouvelle obligation, il faut la tester sur un échantillon d'entreprises, notamment petites et moyennes, pour voir si elle est réalisable. Nous venons de mener officieusement une première expérience avec Bercy au sujet de la directive CSRD. Bercy nous a demandé de trouver quinze chefs d'entreprise volontaires pour organiser un test, ce que nous avons fait. On a ainsi constaté que l'un des trois grands items de la CSRD n'était absolument pas réalisable. Il aurait mieux valu mener ce travail en amont, mais nous assistons manifestement à une prise de conscience.

Nous réclamons un coffre-fort électronique permettant de faire vivre le fameux « dites-le-nous une fois » (DLNUF). Nous devons sans cesse fournir des extraits Kbis, même à des interlocuteurs qui peuvent parfaitement les obtenir sans passer par nous. Qui mieux que les impôts peut avoir accès au Kbis d'une société ?

En parallèle, harmonisons les délais de réponse des organismes de l'État dans l'ensemble du territoire. Les différences actuelles peuvent entraîner de graves problèmes, notamment pour les entreprises limitrophes de deux départements ou de deux régions.

De surcroît, on pourrait certainement rassurer nos entrepreneurs en créant des certificats de conformité administrative opposables aux tiers et en instaurant une sommation administrative : dès lors que tel point est validé, on ne doit plus changer les règles du jeu.

Nous demandons un délai de mise en conformité pour les repreneurs d'entreprises. Une jeune chef d'entreprise de mon entourage s'est vu réclamer divers documents par l'inspection du travail au risque de subir des sanctions, alors qu'elle n'était là que depuis quelques jours.

La dématérialisation est évidemment une bonne chose ; mais encore faut-il qu'une personne physique puisse être contactée en cas de problème, pour renseigner tel document ou traiter telle demande concrètement impossible à satisfaire. Le fiasco de l'Institut national de la propriété intellectuelle (Inpi) doit servir de leçon : en dématérialisant les formalités, on les a rendues encore plus lourdes et complexes - dans ce cadre, on est allé jusqu'à me demander la date de naissance de mon commissaire aux comptes...

Nous souhaitons que le prochain projet de loi travail double les seuils dont sont assorties les diverses contraintes administratives - je ne parle pas des dispositions de nature financière.

La base de données économiques, sociales et environnementales (BDES) devrait être limitée aux seuls cas où les représentants du personnel de l'entreprise en font la demande. Beaucoup de dirigeants de PME y consacrent beaucoup de temps sans la voir jamais évoluer.

Certains chefs d'entreprise souhaitent pouvoir organiser les réunions du comité social et économique (CSE) en visioconférence, ce qui est actuellement interdit.

Enfin, quand un employeur embauche un travailleur étranger, il doit disposer d'une base de données officielles pour vérifier l'authenticité des documents qui lui sont présentés, notamment les pièces d'identité.

M. Michel Picon, président de l'U2P. - À mon tour, je tiens à vous remercier de votre invitation.

Je souscris à presque toutes les demandes formulées par Mme Caron.

Globalement, nous sommes satisfaits du travail législatif engagé, tout particulièrement pour les petites entreprises.

L'U2P a émis 133 propositions sectorielles couvrant le bâtiment, l'hôtellerie ou encore la restauration, et une grande partie de ces demandes de simplification reçoivent des solutions dans ce texte. Mais le diable se cachant dans les détails il faut examiner ces dispositions de plus près. Chef d'entreprise depuis quarante-cinq ans, j'ai connu les vicissitudes de bien des simplifications...

Ainsi, personne ne demande la « simplification » du bulletin de paie, que ce soit parmi les organisations de salariés ou parmi les organisations patronales. On peut se contenter de mentionner le salaire net ; mais, dès lors, plus personne ne connaîtra le coût de l'emploi du salarié. Je pense par exemple à la protection sociale. Régulièrement, des salariés me demandent ce qu'ils paient au titre de leur complémentaire santé : si ces informations ne figurent plus noir sur blanc, de telles questions deviendront incessantes. Nous ne sommes pas face à une voie de simplification, il s'agit d'un simple effet d'annonce.

