COMMISSION MIXTE PARITAIRE

Mardi 21 mai 2024

- Présidence de M. Sacha Houlié, député, président -

La réunion est ouverte à 9 h 04.

Commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi renforçant l'ordonnance de protection et créant l'ordonnance provisoire de protection immédiate

Conformément au deuxième alinéa de l'article 45 de la Constitution, et à la demande du Premier Ministre, une commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi visant à allonger la durée de l'ordonnance de protection et à créer l'ordonnance provisoire de protection immédiate s'est réunie à l'Assemblée nationale le mardi 21mai 2024.

Elle a procédé à la désignation de son bureau, constitué de M. Sacha Houlié, député, président, de M. François-Noël Buffet, sénateur, vice-président, de Mme Émilie Chandler, députée, rapporteure pour l'Assemblée nationale et de Mme Dominique Vérien sénatrice, rapporteure pour le Sénat.

La commission mixte paritaire a ensuite procédé à l'examen des dispositions du projet de loi restant en discussion.

M. Sacha Houlié, député, président. - La proposition de loi a été déposée le 5 décembre 2023 sur le bureau de l'Assemblée nationale, adoptée par l'Assemblée le 6 mars 2024, puis par le Sénat le 14 mai.

Aux trois articles qu'elle contenait à l'origine, de même qu'après son adoption par l'Assemblée, le Sénat en a ajouté quatre, de sorte que sept articles restent en discussion.

Avant de leur donner la parole, je vous rappelle que nos deux rapporteures sont les coauteures d'un rapport au Gouvernement sur l'amélioration du traitement judiciaire des violences intrafamiliales.

Mme Dominique Vérien, rapporteure pour le Sénat. - La proposition de loi de notre collègue Émilie Chandler a été accueillie favorablement par le Sénat, qui l'a adoptée à l'unanimité à l'issue d'un débat passionné, à la mesure de ses enjeux. Elle me tient particulièrement à coeur, car elle reprend l'une des recommandations du plan Rouge vif que nous avons effectivement remis au Gouvernement il y a un an presque jour pour jour.

Le texte apporte des solutions concrètes au problème, dont je ne doute pas qu'il nous mobilise tous, de la lutte contre les violences intrafamiliales. Nous le devons aux 118 femmes tombées en 2022 sous les coups de leur conjoint ou ex-conjoint et que notre société a échoué à protéger, comme à toutes celles et tous ceux qui sont menacés de la même façon aujourd'hui.

Il nous est apparu vital de conforter le dispositif des ordonnances de protection. Cet outil judiciaire d'urgence pour protéger les victimes présumées de violences intrafamiliales donne aux autorités judiciaires des moyens spécifiques pour empêcher le pire. S'il est de mieux en mieux identifié depuis sa création en 2010, il est encore perfectible.

La proposition de loi contient deux mesures phares ayant pour objet de prolonger la protection des victimes en amont, grâce à l'ordonnance provisoire de protection immédiate (OPPI), et en aval, par l'allongement de la durée maximale de l'ordonnance de protection. Le Sénat, tout en approuvant ces mesures, a enrichi le texte dans le double objectif de renforcer la protection des victimes et de prévenir les violences.

Nous avons ainsi modifié l'article 515-11 du code civil pour préciser ou, du moins, rappeler qu'il peut toujours y avoir danger, y compris lorsque la cohabitation a pris fin ou n'a jamais eu lieu. Cette modification vise à résoudre le problème que pose la frilosité de certains juges, qui refusent de délivrer une ordonnance de protection dès lors que la victime présumée et l'auteur des violences ne vivent plus sous le même toit.

Concernant l'ordonnance provisoire de protection immédiate, si je regrette qu'il n'ait pas été possible de permettre à la personne en danger de saisir directement le juge aux affaires familiales, nous pouvons nous réjouir que soit maintenue dans le texte que nous vous proposons l'extension du champ des mesures que pourra prononcer le juge, incluant la suspension de l'exercice de l'autorité parentale et l'autorisation de dissimulation de l'adresse de la victime présumée.

Nous avons également aligné les peines encourues en cas de non-respect d'une ordonnance de protection sur celles encourues pour non-respect d'une ordonnance provisoire de protection immédiate, dans un souci de lisibilité, mais avant tout pour permettre au juge d'imposer à la personne ayant violé cette ordonnance le port d'un bracelet antirapprochement.

