Document précédentS'abonner à cette recherche

Question de M. Alexandre Ouizille (Oise - SER) publiée le 23/05/2024

M. Alexandre Ouizille interroge M. le ministre délégué auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargé des transports au sujet de la réponse du Gouvernement aux préoccupations légitimes suscitées par l'extension de l'aéroport de Beauvais-Tillé et à l'augmentation du nombre de passagers prévue dans le cadre de l'appel d'offres remporté par le consortium Bouygues-Egis le 29 avril 2024.

À la fin du mois de mars 2024, en se retirant de l'appel d'offres pour la reprise de l'aéroport de Beauvais-Tillé pour les 30 prochaines années, le groupe sortant, dirigé par la chambre régionale de commerce et d'industrie et comprenant Transdev et NGE, a laissé le champ libre au consortium Bouygues-Egis, réduisant ainsi considérablement la concurrence de la procédure en cours.

Selon les informations communiquées par la presse, en 2023, l'aéroport de Beauvais-Tillé a accueilli un nombre record de 5,6 millions de passagers, le plaçant parmi les dix premiers aéroports français.

Néanmoins, le 29 avril 2024, le syndicat mixte de l'aéroport de Beauvais-Tillé (SMABT), dans le cadre du renouvellement de la délégation, a choisi le consortium Bouygues-Egis (accompagné par le fonds d'investissement Serena) et une augmentation drastique du trafic aérien qui passerait à 45 000 mouvements (autour de 8 millions de passagers) en 2035, voire 53 000 mouvements et plus de 9 millions de passagers en 2050.

Cette expansion mal contrôlée suscite des inquiétudes légitimes des élus et des communes riveraines, des associations et des habitants de l'ensemble du Beauvaisis en raison des risques sanitaires, environnementaux et d'une gestion inappropriée de la question des trajectoires. D'ailleurs, récemment l'autorité de contrôle des nuisances sonores aéroportuaires (ACNUSA) a également partagé ses préoccupations à propos de ce dossier, soulignant la nécessité d'une approche équilibrée dans le développement de l'aéroport.

Il convient d'ajouter que le rapport de la chambre régionale des comptes de juin 2023 soulignait déjà les risques de nombreuses irrégularités dans l'exécution du contrat de délégation de service public pour l'aéroport de Beauvais-Tillé. Il mettait en évidence l'absence d'une stratégie de développement claire, qui risquait de compromettre la maîtrise de la procédure de passation et la précision du contrat de concession.

Depuis des mois, la contestation monte dans l'Oise et surtout dans le Beauvaisis à propos de ce projet. Pour le Gouvernement, trois options semblent envisageables face à cette situation : le plafonnement des mouvements à leur niveau de 2023, un projet de loi ambitieux contre les nuisances ou le statu quo de l'absence de mesures préventives et de plafonnement national. Il souhaite connaître la réponse envisagée par le Gouvernement sur le dossier de l'aéroport de Beauvais-Tillé.

- page 2277


Réponse du Ministère auprès du ministre de l'intérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargé des collectivités territoriales et de la ruralité publiée le 05/06/2024

Réponse apportée en séance publique le 04/06/2024

M. le président. La parole est à M. Alexandre Ouizille, auteur de la question n° 1319, adressée à M. le ministre délégué auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargé des transports.

M. Alexandre Ouizille. Madame la ministre, permettez-moi d'abord de saluer Olivier Paccaud, puisque nos questions portent sur le même sujet, celui de l'aéroport Beauvais-Tillé. Notre collègue a rejoint voilà quelques semaines le combat qui est mené localement depuis des mois sur la question de l'extension de l'aéroport, et je reconnais qu'il le fait courageusement, les choses n'étant pas simples au sein de la majorité du conseil départemental, qui soutient ce projet.

Ma question est assez simple. Une augmentation considérable du trafic sur cet aéroport est programmée : aujourd'hui de 5,5 millions de passagers par an, il devrait, selon le nouveau contrat de délégation conclu avec le consortium Bouygues-Egis, passer à plus de 8 millions de passagers en 2035, pour atteindre entre 9 millions et 10 millions de passagers en 2050.

Il se prépare donc une augmentation massive.