Nous souhaiterions que le test PME puisse être également conduit dans les très petites entreprises, par exemple dans celles de moins de 11 salariés, celles-là mêmes que je représente ici.

Nous pensons que la loi devrait mieux cadrer ce test, qui demeure assez lacunaire. En l'état, nous avons le sentiment que c'est l'administration qui va procéder au test à notre place. Or nous voulons pouvoir l'effectuer nous-mêmes. Passez-moi l'expression : si nous avions testé l'Inpi, personne n'aurait jamais ouvert ce bazar !

Bref, le texte doit mieux préciser ce test, qui devrait être effectué dans des entreprises de tailles différentes - celles de moins de 10 salariés, celles qui comprennent entre 10 et 50 salariés et celles qui emploient plus de 50 salariés.

Du reste, nous pensons que le test doit être réalisé non seulement avant la présentation du texte en conseil des ministres, mais aussi après l'examen et l'adoption éventuelle des amendements - en guise de piqûre de rappel -, car ces derniers peuvent changer beaucoup de choses. Encore une fois, le texte doit être plus précis, sans quoi il ne trouvera aucune application réelle.

Il est clair que les démarches administratives constituent une perte de temps. Je représente les artisans, les commerçants de proximité et les professions libérales, mais je pense aussi aux professions qui paraissent éloignées de cette démarche de simplification alors qu'elles en cruellement ont besoin. Par exemple, une infirmière passe plus d'une heure par jour à remplir des papiers pour la Caisse nationale d'assurance maladie (Cnam). Or cette situation n'est toujours pas traitée. Lorsqu'il s'agit de soignants, c'est un temps utile et important qui est malheureusement passé à remplir des formulaires ou à faire du reporting.

Nous allons vous faire parvenir un projet d'amendement afin de cadrer ce test, en particulier en ce qui concerne le choix des entreprises et la période durant laquelle le test doit pouvoir être mis en oeuvre.

Enfin, nous avons à coeur de défendre les petites entreprises dans le cadre des marchés publics. Nous sommes particulièrement attachés à l'allotissement des marchés, principe sans lequel les grandes entreprises seraient presque les seules à pouvoir concourir et remporter les contrats. Nous souhaitons, là encore, que le texte soit plus précis.

M. Julien Gondard, directeur général de CMA France. - Je commencerai par rappeler que CMA France, en tant que réseau d'établissements publics, est là pour mettre en oeuvre ce qui sera voté par la représentation nationale.

Notre institution a participé à l'ensemble de la préparation de la réforme de simplification : nous avons identifié les dispositions qui pourraient poser problème et avons été saisis en amont des difficultés rencontrées sur le terrain. Dans ce cadre, nous avons participé aux Rencontres de la simplification organisées par Bercy.

Nous accueillons très positivement cette démarche de simplification qui, dans sa philosophie d'ensemble, doit éviter de complexifier la vie de l'entreprise.

Selon nous, la première des simplifications consiste à supprimer : il faut enlever ce qui est en trop, alléger la charge des entreprises. Rappelons que l'artisan ne gagne pas sa vie lorsqu'il ne produit pas. Or c'est précisément le cas lorsqu'il passe son temps à analyser les textes et à vérifier qu'il se conforme bien à tout ce qu'on lui demande.

Deuxièmement, la simplification ne passe pas forcément par le numérique. Le guichet unique est plus que difficile. Tous les jours, le réseau CMA accompagne des chefs d'entreprise complètement perdus, qui ont parfois fait des choix numériques dangereux pour leur propre sécurité financière et juridique ou pour l'activité même de leur entreprise. J'y insiste, simplifier n'implique pas nécessairement de tout numériser : il reste un besoin d'accompagnement physique pour accomplir les bonnes formalités au bon moment.

Troisièmement, il y a une inversion de la charge de la preuve, qui pèse désormais sur le déclarant - il n'en demeure pas moins qu'on le pressent honnête et respectueux des règles de transparence. Cela pose la question du contrôle : ainsi, le guichet s'assure qu'une entreprise est bien créée ou qu'un artisan possède les bonnes qualifications pour exercer le métier auquel il prétend.