Nous avons aussi complété le dispositif en permettant au procureur de la République d'attribuer à la victime un téléphone grave danger.

En outre, le code électoral a été modifié afin de remédier à un défaut d'articulation avec le code civil et de garantir l'effectivité de la dissimulation de l'adresse de la victime lorsqu'elle est prononcée par le juge aux affaires familiales, y compris sur les listes électorales, que certains allaient chercher pour y retrouver la personne qu'ils poursuivaient - nous avons été alertées sur un cas de ce type.

Enfin, le juge pourra désormais, dans le cadre d'une ordonnance de protection, attribuer temporairement à la personne en danger la jouissance des animaux de compagnie du couple, qui servent trop souvent au conjoint violent de moyen de pression vis-à-vis de l'autre conjoint ou de ses enfants.

Compte tenu de ces réelles avancées et du compromis auquel Émilie Chandler et moi-même sommes parvenues en bonne entente, je vous invite à adopter le texte. Je tiens à préciser que nous suivrons son application avec une attention toute particulière, notamment la publication du décret d'application de l'article 1er bis et des circulaires précisant la définition de la notion de danger et les modalités de saisine du juge. M. le garde des sceaux s'est engagé à ces publications par la voix de Mme la ministre déléguée chargée de l'enfance, de la jeunesse et des familles, lors de l'examen du texte au Sénat.

Mme Émilie Chandler, rapporteure pour l'Assemblée nationale. - Je me félicite que nous arrivions rapidement au stade de la commission mixte paritaire sur ce texte, crucial pour mieux protéger les victimes de violences conjugales et intrafamiliales. Je remercie Mme la rapporteure Dominique Vérien pour le travail constructif que nous avons pu mener cette dernière semaine et qui nous permet de présenter à la CMP un texte commun.

Le chemin qu'il reste à parcourir pour protéger les femmes victimes de violences est encore long. Les chiffres de 2022 le montrent : 118 femmes sont décédées à la suite de violences conjugales, 267 femmes ont été victimes de tentatives de féminicide et ce sont plus de 239 000 victimes de violences au sein du couple qui ont été enregistrées par les services de police et de gendarmerie. C'est beaucoup trop.

L'ordonnance de protection est l'un des outils utilisés pour protéger les femmes victimes de violences. En 2022, 5 731 décisions d'ordonnance de protection ont été rendues, dont 69 % pour satisfaire totalement ou partiellement les demandes formulées.

La proposition de loi vise à améliorer encore le recours à ce mécanisme de protection. Elle est issue du rapport sur le traitement judiciaire des violences intrafamiliales que j'ai rédigé avec Mme la sénatrice Vérien.

L'article 1er prolonge jusqu'à douze mois, contre six aujourd'hui, la durée des mesures prononcées par le juge dans le cadre d'une ordonnance de protection. Cet allongement laisse plus de temps à la personne en danger pour organiser sa séparation et permet de combler une lacune concernant les personnes non mariées ou sans enfant.

Le coeur de l'article 1er demeure la création d'un nouveau dispositif, l'ordonnance provisoire de protection immédiate. Cette ordonnance pourra être délivrée en vingt-quatre heures par le juge aux affaires familiales en cas de danger grave et immédiat. Elle sera prise à l'initiative du parquet, uniquement lorsqu'une ordonnance de protection classique aura été demandée. Les mesures adoptées dans le cadre de cette ordonnance provisoire prendront fin dès qu'une décision sur l'ordonnance de protection aura été arrêtée. Ce dispositif doit permettre de ne pas laisser une victime de violences sans protection dans l'attente d'une décision sur sa demande d'ordonnance de protection.

Le texte a été enrichi lors de son passage au Sénat. À l'initiative de la rapporteure, l'article 1er bis garantit qu'une personne bénéficiaire d'une ordonnance de protection qui a demandé la dissimulation de son adresse voit bien son adresse masquée lors de la transmission des listes électorales. C'est une mesure de précaution utile, qui est reprise dans le texte de compromis.