Pourtant, la chambre régionale des comptes, dès juin 2023, avait sonné l'alerte, considérant que ce projet était mal pensé et mal calibré.

Madame la ministre, j'attire votre attention sur les risques localement associés à ce projet, qui n'ont pas du tout été pris en compte. Je les liste pour que nous les ayons bien en tête.

Il y a tout d'abord un risque sanitaire, lié à la fois à la pollution de l'air par les particules ultrafines et à la pollution sonore liée, dont l'augmentation prévisible n'a fait l'objet d'aucune évaluation sérieuse.

Il y a ensuite un risque environnemental. Le Gouvernement est garant de la trajectoire de la France au regard de l'accord de Paris. Or les émissions de CO2 vont mécaniquement exploser avec cette hausse importante du trafic.

Il y a encore un risque foncier, économique, puisque la valeur des propriétés des habitants autour de l'aéroport et dans le Beauvaisis va baisser.

Il y a enfin un risque pour le cadre de vie, les trajectoires n'étant plus respectées, comme l'a souligné le sénateur Paccaud. J'ai discuté récemment avec la maire de Laversines, qui pourrait vous montrer les difficultés qu'elle recense, cartes à l'appui. Elle est en effet toute la journée penchée sur celles-ci pour vérifier la manière dont les choses se passent.

Madame la ministre, face à ce problème, nous avons besoin de la parole de l'État. Or le dialogue est aujourd'hui interrompu. Il faut donc qu'un tiers de confiance vienne le rétablir. Le sujet commence à avoir un écho national et une grande manifestation doit avoir lieu le 15 juin à Beauvais. J'y insiste, nous avons besoin de savoir quelle est la position de l'État dans ce dossier. Il est essentiel que M. le ministre des transports reçoive les élus du Beauvaisis.

M. le président. Il faut conclure !

M. Alexandre Ouizille. Dix-neuf d'entre eux ont d'ailleurs déposé une motion.

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Dominique Faure, ministre déléguée auprès du ministre de l'intérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales et de la ruralité. Monsieur le sénateur Ouizille, l'aéroport de Beauvais-Tillé est la propriété du syndicat mixte de l'aéroport de Beauvais-Tillé (SMABT), réunissant la région Hauts-de-France, le département de l'Oise et la communauté d'agglomération du Beauvaisis.

Le SMABT a fait le choix en 2008 de confier l'exploitation de l'aéroport à un concessionnaire, dont la délégation arrive à échéance, et a choisi un consortium emmené par Bouygues et Egis pour le nouveau contrat.

L'État n'est pas partie à cette procédure et n'a pas défini les ambitions de développement de l'aéroport, retenues conjointement par le SMABT et le nouveau concessionnaire.

Néanmoins, l'État est pleinement investi pour s'assurer que les nuisances sonores résultant de l'activité aérienne soient limitées. Je rappelle qu'à ce titre les décollages et les atterrissages sur l'aéroport sont d'ores et déjà interdits entre minuit et cinq heures du matin et qu'un travail pour optimiser les trajectoires de navigation aérienne et réduire les nuisances, réalisé en concertation avec l'ensemble des parties prenantes, se déroule depuis 2022 au sein d'un groupe de travail dédié.

Comme il s'agit d'un aéroport décentralisé, l'État n'a pas vocation à se substituer aux collectivités territoriales pour définir ce que serait un « bon développement » de cette infrastructure.

Cependant, la croissance du trafic sur l'aéroport de Beauvais, avec une hausse de 45 % en 2023 par rapport à 2019, est inédite et repose sur un fort développement des compagnies low cost.

Il s'agira de confirmer ces prochaines années, dans le cadre de la nouvelle concession, si cette croissance du trafic s'inscrit dans la durée et d'évaluer les conséquences qu'elle pourrait avoir sur les populations riveraines avant, éventuellement, de décider d'une évolution des restrictions d'utilisation de l'aéroport.

Comme je l'ai déjà dit à M. Paccaud, Christophe Béchu et Patrice Vergriete, respectivement ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires et ministre délégué chargé des transports, continueront à suivre avec une grande attention ce dossier.

- page 3587

Page mise à jour le