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Question de Mme Marie-Claire Carrère-Gée (Paris - Les Républicains) publiée le 30/05/2024

Question posée en séance publique le 29/05/2024

M. le président. La parole est à Mme Marie-Claire Carrère-Gée, pour le groupe Les Républicains.

Mme Marie-Claire Carrère-Gée. Monsieur le ministre, malheureusement, l'enquête du journal Le Parisien sur le dangereux fugitif Mohammed Amra a très exactement confirmé ce que j'ai constaté avec mon collègue Antoine Lefèvre, rapporteur spécial de la mission « Justice ».

À la prison de la Santé, à Paris, rien n'est plus facile pour les trafiquants que de se faire livrer, à toute heure du jour et de la nuit, tout ce qui peut leur être utile pour poursuivre leur activité, voire pour préparer une évasion : téléphones, drogue, cash... Pourquoi pas des armes ?

Le long des murs de la prison pendent en permanence des dizaines de cordelettes. Les complices y accrochent leurs colis, qui sont ensuite hissés par-dessus les murs, puis rattrapés depuis les fenêtres. C'est un véritable Deliveroo du crime.

Pourquoi ? Parce que la police n'est pas là. Depuis 2019, les rondes permanentes de la police autour de la prison ont été supprimées. Bien sûr, des voitures de police passent de temps en temps, la vidéosurveillance est activée et il existe même une hotline vers la police pour les riverains. En cas d'agression, la police peut arriver sur les lieux assez rapidement, mais, de fait, ces livraisons font l'objet d'une tolérance absolue.

Dans des conditions très difficiles, le directeur de la prison et ses équipes saisissent tout ce qu'ils peuvent dans les cellules, c'est-à-dire beaucoup, mais évidemment pas tout.

En outre, ces livraisons font de la vie des riverains un enfer : hurlements, bagarres et intimidations font partie de leur quotidien.

Ma question est simple, monsieur le ministre : quand les rondes de police seront-elles remises en place vingt-quatre heures sur vingt-quatre autour de la prison de la Santé ?

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Réponse du Ministère de la justice publiée le 30/05/2024

Réponse apportée en séance publique le 29/05/2024

M. le président. La parole est à M. le garde des sceaux, ministre de la justice.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice. Madame la sénatrice Carrère-Gée, je ne suis pas encore ministre de l'intérieur... (Ah ! sur de nombreuses travées.)

M. Jean-Marc Vayssouze-Faure. Pas encore ?

M. Jacques Grosperrin. Après les JO !

M. Jérôme Durain. Soyez au moins celui de la Santé ! (Sourires.)

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Plus sérieusement, il est vrai que la prison de la Santé connaît des difficultés propres aux établissements pénitentiaires situés en coeur de ville. Par exemple, un brouilleur général a été installé à la prison de la Santé en 2019, dont les caractéristiques technologiques n'existaient pas auparavant. Le problème, c'est que, lorsqu'il est réglé au maximum, il gêne tous les riverains, de sorte que les élus me saisissent pour me faire part de leurs plaintes. Aussi suis-je en train d'étudier comment améliorer ce système d'un point de vue technologique.

Ce que je veux vous dire, madame la sénatrice, c'est que, alors qu'il n'y avait en 2017 aucun dispositif de brouillage général dans nos prisons, 20 établissements sont désormais sécurisés, et nous doublerons ce nombre d'ici à 2025. De même, nous allons plus que doubler le nombre de systèmes anti-drones : 38 établissements sont actuellement équipés ; ils seront 90 à la fin de 2025.

Nous avons créé une centaine d'équipes locales de sécurité pénitentiaire au sein des divers établissements pour renforcer la sécurité tant à l'intérieur de nos prisons qu'à leurs abords. Des opérations de fouilles sectorielles sont menées, que j'ai d'ailleurs demandé d'intensifier. Quelque 220 opérations de fouilles en détention ont récemment été réalisées.

Le budget consacré aux équipements de sécurité a augmenté, étant porté en 2024 à 83,7 millions d'euros, soit une hausse de près de 9 % par rapport à 2023. Ces augmentations sont régulières d'année en année, avec l'appui du Sénat, que je tiens ici à remercier. En effet, les budgets de la mission « Justice » ont toujours été votés dans cet hémicycle.

M. Antoine Lefèvre. C'est vrai !

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Vous le voyez, nous menons une politique volontariste pour sécuriser nos prisons. Comme je l'ai déjà dit, je serai dans quelques minutes avec les directeurs interrégionaux. Nous devons travailler encore, encore, encore et toujours, si j'ose dire. (MM. François Patriat et Thani Mohamed Soilihi applaudissent.)

M. le président. La parole est à Mme Marie-Claire Carrère-Gée, pour la réplique.

Mme Marie-Claire Carrère-Gée. Monsieur le ministre, peut-être connaissez-vous le ministre de l'intérieur... Au reste, c'est à lui que j'avais adressé ma question.

J'ai bien écouté votre explication sur les systèmes de brouillage qui permettraient de ne pas brouiller tout le quartier, mais enfin, il existe une solution simple, qui consiste à ne pas laisser entrer les téléphones !

Mme Aurore Bergé, ministre déléguée. On n'y avait pas pensé !

Mme Marie-Claire Carrère-Gée. Pour cela, rien de plus simple : une voiture, avec des policiers à l'intérieur, qui tourne autour de la prison. Cela se faisait auparavant et il n'y avait pas de problèmes ! Pourquoi attendre une solution technologique jusqu'à la Saint-Glinglin, alors qu'il suffirait de réinstaurer des rondes ?

M. Jean-François Husson. Eh oui !

Mme Marie-Claire Carrère-Gée. Monsieur le ministre, il y a quelques semaines, j'écrivais à votre collègue Gérald Darmanin en ces termes : « Un jour, il y aura un drame. Une attaque, une mutinerie, une prise d'otage. Il sera trop tard pour s'en préoccuper, trop tard pour dire qu'on ne savait pas. »

Nous y sommes : l'évasion de Mohammed Amra a causé deux morts et fait trois blessés graves. Combien en faudra-t-il d'autres ? La responsabilité de l'État est engagée. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

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