Le Sénat a également souhaité que le juge aux affaires familiales puisse attribuer à la partie demanderesse la garde de l'animal de compagnie dans le cadre d'une ordonnance de protection. Les animaux de compagnie sont en effet trop souvent utilisés pour faire pression sur les victimes de violences, notamment sur les enfants. Nous vous proposons donc de conserver cette possibilité dans le texte de compromis. Sur ce point, d'autres rapporteurs n'auraient pas pu avancer aussi bien : nous sommes au courant de ce moyen de pression. Je salue à ce propos le sénateur Bazin, de mon territoire, qui nous avait saisies du sujet pendant notre mission. Sur ce point précis, nous nous sommes heurtées à des objections et nous nous sommes battues. Ce n'est pas un détail.

L'article 1er bis B tendait à ce que le juge aux affaires familiales puisse, dans le cadre d'une ordonnance de protection, autoriser la partie demanderesse à dissimuler l'adresse de l'école de ses enfants. Il apparaît en effet curieux d'autoriser une personne victime de violences à dissimuler son adresse tout en l'obligeant à dévoiler celle de l'école de ses enfants. Néanmoins, cette possibilité n'apparaît pas compatible avec les prérogatives du juge aux affaires familiales : celui-ci peut uniquement se prononcer sur le retrait de l'exercice de l'autorité parentale, non sur la titularité de cette autorité. Or un parent privé de l'exercice de l'autorité parentale doit encore être informé des choix structurants dans la vie de son enfant, notamment celui de l'école, ce qui implique de connaître l'adresse de celle-ci. Le juge aux affaires familiales est cependant en mesure de prononcer une interdiction de paraître dans certains lieux, dont l'école des enfants. Pour cette raison, l'article 1er bis B n'est pas retenu dans le texte de compromis.

Plusieurs sénatrices et sénateurs ont souhaité amender le texte pour modifier les conditions d'octroi d'une ordonnance de protection classique, en faisant du danger et des violences vraisemblables un seul et même critère. Nous avons également eu ce débat à l'Assemblée nationale, mais abandonner les deux critères cumulatifs fragiliserait trop, du point de vue juridique, le dispositif de l'ordonnance de protection. C'est un risque que nous ne sommes pas prêtes à prendre. Pour clarifier néanmoins l'intention du législateur, nous vous proposons d'inclure la mention expresse qu'une ordonnance de protection peut être délivrée même en l'absence de cohabitation entre les deux parties : l'appréciation du danger ne doit pas être liée à ce critère de cohabitation.

Le dispositif de l'OPPI a également été complété par le Sénat : l'article 2 bis garantit la possibilité d'octroyer un téléphone grave danger dans le cadre d'une ordonnance provisoire de protection immédiate.

La rapporteure du Sénat a aussi proposé d'aligner le quantum de peines prévu pour la violation d'une ordonnance provisoire de protection immédiate sur celui concernant l'ordonnance de protection classique, soit trois ans d'emprisonnement et 45 000 euros d'amende. Nous vous proposons de maintenir cet alignement.

Nous n'avons pas souhaité conserver la possibilité pour la victime de demander, sur avis conforme du procureur de la République, une ordonnance provisoire de protection immédiate : pour éviter tout risque d'instrumentalisation, mais aussi pour ne pas compliquer la procédure, seul le parquet sera en mesure de faire cette demande. Nous avons cependant eu des échanges avec la Chancellerie afin que la partie demanderesse puisse apporter des éléments pour caractériser un danger grave et immédiat.

Le texte de compromis que nous vous présentons est un instrument supplémentaire à la disposition des juges pour protéger dans l'urgence les victimes de violences conjugales ; je vous invite donc tous à le voter. Le combat contre les violences intrafamiliales continue ; c'est ensemble que nous avançons ; je n'ai aucun doute sur ce point.

Mme Laurence Rossignol, sénatrice. - Combien de fois depuis 2019 avons-nous discuté dans l'hémicycle du Sénat du passage de six à douze mois de la durée de l'ordonnance de protection ? Cinq fois ! Cinq fois de suite, nos amendements en ce sens ont été combattus par le Gouvernement et rejetés par la majorité sénatoriale, comme d'ailleurs par la majorité à l'Assemblée nationale. C'est autant de temps de perdu. Il y avait toujours à cela de bonnes raisons, des prétextes, des arguties juridiques et, bien souvent, on nous a menacés de la censure du juge constitutionnel comme du grand méchant loup.

