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Question de Mme Marie-Pierre de La Gontrie (Paris - SER) publiée le 30/05/2024

Mme Marie-Pierre de La Gontrie demande à M. le ministre de l'intérieur et des outre-mer de clarifier la réalité de l'usage de la reconnaissance faciale par les forces de sécurité intérieure et de rendre publiques les conclusions de l'enquête administrative sur son utilisation par les services de police.

En novembre 2023, le média en ligne Disclose faisait état de l'utilisation faite par plusieurs organes de sécurité intérieure du logiciel Briefcam et du recours à la reconnaissance faciale.
À la suite de ces révélations, le ministre de l'intérieur et des outre-mer a annoncé, le 20 novembre 2023, le lancement d'une « enquête administrative » dont les conclusions devaient être rendues « sous trois mois ».

Pourtant, près de six mois après l'annonce de son lancement, le ministère n'a toujours pas communiqué les conclusions de cette enquête.
Le groupe socialiste, écologiste et républicain l'a interpellé à plusieurs reprises sur les raisons de ce silence. Plusieurs questions écrites lui ont été notamment adressées par l'un de ses membres, en date du 23 novembre 2023 et du 18 avril 2024, qui sont à ce jour restées sans réponse. Le 5 mars 2024, dans le cadre de la mission d'information sur l'application de la loi du 19 mai 2023 relative aux jeux Olympiques et Paralympiques de 2024, elle a également attiré son attention sur le fait qu'un haut fonctionnaire du ministère avait indiqué qu'il lui avait été « demandé de stopper l'utilisation du logiciel de reconnaissance faciale Briefcam » parce qu'il y avait « une enquête ». Devant la commission des lois du Sénat, elle lui a demandé de confirmer ou non la véracité de ces faits. Il a assuré qu'il n'y avait pas « d'utilisation de Briefcam » et que lorsque que de tels logiciels avaient été utilisés, cela était toujours « sous contrôle judiciaire ».

Par une décision du 20 novembre 2023, le tribunal administratif de Caen condamnait la communauté de communes Coeur Côte Fleurie pour l'utilisation du logiciel Briefcam lui enjoignant de procéder à l'effacement des données à caractère personnel. La cour administrative a notamment justifié sa décision en rappelant la position de la commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL) publiée en juillet 2022 sur les conditions de déploiement des caméras dites « intelligentes » ou « augmentées » dans les espaces publics rappelant que « le déploiement de ces dispositifs dans l'espace public présente des risques pour les droits et libertés fondamentaux des personnes et que [...] la loi n'autorisait pas les services de police de l'État ou les collectivités territoriales à brancher sur les caméras de vidéoprotection des dispositifs d'analyse automatique permettant de repérer des comportements contraires à l'ordre public ou des infractions ».

Elle lui demande donc s'il va enfin, comme le groupe socialiste, écologiste et républicain le demande depuis plusieurs mois, clarifier la réalité de l'usage de cette technologie par les forces de sécurité intérieure et rendre publiques les conclusions de l'enquête administrative sur l'utilisation de la reconnaissance faciale par les services de police.

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Réponse du Ministère auprès du ministre de l'intérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargé des collectivités territoriales et de la ruralité publiée le 05/06/2024

Réponse apportée en séance publique le 04/06/2024

M. le président. La parole est à Mme Marie-Pierre de La Gontrie, auteure de la question n° 1335, adressée à M. le ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Ma question s'adresse au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Qu'en est-il de l'usage de la reconnaissance faciale par les forces de sécurités intérieures et quelles sont les conclusions de l'enquête administrative que celui-ci a diligentée à ce propos ?

En novembre 2023, le média en ligne Disclose a révélé que les forces de sécurité intérieures utilisaient un logiciel de reconnaissance faciale en toute illégalité. Le ministre de l'intérieur et des outre-mer a rapidement réagi en indiquant qu'il demandait une enquête administrative dont les conclusions lui seraient remises sous trois mois. Sept mois se sont écoulés et le ministre n'a toujours pas communiqué lesdites conclusions.