Au-delà de ces principes généraux, force est de constater que le texte renvoie beaucoup aux ordonnances, ce qui incite à faire preuve d'une grande vigilance. Soyez certains que notre réseau d'établissements publics se tiendra aux côtés de l'État pour rédiger les dispositions nécessaires, mais beaucoup d'entre elles sont renvoyées à une date ultérieure.

Encore une fois, nous nous réjouissons de l'ensemble des éléments de simplification proposés dans le texte. Je souscris totalement aux propos qui ont été tenus sur le bulletin de salaire. Les éditeurs ont toujours l'occasion de demander un petit peu plus d'argent pour la mise à jour du logiciel de l'entreprise, lorsque celle-ci s'impose. Ce serait un comble si l'entreprise devait débourser de l'argent pour une simplification qui ne change pas grand-chose !

Par ailleurs, le test pour les PME et les TPE est fondamental. Nous nous inscrivons en partenaires de la mise en oeuvre de toutes les dispositions qui seront votées.

Nous voyons également d'un oeil positif la simplification des règles en matière de plan local d'urbanisme (PLU) et de plan local d'urbanisme intercommunal (PLUi). De fait, nous approuvons tout ce qui permet de simplifier une installation, une mise aux normes ou un équipement garantissant des économies d'énergie, comme un panneau solaire. De même, tous les dispositifs qui viennent alléger la charge de l'entreprise sont une bonne chose, surtout s'ils lui permettent de réaliser une économie sur sa facture.

Enfin, il conviendrait de faire un petit cadeau à l'artisanat, en complétant ainsi le titre X : « Simplifier le développement des commerces et de l'artisanat ». Cela prouverait que l'artisanat est un secteur à part entière et qu'il contribue, lui aussi, à la dynamique économique du pays.

M. Yves Bleunven, rapporteur. - Il me semble que les dispositions envisagées en matière de simplification pour les commerces vont dans le bon sens et ne posent pas de difficultés. Néanmoins, avez-vous des remarques particulières à formuler ?

Sachez que je prends bonne notre de votre proposition concernant le délai de prévenance des salariés.

Mme Bénédicte Caron. - En effet, le texte va dans le bon sens : tous les commerçants bénéficieront de cette simplification. Toutefois, certains gros bailleurs pourraient manifester leur désapprobation. Reste qu'un équilibre entre commerçants et bailleurs a bien été trouvé dans le texte. Dès lors, aucune disposition ne nous chagrine.

M. Yves Bleunven, rapporteur. - Que pensez-vous des seuils de concurrence ?

M. Michel Picon. - Nous ne sommes pas concernés par cette question. Néanmoins, offrir à tous les commerçants la possibilité de payer leur loyer de façon mensuelle est une chose essentielle. Cela leur permettra d'être moins « étouffés » dans la gestion de leur trésorerie.

La limitation à trois mois du dépôt de garantie est également une mesure utile. Enfin, il nous semble bon de préférer un régime déclaratif à un régime d'autorisation concernant les changements de destination : cela répond aux demandes que nous avions formulées.

M. Yves Bleunven, rapporteur. - L'article 13 ne me semble pas poser de problèmes, mais l'article 14 appelle sans doute quelques remarques, surtout en ce qui concerne la simplification des cessions contractuelles.

M. Michel Picon. - Nous approuvons tout ce qui concourt à plus de transparence afin de comparer les tarifs entre les différents établissements bancaires susceptibles de travailler avec nous. Les récapitulatifs de frais mieux expliqués vont aussi dans le bon sens. Toutefois, les banquiers prétendent que ces nouvelles contraintes engendreront beaucoup de dépenses. Aussi, nous devons veiller à ce qu'elles ne soient pas répercutées et qu'elles ne conduisent pas à une augmentation des coûts.

Ces articles nous laissent sur notre faim : il est bon de renforcer la transparence, mais qui en assumera la charge ?