Pour le présent texte, de nouveau, des amendements ont été adoptés au Sénat, mais on nous explique qu'ils ne peuvent pas être retenus, les services de la Chancellerie recourant pour l'expliquer aux mêmes arguments que d'habitude.

En ce qui concerne la dissimulation de l'adresse de l'école des enfants, c'est du bon sens : ce n'est pas l'interdiction de paraître qui est en jeu, mais l'impossibilité pour le père d'utiliser son autorité parentale pour remonter, par l'intermédiaire de l'école, jusqu'à l'adresse de la mère. Près de la moitié des auteurs de violences conjugales avaient déjà fait l'objet de plaintes ou étaient connus de la justice : ce sont des récidivistes ou des réitérants. C'est particulièrement le cas des auteurs de féminicides. On sait bien que l'interdiction de paraître ne sert à rien : il faut des mesures beaucoup plus drastiques. Je suis accablée qu'une fois de plus, à propos d'un sujet dont on parle depuis des années, on fasse comme si on avait trouvé une solution suffisante. On perd du temps et il faudra y revenir dans deux, trois, quatre ans...

La lutte contre les violences faites aux femmes, c'est le travail de Sisyphe - ou alors l'ouvrage de Pénélope.

Article 1er

L'article 1er est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission mixte paritaire.

Article 1er bis A (supprimé)

L'article 1er bis A est supprimé.

Article 1er bis B (supprimé)

L'article 1er bis B est supprimé.

Article 1er bis

M. Erwan Balanant, député. - La mesure est-elle automatique ? Une adresse masquée peut être stigmatisante : l'article L. 37 du code électoral ne prévoyant aucun autre motif de dissimulation, elle correspond obligatoirement à une personne victime de violences et bénéficiaire d'une ordonnance de protection.

Mme Dominique Vérien, rapporteure pour le Sénat.- L'adresse est dissimulée sur demande de la personne, qui fournit les éléments montrant qu'elle a obtenu cette mesure du juge aux affaires familiales. Le dispositif existe par ailleurs pour les Français de l'étranger qui, dans certains États, ne veulent pas mettre en avant leur binationalité.

L'article 1er bis est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission mixte paritaire.

Article 2

L'article 2 est adopté dans la rédaction issue des travaux du Sénat

Article 2 bis

L'article 2 bis est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission mixte paritaire.

Article 3

L'article 3 est adopté dans la rédaction issue des travaux du Sénat.

Mme Laurence Rossignol, sénatrice. - Il ne suffit pas, comme le prévoit la proposition retenue par la commission mixte paritaire à l'article 1er, d'élargir le champ de l'ordonnance de protection aux situations où il n'y a pas de cohabitation. Ce n'est pas la question, madame Chandler : le problème est que le double critère des violences alléguées et du danger, appliqué de manière très restrictive par les juges et par la Cour de cassation, est très peu propice à la protection des femmes. Une femme quittant un homme qui la harcèle de SMS disant « j'aurai ta peau », « je vais t'avoir », mais n'a jamais usé de violence physique, risque de ne pas obtenir une ordonnance de protection faute de cumul entre les deux critères. Pourtant, dans ce cas, le danger est évident. Une fois de plus, nous manquons l'occasion de substituer au terme « et » le mot « ou » à l'article 515-11 du code civil, afin que celui-ci mentionne « la commission des faits de violence allégués ou le danger ».

Pour cette raison, les membres de mon groupe s'abstiendront lors du vote du texte de la commission mixte paritaire, en attendant les débats en séance publique.

Mme Cécile Untermaier, députée. - Je souscris aux propos de Laurence Rossignol, qui mène un combat acharné sur cette question depuis des années. Je salue toutefois les avancées de compromis de ce texte, notamment en ce qui concerne l'autorité parentale et la dissimulation d'adresse. L'allongement de l'ordonnance de protection vise à simplifier le travail du juge : s'il estime dès le départ que douze mois de protection sont nécessaires, il n'aura pas à prendre une nouvelle décision ultérieurement.

