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Question de Mme Mélanie Vogel (Français établis hors de France - GEST) publiée le 23/05/2024

Question posée en séance publique le 22/05/2024

M. le président. La parole est à Mme Mélanie Vogel, pour le groupe Écologiste - Solidarité et Territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)

Mme Mélanie Vogel. Monsieur le Premier ministre, pour beaucoup de nos compatriotes, l'embrasement de la Nouvelle-Calédonie, les violences, les morts, ont été un grand choc. Mais pour beaucoup d'entre nous, ici, ils ont le goût amer de la catastrophe annoncée.

Je n'entrerai pas dans la longue liste des fautes commises par la France depuis 2020, du refus du report du troisième référendum à l'entêtement dans ce chemin qui ne pouvait assurément que conduire au drame et au sang. L'histoire les jugera.

Aujourd'hui, l'urgence n'est pas de comptabiliser les torts ; elle est de savoir comment les réparer.

On ne peut pas réussir un processus de décolonisation en jouant aux cowboys, en tapant du poing sur la table et en bombant le torse. Ce n'est pas possible !

Vous êtes là face à une équation qui vous défie. Vous ne pouvez réussir qu'en étant humbles, impartiaux et dignes.

Pour mettre un terme durable aux violences, pour renouer avec l'héritage si précieux de l'accord de Nouméa, il y a aujourd'hui des choses qu'il faut dire. Il faut dire : « Pardon, nous nous sommes trompés. » Et, en vous demandant de dire cela, je ne vous demande pas de vous rabaisser, au contraire ! Reconnaître ses erreurs, c'est grandir. Reconnaître ses erreurs sur une question coloniale, c'est, comme responsable politique, permettre à toute une nation de s'élever et d'être à la hauteur de son histoire.

Il y a des choses qu'il faut faire en conséquence de cette reconnaissance.

Il faut retirer ce texte maintenant. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST et sur des travées du groupe SER.) Aucune solution pacifique, juste, digne, donc aucune solution n'est envisageable sans le retrait de ce texte.

Il faut aussi, monsieur le Premier ministre, que vous preniez formellement la responsabilité de ce dossier, car personne ne comprend qui est responsable.

Il faut, enfin, clarifier les contours de la mission de dialogue et son objectif - trouver un accord global préalable à toute autre décision.

Si nous faisons cela, alors peut-être avons-nous une chance que la France ne rate pas la totalité des processus de décolonisation. Est-ce ce que le Président de la République va faire aujourd'hui ? (Applaudissements sur les mêmes travées.)

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Réponse du Premier ministre publiée le 23/05/2024

Réponse apportée en séance publique le 22/05/2024

M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.

M. Gabriel Attal, Premier ministre. Madame la sénatrice Vogel, la situation en Nouvelle-Calédonie est grave ; vous le savez. Elle appelle, je crois, de la hauteur et de la discussion - jamais d'anathèmes ni de remises en cause.

Oui, il y a des violences. Je pense qu'il est important, d'abord, que nous dénoncions tous très clairement, très explicitement ces violences, comme l'ont fait l'ensemble des acteurs politiques calédoniens. La violence n'est jamais tolérable ni justifiable, et je crois qu'il nous appartient à tous, représentants de la Nation, de le rappeler, chaque fois que nous avons l'occasion de le faire, lorsque nous intervenons sur ce sujet.

Par ailleurs, vous avez parlé de bomber le torse ou de jouer aux cowboys. Pour ma part, je vous parle tout simplement de permettre à des Calédoniens de vivre en sécurité, ce qui a été hautement compromis, voire assez largement entamé ces derniers jours par les violences qui ont eu lieu. (M. Thomas Dossus proteste. - MM. Jean-Michel Arnaud et Olivier Cadic applaudissent.)

Madame la sénatrice, ce n'est pas bomber le torse ni jouer aux cowboys que de permettre à des habitants de la Nouvelle-Calédonie de dormir en sécurité, d'aller acheter de quoi s'alimenter et se soigner quand ils sont dialysés ou pour tout autre besoin !

Le retour à l'ordre est un préalable à tout, un préalable au dialogue, un préalable au vivre ensemble que vous semblez appeler de vos voeux. (M. Yannick Jadot proteste.)

Ce vivre ensemble, c'est le fil rouge de quarante ans de dialogue et d'échanges. Ni les responsables indépendantistes ni les responsables non indépendantistes ne le remettent en cause. Tous ont appelé à la violence... (À la fin de la violence ! sur les travées des groupes SER et GEST.) ... à la fin de la violence, évidemment, mesdames, messieurs les sénateurs.

Trois référendums se sont tenus, au cours desquels les Calédoniens ont souverainement exprimé leurs choix.

Maintenant, il faut avancer. Il faut avancer dans le dialogue. C'est précisément l'objet de la visite du Président de la République et de la mission qu'il installe : remettre tout le monde autour de la table, faire émerger un accord politique global à la faveur de cette mission, qui mobilisera évidemment ensuite le gouvernement que j'ai l'honneur de diriger, pour parvenir à un accord au bénéfice de la Nouvelle-Calédonie et de son avenir.

De ce point de vue, le Président de la République a toujours été clair. L'an dernier, il a lui-même parlé, dans son discours, du « chemin du pardon », mais aussi du « chemin de l'avenir ».

J'ai présidé, voilà quelques semaines, la cérémonie nationale de commémoration de l'abolition de l'esclavage, qui, pour la première fois, se tenait - c'était une demande de la Fondation pour la mémoire de l'esclavage et des associations, et je remercie le président Larcher d'y avoir accédé - non pas dans le jardin du Luxembourg, mais ailleurs en France - à La Rochelle, en l'occurrence.

La France regarde son histoire en face. Et je pense que, par la voix du Président de la République, les choses ont toujours été dites clairement.

Mais, à côté du chemin du pardon, il y a le chemin de l'avenir. Et c'est précisément en trouvant tous ensemble ce chemin de l'avenir que nous parviendrons à vivre ensemble. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI et sur des travées du groupe UC.)

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