Le même problème s'est posé pour les assurances. La liberté qui a été donnée aux particuliers de procéder à une résiliation infra-annuelle de leur contrat a conduit à une augmentation des tarifs. En effet, les compagnies d'assurance ont engagé des frais de gestion supplémentaires qu'elles ont ensuite répercutés sur les assurés.

J'ai vu que le secteur de la construction n'entrait pas dans le champ du texte. Une résiliation trop facile des attestations d'assurance au moment de la construction d'une maison peut poser un certain nombre de difficultés aux maîtres d'ouvrage...

Bref, nous restons dans l'expectative : nous attendons de voir comment ces articles vont être mieux cadrés et quels coûts ils vont engendrer pour les entreprises.

M. Yves Bleunven, rapporteur. - Je vous remercie pour ces réponses. Du reste, je pense que les dispositions relatives au salaire font à peu près l'unanimité.

Mme Catherine Di Folco, rapporteur. -Vous réclamez un certain nombre de « cadeaux », mais je vous rappelle que nous ne sommes que législateurs. Certaines des mesures demandées, comme la mise en place d'un coffre-fort électronique, relèveront plutôt du volet réglementaire. Voilà pourquoi elles ne sont pas traitées par le texte. De même, le maintien de l'humain dans la démarche de simplification est une question qui n'appartient pas au domaine législatif.

Ces besoins ont tout de même été pris en compte ; d'ailleurs, si j'en crois le plan d'action du Gouvernement, une mission sera lancée au premier semestre 2024, afin de les relayer.

J'en viens à l'article 27 et aux tests PME. Sur ce sujet, nous avons pris bonne note de vos remarques. Nous allons réintroduire le texte voté au Sénat à l'initiative du président Rietmann, qui était destiné à toutes les entreprises.

Le titre du texte n'est sans doute pas assez révélateur de son contenu. Il faudra sans doute le préciser, au moins pour lever les ambiguïtés.

Je suis d'accord avec vous, monsieur Picon : les tests PME doivent être conduits avant la présentation du texte en conseil des ministres. Cela nous permettra d'écrire quelque chose de robuste. Toutefois, il sera difficile de procéder de nouveau aux tests après l'adoption des amendements, à moins qu'il ne s'agisse d'une navette parlementaire normale comprenant deux lectures.

M. Rémy Pointereau, président. - Le Conseil national d'évaluation des normes (CNEN) pourrait nous permettre de réaliser un travail en amont, mais ce n'est pas toujours acquis : on le voit avec les collectivités locales. Le travail s'accomplit dans l'urgence, souvent la veille pour le lendemain. J'ignore quelle est la volonté du Gouvernement en la matière...

Mme Anne-Sophie Romagny. - On ne pourra pas forcément conduire un test PME pour chaque amendement adopté. Néanmoins, je me félicite qu'il puisse vous donner satisfaction. J'ai moi-même réclamé des tests de ce type dans le rapport que j'ai coécrit avec Marion Canalès, Directive CSRD : du décryptage à l'avantage.

La CSRD est une directive européenne. C'est pourquoi nous n'avons pas pu réaliser de tests en amont. J'ai contacté le cabinet de la ministre Olivia Grégoire, la semaine dernière, afin qu'il puisse faire remonter cette problématique à l'échelon européen.

Sur les quinze PME devant effectuer ce test, seules onze ont répondu - c'est déjà une belle avancée ! Le fait que des PME se portent volontaires est bien la preuve qu'elles sont déjà inscrites dans la démarche de simplification. Néanmoins, un tiers des onze PME volontaires nous a dit avoir rencontré d'importantes difficultés, notamment en ce qui concerne le scope 3.

Comme je le préconisais dans mon rapport, il faudrait pouvoir évaluer la CSRD au bout d'une année d'application, afin de constater le coût financier induit et de mesurer la praticité du dispositif pour les PME non aguerries à l'exercice.

Encore une fois, sans tester chaque amendement, il est toujours possible de réfléchir à une évaluation postérieure à l'adoption du texte.

Mme Raymonde Poncet Monge. - Je partage vos réserves sur les limites apportées au recours à l'allotissement.

Que pensez-vous de la disposition par laquelle les sous-traitants de rang 1 sont invités à renoncer au paiement direct par l'État ?