Je regrette que notre amendement visant à supprimer la notion de danger ait été rejeté. La frilosité des juges résulte de cette obligation d'identifier un danger potentiel : tous les magistrats que j'ai interrogés l'estiment impossible. Dès qu'une victime allègue une violence - physique, écrite ou verbale -, une ordonnance de protection s'impose si la personne en fait la demande. Il est essentiel de croire la parole de la femme, tout comme celle de l'enfant.

Malgré notre souhait de progresser sur cette question, nous soutiendrons le texte car il représente une avancée. Comme l'a souligné Laurence Rossignol, il nous faudra encore quelques années avant d'atteindre nos objectifs.

Dans nos permanences, des bénéficiaires d'ordonnances de protection témoignent fréquemment du fait que leur conjoint les a suivies jusque sur leur lieu de travail sans que des mesures concrètes soient prises, malgré les alertes auprès des procureurs et nos démarches. Même les ordonnances de protection immédiate ou d'une durée de douze mois se révéleront insuffisantes si elles ne sont pas appliquées. L'application effective de la loi constitue un enjeu majeur pour les parlementaires que nous sommes.

M. Sacha Houlié, député, président. - Vous avez mentionné que la jurisprudence de la Cour de cassation pose un problème en raison de son analyse trop restrictive. Pour lever cet obstacle, nous avons renforcé la formation des magistrats à ces sujets au sein de l'École nationale de la magistrature (ENM) dans le cadre de la loi d'orientation et de programmation du ministère de la justice (LOPJ).

Mme Dominique Vérien, rapporteure pour le Sénat. - Lors de l'examen du texte au Sénat, nous avons modifié l'article 515-11 du code civil en reformulant les termes actuels qui font référence « aux faits de violence et au danger », dans le but d'indiquer que le danger est constitutif des violences. Le problème est que le juge aux affaires familiales qui délivre les ordonnances de protection étant un juge civil, il ne peut avoir toutes les prérogatives d'un juge pénal. C'est pour cette raison que la Chancellerie a des réserves : elle préfère ne pas risquer de rendre le dispositif inconstitutionnel.

Je veux pour preuve de la pertinence de l'amendement voté au Sénat que le « guide pratique de l'ordonnance de protection » rédigé par le ministère de la justice et envoyé aux magistrats pour appliquer l'ordonnance de protection précise bien que le danger découle des violences. Nous avons en outre demandé qu'une circulaire soit envoyée pour clarifier ce point, en attendant que tous les magistrats reçoivent une formation initiale ou continue, obligatoire au moins pour ceux intégrant les pôles VIF (violences intrafamiliales). Pour l'instant, nous avons obtenu cette piqûre de rappel. Nous devons continuer à travailler pour supprimer ce « et », probablement en révisant une autre fonction du juge.

Quant à l'application de la loi, elle nécessite que l'on poursuive la formation des magistrats et des forces de sécurité intérieure. Bien que celle-ci soit en cours, il serait sans doute nécessaire d'accélérer le rythme. Là où elle est bien faite, les gendarmes et les policiers interviennent en général rapidement. Il est crucial de persévérer : nous ne sommes pas au bout du chemin, mais nous progressons.

Mme Caroline Yadan, députée. - Mme Untermaier sait que nous partageons de nombreux points de vue, notamment sur la lutte contre les violences faites aux femmes, mais nous avons un désaccord sur ce point, tout comme avec Mme Rossignol.

Depuis son inclusion dans notre législation, l'ordonnance de protection est largement délivrée par les magistrats lorsqu'elle est demandée - j'ai pu le constater dans ma pratique en tant qu'avocate en droit de la famille. Imposer aux juges d'identifier soit des violences, soit un danger peut entraîner un « effet boomerang » : un juge pourrait, par prudence, devenir plus restrictif dans son interprétation et dans le prononcé de l'ordonnance.

Un autre risque est l'instrumentalisation de l'enfant. Si nous adoptions le « ou », une personne pourrait invoquer des violences passées, même si le danger n'existe plus, pour exclure l'autre parent de l'exercice de l'autorité parentale, ce que l'on appelle - d'un terme que je n'aime guère - l'« aliénation parentale ». Il faut donc être prudent.

La commission mixte paritaire adopte, ainsi rédigées, l'ensemble des dispositions restant en discussion de la proposition de loi renforçant l'ordonnance de protection et créant l'ordonnance provisoire de protection immédiate.

La réunion est close à 9 h 34.