Or, lors des auditions menées le 5 mars dernier dans le cadre de la mission sur la sécurité des jeux Olympiques, un haut fonctionnaire du ministère de l'intérieur et des outre-mer a tranquillement répondu à ma question au sujet de l'utilisation de ce logiciel : « On nous a demandé de ne plus nous en servir parce qu'il y avait une enquête (sic) », ajoutant : « Il a bien dû y avoir une déclaration à la Commission nationale de l'informatique et des libertés (Cnil) ». Ces propos sont loin d'être rassurants !

La juridiction administrative a déjà été saisie pour sanctionner une commune qui utilisait ce dispositif ; la Cnil a rendu un avis en 2022 rappelant que la loi n'autorise pas les services de police de l'État ou les collectivités à brancher les caméras de vidéoprotection permettant de repérer des comportements contraires à l'ordre public ou à des infractions.

Pouvez-vous donc, madame la ministre, clarifier cette situation et vous engager à publier les conclusions de l'enquête administrative ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Dominique Faure, ministre déléguée auprès du ministre de l'intérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales et de la ruralité. Madame la sénatrice de La Gontrie, le logiciel Briefcam, spécialisé dans l'analyse des contenus vidéo, a été acquis par la police nationale et la gendarmerie nationale pour certaines missions de police judiciaire, dans un contexte marqué par un développement des besoins d'analyse vidéo après les attentats de 2015 et l'explosion des flux d'images dans la société.

De tels logiciels visent à faciliter le travail des enquêteurs en les aidant à identifier les seules séquences ou images pertinentes pour la résolution de l'enquête. Il s'agit donc d'outils d'enquête judiciaire qui procèdent à de l'analyse vidéo a posteriori, sous le contrôle d'un magistrat, vous le savez bien.

Cet outil ne peut être utilisé que dans un cadre judiciaire, avec les garanties que cela comporte, et toujours en temps différé, j'y insiste, à l'inverse même de ce qui est prévu à l'article 10 de la loi du 19 mai 2023 relative aux jeux Olympiques et Paralympiques.

Quant au mode de reconnaissance faciale que possèdent certaines versions récentes du logiciel, il n'a pas été utilisé depuis plusieurs années et le ministre de l'intérieur a donné des instructions expresses pour qu'il ne le soit pas.

Face aux inquiétudes qui se sont exprimées, le ministre a souhaité que tout soit parfaitement clair et conforme ; il a donc demandé en novembre dernier à l'inspection générale de l'administration (IGA) de procéder à un contrôle approfondi du respect du cadre légal en la matière.

Vous faites état d'un échange le 5 mars et vous vous impatientez, je peux parfaitement le comprendre. Le Parlement sera évidemment informé des suites que le ministère réservera à ces travaux, afin de dissiper toute inquiétude et tout fantasme sur le recours qui est fait à l'analyse vidéo a posteriori à des fins d'enquêtes judiciaires.

J'entends vos suspicions et vos attentes, vous obtiendrez un retour, ne vous impatientez pas.

M. le président. La parole est à Mme Marie-Pierre de La Gontrie, pour la réplique.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Madame la ministre, j'en conclus tout d'abord qu'un haut fonctionnaire, lors de son audition par la commission des lois, a tenu des propos inexacts, ce qui me semble pour le moins curieux.

Je répète que ce rapport, commandé en novembre et remis trois mois plus tard, n'a toujours pas été publié. Doit-on y voir le signe d'un malaise, ou s'agit-il simplement d'une manoeuvre visant à enterrer le sujet en n'y donnant jamais suite ?

Il s'agit d'une question très importante et il est dans l'intérêt de tous qu'elle soit clarifiée rapidement, dans les meilleures conditions.

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