S'abonner à cette recherche

Question de Mme Patricia Schillinger (Haut-Rhin - RDPI) publiée le 22/02/2024

Mme Patricia Schillinger attire l'attention de M. le secrétaire d'État auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargé de la mer et de la biodiversité sur les restrictions à l'accès aux sentiers de randonnée traversant le massif vosgien sur son versant haut-rhinois et plus particulièrement, sur la colère qu'elles suscitent auprès des habitués de ces sentiers.
Suite au rachat de 64 hectares de forêt à Rimbach-près-Masevaux par le groupement foncier forestier du Wustkopf, ce dernier a pris la décision d'interdire aux randonneurs l'accès, sur son domaine, à deux sentiers très prisés, pourtant balisés et entretenus par le club Vosgien.
S'appuyant sur la loi n° 2023-54 du 2 février 2023 visant à limiter l'engrillagement des espaces naturels et à protéger la propriété privée, cette décision en s'appliquant à des sentiers historiquement ouverts au public et largement pratiqués, semble aller au-delà de l'intention initiale du législateur.
En effet, si la loi du 2 février 2023 instaure une contravention de quatrième classe, pour pénétration dans une propriété privée rurale ou forestière, son objectif était principalement de préserver la continuité écologique dans les espaces naturels et lutter contre le phénomène d'engrillagement.
Elle renforce certes les droits des propriétaires privés d'espaces naturels, mais fragilise en même temps la liberté de circuler des randonneurs, dont la garantie n'était due, jusque-là, qu'à un vide juridique.
Cette situation s'inscrit à rebours des usages observés jusque-là dans les forêts du massif des Vosges et rompt avec le caractère apaisé des relations qu'avaient l'habitude d'entretenir jusque-là, propriétaires privés et marcheurs.
En conséquence, elle lui demande ce qu'il entend mettre en oeuvre afin de préserver l'accès équitable et respectueux des randonneurs et autres usagers non-motorisés des sentiers de promenade, aux espaces naturels et forestiers du massif vosgien.

- page 581


Réponse du Ministère auprès du ministre de l'intérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargé des collectivités territoriales et de la ruralité publiée le 05/06/2024

Réponse apportée en séance publique le 04/06/2024

M. le président. La parole est à Mme Patricia Schillinger, auteur de la question n° 1114, adressée à M. le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.

Mme Patricia Schillinger. Monsieur le président, madame la ministre, le 2 février 2023, la loi visant à limiter l'engrillagement des espaces naturels et à protéger la propriété privée était promulguée.

L'engrillagement est une pratique répondant à la volonté légitime de certains propriétaires d'assurer le respect de leur droit de propriété. Elle nuit toutefois à la faune en empêchant la continuité écologique. En outre, elle complique l'entretien des forêts, de même que la prévention et la lutte contre le risque incendie, et conduit in fine à une forte artificialisation des milieux.

C'est pour ces raisons que nous avons encadré cette pratique, sans toutefois l'interdire. En contrepartie, et dans une volonté de rassurer les propriétaires quant au respect de leur droit de propriété, une contravention de quatrième classe sanctionne désormais les cas de pénétration sans autorisation dans une propriété privée, rurale ou forestière.

Lors des débats autour de ce texte, rien ne semblait indiquer que ces dispositions seraient préjudiciables aux simples promeneurs. Pourtant, depuis son entrée en vigueur, les restrictions d'accès aux espaces boisés se multiplient.

Dans mon département, deux sentiers très prisés, pourtant banalisés et entretenus par le Club vosgien, sont désormais interdits aux randonneurs, les privant d'accès à pas moins de 64 hectares de forêt.

Mme la secrétaire d'État chargée de la ville, qui répondait le 5 mars dernier à mon collègue député Hubert Ott sur ce même sujet, considérait que les associations pouvaient, comme avant, continuer leur action de développement et d'entretien des sentiers.

Il existe pourtant un risque avéré quant à l'intégrité et à la pérennité de ces sentiers ancestraux, qui garantissent aux promeneurs un accès sécurisé à la nature. Alors que la grande majorité de la forêt française est privée, il serait souhaitable - j'insiste - de pouvoir s'assurer de la pérennité et de l'accessibilité de ces sentiers.

Qu'entendez-vous donc mettre en oeuvre pour préserver l'accès à ces espaces ?

Plus particulièrement, envisagez-vous d'intégrer parmi les missions du comité de suivi d'application de la loi du 2 février 2023 la surveillance et la prévention des effets du texte sur l'accès à la nature ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Dominique Faure, ministre déléguée auprès du ministre de l'intérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales et de la ruralité. Madame la sénatrice Schillinger, je vous remercie de votre question. Elle me permet de saluer le rôle central joué par les associations qui entretiennent les sentiers de randonnée de nos territoires et qui, de ce fait, assurent l'attractivité touristique de ces espaces.

J'ajoute que de nombreux accès aux espaces naturels sont déjà ouverts gratuitement à nos concitoyens, notamment les forêts publiques et les sentiers du littoral. Par ailleurs, la stratégie nationale biodiversité (SNB) a pour objectif d'ouvrir au public 100 % des parcs nationaux et des réserves naturelles d'ici à 2030.

La loi du 2 février 2023 prévoit que, « dans le cas où le caractère privé du lieu est matérialisé physiquement, pénétrer sans autorisation dans la propriété privée rurale ou forestière d'autrui, sauf les cas où la loi le permet, constitue une contravention de la 4e classe ».

Cette disposition n'entraîne néanmoins pas la fermeture des sentiers existants. Les associations peuvent poursuivre leurs actions, sous réserve de s'assurer préalablement que les propriétaires ont donné leur accord pour qu'un sentier traverse leur propriété.

Le principe présidant à la création des itinéraires de randonnée est celui de la concertation, mais aussi celui de la contractualisation. La loi a prévu, dans chaque département, une commission départementale des espaces, des sites et itinéraires (CDESI), mise en place par le conseil départemental, et la réalisation d'un schéma qui permet notamment une contractualisation avec les propriétaires.

L'enquête menée en 2020 par le Pôle ressources national sports de nature (PRNSN) a montré que tous les départements ne s'étaient pas saisis de ces outils.

Pour répondre aux difficultés que vous soulevez, il nous semble absolument indispensable que ces démarches de concertation et de contractualisation puissent aboutir partout, sur l'initiative des comités départementaux.

- page 3585

Page mise à jour le