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Question de M. Stéphane Le Rudulier (Bouches-du-Rhône - Les Républicains) publiée le 04/04/2024

M. Stéphane Le Rudulier attire l'attention de M. le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique sur le projet de ligne à très haute tension entre Fos-sur-Mer et Jonquières-Saint-Vincent. L'entreprise Réseau de transport d'électricité (RTE) a pour projet à horizon 2028 d'installer une ligne électrique aérienne à très haute tension entre les communes de Fos-sur-Mer, dans les Bouches-du-Rhône, et de Jonquière-Saint-Vincent, dans le Gard. La RTE a défini deux hypothèses principales de fuseaux et elle proposera ensuite au préfet des Bouches-du-Rhône et au Gouvernement, à l'issue de concertations ouvertes jusqu'au début du mois d'avril, de valider l'hypothèse qui aura le moindre impact. Force est de constater pourtant qu'aucune des propositions formulées n'est souhaitable aux yeux de la majorité des acteurs du territoire et particulièrement des élus locaux. Ce projet va avoir dans tous les cas des conséquences négatives qui sont en totale contradiction avec les dynamiques poussées, voire imposées, depuis des années auprès des collectivités territoriales. On ne peut pas dans le même temps détruire la nature et protéger l'environnement. Il y a de nombreuses zones riches en biodiversité dans le secteur, telles que la Camargue et les Alpilles, que le cadre normatif et les politiques locales des dernières décennies s'efforcent de protéger. Il y a notamment une risque majeur pour la faune volatile, très dense et caractéristique dans cette région, eu égard à son écosystème et sa situation géographique dans les couloirs de migration. On ne peut pas non plus négliger les risques sur les nappes phréatiques. La Provence est historiquement une terre sèche où l'eau a toujours été un enjeu central, depuis les aqueducs romains jusqu'au canal de Craponne. Si demain il advient un problème de pollution de l'eau, ce sont les agriculteurs et les bergers qui en payeront le prix fort. Ce sont aussi les paysages qui vont être défigurés. Les habitants et les élus locaux ne peuvent se résigner à voir surgir de terre une armée de pylônes hauts de 60 mètres, visibles à des kilomètres à la ronde et qui ont déjà assez envahi les lieux. Les embouchures du Rhône sont des panoramas de cartes postales à préserver. Ruiner l'harmonie d'un paysage c'est aussi provoquer des conséquences sur le secteur du tourisme qui est une part non négligeable de l'économie locale. Par ailleurs, le processus de concertation lui-même est décrié alors qu'il est censé légitimer la décision finale. Il y a un cruel manque de transparence. La communication sur les réunions reste timide et il y a des difficultés pratiques à s'y inscrire. Trop longtemps certains territoires de notre belle Provence ont fait les frais d'une urbanisation aveugle au service d'une industrialisation qui a surtout répondu à des besoins d'envergure nationale dont la région a dû supporter les conséquences. L'étang de Berre est devenu l'ombre de lui-même et si des projets de réhabilitation, poussés par les acteurs locaux, permettent aujourd'hui de rendre un peu ses lettres de noblesse à cette espace abîmé, il ne faudrait pas que le même sort soit réservé au lit du Rhône. Ce qui fut préservé hier malgré la force du temps ne doit pas être sacrifié aujourd'hui sur l'autel de la simplicité des projets de demain. Des solutions alternatives, plus complexes et coûteuses certes, existent et doivent davantage être discutées : l'enfouissement des lignes à très haute tension ou la création d'une source d'électricité plus locale. Considérant ce contexte, il lui demande donc si le Gouvernement compte changer la méthodologie d'élaboration de ce projet de ligne à très haute tension, notamment pour revoir son tracé afin que l'avenir des territoires concernés ne soit pas compromis.

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Réponse du Secrétariat d'État auprès du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé du numérique publiée le 05/06/2024

Réponse apportée en séance publique le 04/06/2024

M. le président. La parole est à M. Stéphane Le Rudulier, auteur de la question n° 1201, adressée à M. le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

M. Stéphane Le Rudulier. Madame la secrétaire d'État, le gestionnaire Réseau de transport d'électricité (RTE) a pour projet, à l'horizon 2028, d'installer une ligne à très haute tension entre les communes de Fos-sur-Mer, dans les Bouches-du-Rhône, et de Jonquières-Saint-Vincent, dans le Gard.