M. Michel Masset. - Pour avoir été amené à céder des sociétés, je constate que les meilleures cessions se sont faites lorsque les salariés étaient associés à la transaction. Il me paraît à tout le moins difficile de ne les aviser de la cession de leur société qu'une fois celle-ci effectuée, comme vous le proposez.

Mme Dominique Vérien. - La relation des entreprises avec les banques est envisagée a minima par le texte. Quelles dispositions serait-il utile d'introduire pour aller plus loin en la matière ?

Mme Bénédicte Caron. - Certaines petites sociétés paient des frais bancaires exorbitants chaque trimestre, en contrepartie d'un service qui peut se résumer, par exemple pour une société civile immobilière (SCI), à trois virements par mois. Il serait bon que les banques continuent d'avancer vers l'alignement des frais bancaires des petites sociétés sur ceux des particuliers.

Lors des cessions de sociétés que j'ai menées, l'information des salariés, bien qu'effectuée en amont du délai de deux mois, a toujours provoqué un vent de panique. J'aurais naturellement cédé ces sociétés à leur encadrement si cela avait été possible, mais pour diverses raisons, ce n'était pas le cas. J'ai donc passé les dernières semaines à rassurer les salariés sur le fait qu'aucun d'entre eux ne serait mis à la porte et que tout irait bien, ce qui a été le cas à chaque fois. J'estime donc que les cas où il n'y a pas de repreneur mis à part, il n'est pas nécessaire d'affoler les salariés.

Les sous-traitants de rang 1 ne souhaitent pas renoncer au paiement direct ; ils veulent que la situation reste inchangée. Comme le nouveau bulletin de paie, cette disposition est une fausse bonne idée.

Le test PME est encore mal délimité, mais j'estime que le mal est fait. On va notamment nous imposer la directive CSRD. Le formulaire est certes passé de 250 à 50 pages, mais il reste des questions auxquelles on ne sait pas répondre. Il faut donc encore le réduire, en supprimant des paragraphes entiers.

M. Michel Picon. - Je suis totalement opposé à ce que les petites entreprises perdent la possibilité d'être réglées directement par l'État. Cela les rendrait encore plus dépendantes des grandes entreprises. J'espère que ce point sera corrigé.

J'estime moi aussi que l'information des salariés lors d'une cession perturbe l'entreprise. Il n'est pas utile d'ajouter du stress au traumatisme que constitue la cession d'une entreprise. Depuis que cette information a été rendue obligatoire deux mois avant la cession, le nombre de salariés ayant repris une entreprise se compte sur les doigts d'une main. De plus, si certains salariés d'une petite entreprise sont susceptibles de la reprendre, le dirigeant les connaît et il peut les informer individuellement. Une telle publication des bans est, du reste, tout aussi stressante pour les clients, ce qui fait courir un risque supplémentaire à l'entreprise.

Je souhaite donc l'abrogation de cette disposition qui a plus d'inconvénients que d'avantages.

Il serait par ailleurs utile que les dispositions de l'article 4, qui simplifient l'accès à la commande publique en ligne, soient étendues aux collectivités locales, avec lesquelles les petites entreprises sont bien davantage susceptibles d'avoir des marchés qu'avec l'État. Je me permets de soumettre cette idée à la chambre des territoires.

M. Julien Gondard. - Certaines entreprises ont besoin d'acheter des stocks avant de produire ou de vendre, ce qui peut les mettre en situation difficile par rapport aux banques. De telles entreprises auraient besoin d'offres de services bancaires sur-mesure.

M. Rémy Pointereau, président. - Je vous remercie de vos interventions et de vos idées, que nous allons prendre en compte.

Mme Catherine Di Folco, rapporteur. - Nous ne réglerons, hélas, pas tout dans ce texte.

M. Rémy Pointereau, président. - Nous allons traiter une partie du stock. Il faudra ensuite nous attaquer au flux.

Cette audition a fait l'objet d'une captation vidéo qui est disponible en ligne sur le site du Sénat.

La réunion est close à 14 heures 55.