Projet de loi Projet de loi de finances pour 2025
Direction de la Séance
N°I-2178
25 novembre 2024
(1ère lecture)
PREMIÈRE PARTIE
(n° 143 , 144 )
AMENDEMENT
C | Favorable |
---|---|
G | Défavorable |
Adopté |
présenté par
M. HUSSON
au nom de la commission des finances
ARTICLE ADDITIONNEL APRÈS ARTICLE 26
Après l’article 26
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le chapitre Ier du titre Ier de la première partie du code général des impôts est ainsi modifié :
A. – Au 2 de l’article 119 bis, les mots : « lorsqu'ils bénéficient à » sont remplacés par les mots : « lorsque leurs bénéficiaires effectifs sont » ;
B. – L’article 119 bis A est ainsi modifié :
1° Au début, est ajoutée la mention : « I. – » ;
2° Le 1 est ainsi modifié :
a) Au premier alinéa, les mots : « , dans la limite du montant correspondant à la distribution de produits de parts ou d’actions mentionnée au b » sont remplacés par les mots : « ou transfert de valeur » ;
b) Les a et b sont ainsi rédigés :
« a) Le versement ou transfert de valeur est conditionné, directement ou indirectement, à la distribution de produits d’actions, de parts sociales ou de revenus assimilés mentionnés aux articles 108 à 117 bis, ou son montant est établi en tenant compte de ladite distribution ;
« b) Le versement ou transfert de valeur est lié, directement ou indirectement :
« – à une cession temporaire desdites actions ou parts réalisée par la personne qui n’est pas établie ou n’a pas sa résidence en France au profit, directement ou indirectement, de la personne qui est établie ou a sa résidence en France ;
« – ou à une opération donnant le droit ou faisant obligation à la personne qui est établie ou a sa résidence en France de revendre ou de restituer, directement ou indirectement, lesdites actions ou parts à la personne qui n’est pas établie ou n’a pas sa résidence en France ;
« – ou à un accord ou instrument financier ayant, directement ou indirectement, pour la personne qui n’est pas établie ou n’a pas sa résidence en France, un effet économique similaire à la possession desdites actions ou parts ; »
3° Au 3, les mots : « mentionné au 1 apporte la preuve que ce versement correspond » sont remplacés par les mots : « ou transfert de valeur mentionnés au 1 du présent I apporte la preuve que ce versement ou transfert de valeur correspondent » ;
4° Le 4 est ainsi rédigé :
« 4. La personne qui effectue le versement ou le transfert de valeur mentionnés au 1 du présent I transmet à l’administration fiscale, à sa demande et sous format dématérialisé, le montant, la date, l’identité de l’émetteur des actions ou parts objets de l’opération mentionnée au 1 du même I et celle du bénéficiaire effectif desdits versement ou transfert de valeur.
« Lorsque la personne mentionnée au premier alinéa du présent 4 n’est pas en mesure de déterminer l’identité du bénéficiaire effectif mentionné au même alinéa, ladite personne transmet, en lieu et place de l’identité dudit bénéficiaire, les informations nécessaires à l'identification de sa résidence fiscale. » ;
5° Il est ajouté un II ainsi rédigé :
« II. – 1. Lorsque les produits des actions et parts sociales et les produits assimilés mentionnés aux articles 108 à 117 bis et les revenus visés au 1 du I du présent article sont versés à une personne qui est établie ou a sa résidence dans un État ou territoire ayant signé avec la France une convention d’élimination des doubles impositions qui ne prévoit pas ou exonère de retenue à la source ces produits, la personne qui effectue le versement des produits applique, lors de la mise en paiement, le taux de retenue à la source prévu à l’article 187 du présent code.
« 2. Le bénéficiaire des produits mentionnés au 1 du présent II peut obtenir le remboursement de la retenue à la source s’il apporte la preuve qu’il en est le bénéficiaire effectif et que le versement de ces produits dans l’État ou territoire mentionné au 1 a principalement un objet ou un effet autre que d’éviter l’application d’une retenue à la source ou d’obtenir l’octroi d’un avantage fiscal.
« 3. La personne qui effectue le versement des produits et revenus mentionnés au 1 du présent II transmet à l’administration fiscale, à sa demande et sous format dématérialisé, le montant, la date, l’identité de l’émetteur des actions ou parts objets des opérations mentionnées au 1 du I du présent article et celle du bénéficiaire effectif desdits produits et revenus.