RTE a défini pour cela deux hypothèses principales de fuseau qu'il devra proposer ensuite au préfet des Bouches-du-Rhône et au Gouvernement afin de valider l'hypothèse qui aura le moindre impact. Force est pourtant de constater qu'aucune des deux propositions formulées n'est satisfaisante aux yeux de la majorité des acteurs du territoire, et singulièrement des élus locaux.

Quelle que soit l'hypothèse retenue, ce projet emportera des conséquences négatives, notamment sur de nombreuses zones riches en biodiversité dans le secteur, telles que la Camargue ou les Alpilles, que le cadre normatif et les politiques locales des dernières décennies se sont efforcés de protéger.

Il existe également un risque majeur pour la faune volatile très dense dans cette région en raison de la présence de couloirs de migration, sans parler des risques sur les nappes phréatiques. Si demain survenait un problème de pollution de l'eau, les agriculteurs et les bergers en paieraient le prix fort.

Les paysages vont également être défigurés : les habitants et les élus locaux ne peuvent se résigner à voir surgir de terre une armée de pylônes hauts de soixante mètres, visibles à des kilomètres à la ronde.

Au vu de ces éléments, comptez-vous changer la méthodologie d'élaboration de ce projet ?

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Mme Marina Ferrari, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargée du numérique. Monsieur le sénateur Le Rudulier, le réseau de grand transport d'électricité, qui permet d'acheminer l'électricité entre les sources de production centralisées et les grands centres de consommation, doit désormais s'adapter aux nouveaux enjeux de décentralisation de la production et surtout de réindustrialisation verte de notre pays.

La zone industrialo-portuaire de Fos-sur-Mer, en particulier, est l'une des plus importantes zones portuaires d'Europe et génère d'importantes émissions de CO2. Les besoins supplémentaires en énergie pour la décarboner sont équivalents à la puissance appelée actuellement par la région Provence-Alpes-Côte d'Azur tout entière.

Or l'énergie électrique consommée en Provence-Alpes-Côte d'Azur est essentiellement produite à l'extérieur de la région. Le développement du réseau de très haute tension est donc un impératif.

Il est ainsi nécessaire de créer un nouvel axe de 400 000 volts en double circuit d'environ soixante-cinq kilomètres, en technologie aérienne, entre Jonquières-Saint-Vincent, dans le Gard, et La Feuillane, à Fos-sur-Mer.

À la demande du Gouvernement, RTE a étudié de manière approfondie la possibilité d'enfouir ce réseau. Cependant, il s'agirait d'une innovation dont les enjeux de développement ne permettraient pas de déployer le réseau à temps. Par ailleurs, une telle solution souterraine pourrait emporter de fortes conséquences sur les terres agricoles et les nappes phréatiques, des risques que vous pointez d'ailleurs dans votre intervention.

Pour déterminer le tracé le plus acceptable pour les citoyens et les élus, une concertation a été engagée sous l'égide des préfets des deux départements concernés. Elle a été conduite selon les meilleurs standards : des réunions publiques ont regroupé plus de 600 personnes, une équipe mobile de concertation a été déployée et des concertations numériques étaient également possibles. Ce dispositif a permis l'expression de positions variées sur le projet. Une information continue du public est désormais mise en place et restera en oeuvre d'ici à l'enquête publique, laquelle interviendra en 2025.

Nous devons maintenant stabiliser le fuseau dit de moindre impact. Il s'agira d'éviter autant que possible les zones présentant des enjeux patrimoniaux, environnementaux ou sociétaux importants, tout en maîtrisant les coûts et la faisabilité technique du tracé retenu.

Ce projet est très important pour la réindustrialisation de notre pays.

M. le président. La parole est à M. Stéphane Le Rudulier, pour la réplique.

M. Stéphane Le Rudulier. Madame la secrétaire d'État, contrairement à ce que vous affirmez, le processus de concertation a été fortement décrié. Il est impératif de proposer dans les meilleurs délais des solutions alternatives afin de rassurer la population bucco-rhodanienne.

Ce projet de ligne à haute tension aura l'impact que j'évoquais précédemment, et il touchera également le tourisme ; il s'agit d'un enjeu capital pour notre territoire.

Il n'est pas question d'opposer la nécessité d'électrification et la préservation de l'environnement, mais bien de parvenir à une solution permettant de concilier ces deux objectifs.

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