« Lorsque la personne mentionnée au premier alinéa du présent 3 n’est pas en mesure de déterminer l’identité du bénéficiaire effectif mentionné au même alinéa, ladite personne transmet, en lieu et place de l’identité dudit bénéficiaire, les informations nécessaires à l'identification de sa résidence fiscale. » ;
C. – Au 2 de l’article 187, après la référence : « 117 bis », sont insérés les mots : « et à l’article 119 bis A ».
Objet
Le présent amendement tend à renforcer les outils de lutte contre les montages frauduleux d’arbitrage de dividendes, dit montages « CumCum ».
Ces montages visent à tirer profit des exonérations dont bénéficient certains acteurs pour les revenus issus de titres de participation, soit en application du droit interne, par exemple pour les établissements financiers – montages qualifiés d’internes –, soit en application d’une convention fiscale conclue entre la France et une autre juridiction – montages qualifiés d’externes. Pour simplifier, en cédant certains titres de façon temporaire autour de la date du détachement du dividende, le propriétaire non-résident bénéficie de façon frauduleuse d’une exonération d'imposition, dont il se partage le bénéfice avec l'établissement financier associé. Les montages frauduleux sont toutefois devenus bien plus complexes et font intervenir y compris le recours à des opérations sur des marchés réglementés, sans contact direct entre le propriétaire du titre et l'établissement associé.
De telles pratiques ont été rendues publiques en octobre 2018 par Le Monde et plusieurs médias internationaux dans le cadre de l’enquête sur les « CumEx Files ». D’après les estimations les plus récentes, ces montages auraient coûté 33 milliards de recettes fiscales à la France en 20 ans. En réaction à ces révélations, un dispositif anti-abus a été introduit dans la loi à l'initiative du Sénat, mais vidé de sa substance par l’Assemblée nationale.
Il ressort des travaux et des nombreuses auditions menées par le rapporteur général que ce dispositif anti-abus a été jusqu’à présent inefficace pour lutter contre les pratiques frauduleuses d'arbitrage de dividende, qui perdurent. À défaut, l'administration fiscale a tenté de considérer que la retenue à la source s’appliquait au « bénéficiaire effectif » du dividende, afin d’écarter le bénéficiaire de façade impliqué dans le cadre des montages « CumCum » et d’appliquer la retenue à la source aux personnes non résidentes qui bénéficient effectivement de ces revenus. Elle a précisé ce fondement en mettant à jour sa doctrine administrative et en publiant deux rescrits le 15 février 2023, emboitant le pas à de nombreux pays européens qui se sont appuyés sur la notion de bénéficiaire effectif pour mettre fin, avec succès, aux pratiques frauduleuses d'arbitrages de dividendes.
Toutefois, dans une décision du 8 décembre 2023, le Conseil d’État a estimé que l’administration fiscale, en se plaçant sur le terrain du bénéficiaire effectif, était allé au-delà de l’intention exprimée par le législateur à l’article 119 bis du CGI. Cette décision a ainsi privé l’administration fiscale de base légale pour lutter efficacement contre l’arbitrage des dividendes.
Face à constat, il est nécessaire que le Parlement renforce son arsenal législatif de lutte contre les montages « CumCum » qui continuent aujourd’hui de prospérer alors même que la représentation nationale a plusieurs fois réaffirmé sa volonté d’y mettre fin. C’est le sens du présent amendement.
D’une part, il consacre la notion de « bénéficiaire effectif » dans la rédaction de l’article 119 bis du CGI. En précisant de façon explicite que l'intention du législateur est que le dispositif de retenue à la source s’applique en considération des « bénéficiaires effectifs des dividendes », cet amendement donne aux services du contrôle fiscal une base légale solide pour lutter contre l’arbitrage de dividendes. Il ressort des travaux du rapporteur général que, dans tous les pays où la notion de « bénéficiaire effectif » a été précisée, il a été constaté une disparition de l’arbitrage de dividendes, ainsi qu’une augmentation des recettes fiscales de la retenue à la source. Cette mention du bénéficiaire effectif apparaît à la commission des finances comme étant l'outil le plus efficace à activer pour, enfin, mettre un terme aux pratiques de fraude fiscale.
D’autre part, le présent amendement renforce le dispositif anti-abus adopté en 2019, en revenant à une rédaction proche de la proposition initiale du Sénat.
Enfin, dans une perspective de lutte contre les « CumCum » externes, cet amendement précise que le taux majoré de retenue à la source de 75 % appliqué aux versements réalisés vers des États ou territoires non coopératifs (ETNC), c’est-à-dire des paradis fiscaux, couvre également les revenus tirés des instruments financiers visés dans le dispositif anti-abus de l’article 119 bis A.