commission des lois |
Proposition de loi Violences intrafamiliales (1ère lecture) (n° 344 ) |
N° COM-4 3 mars 2023 |
AMENDEMENTprésenté par |
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Mme Valérie BOYER ARTICLE ADDITIONNEL APRÈS ARTICLE 3 (NOUVEAU) |
Après l'article 3 (nouveau)
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article 222-14-3 du code pénal est ainsi modifié :
1° Après le mot : « compris », la fin est ainsi rédigée : « physique, psychologique, sexuelle, économique ou administrative. » ;
2° Sont ajoutés deux alinéas ainsi rédigés :
« La violence économique ou administrative mentionnée au premier alinéa est constituée lorsqu’elle est commise par le conjoint, le concubin ou le partenaire lié à la victime par un pacte civil de solidarité, y compris lorsqu’ils ne cohabitent pas. Elle est également constituée lorsque les faits sont commis par l’ancien conjoint, l’ancien concubin ou l’ancien partenaire lié à la victime par un pacte civil de solidarité.
« La spoliation, le contrôle des biens essentiels, des papiers d’identité ou documents administratifs indispensables ou l’interdiction de travailler constituent des violences au sens du deuxième alinéa. »
Objet
Selon Mme Victoria Vanneau, ingénieure de recherche au CNRS, « les violences conjugales n’existent pas en droit, elles ne sont pas une qualification juridique. Elles désignent aujourd’hui une circonstance aggravante des homicides, meurtres, assassinats et surtout des violences en général »[1].
Depuis l’adoption de la loi du 9 juillet 2010, l’article 222-14-3 dispose que l’ensemble de ces violences « sont réprimées quelle que soit leur nature, y compris s’il s’agit de violences psychologiques ». Les violences, au sens des articles 222-7 et suivants, sont donc constituées aussi bien lorsqu’elles ont porté une atteinte à l’intégrité physique de la victime que lorsqu’elles ont porté une atteinte à son intégrité psychique.
D’autres dispositions au sein du code pénal, au-delà du seul paragraphe consacré aux violences, permettent de sanctionner des situations de violences intrafamiliales. C’est notamment le cas de la section 3 du chapitre II du titre II du livre II relative aux agressions sexuelles, dont le viol (article 222-24), ou de la section 3 bis du même chapitre relative au harcèlement moral, y compris au sein du couple (article 222-33-2-1).
A l’inverse, la violence économique, qui peut caractériser certaines formes de violences intrafamiliales (spoliations, contrôle des biens essentiels, interdiction de travailler) n’y est pas mentionnée alors qu’elle peut être réelle et brutale, dans les faits, pour les victimes.
Le code pénal ne propose donc pas de qualification spécifique et exhaustive des violences conjugales qui permettrait d’englober toutes leurs formes. Les différentes infractions consécutives de ces violences sont dispersées dans ce même code. Cette situation ne favorise pas la lisibilité des peines encourues, et donc leur effet dissuasif, et accroît la complexité du contentieux qui en résulte.
Selon le ministère de la justice[2], les violences conjugales sont celles qui s’exercent à l’encontre d’un conjoint ou concubin, que le couple soit marié, lié par un PACS, en simple concubinage ou même séparé.
Il peut s’agir de violences psychologiques (mots blessants, insultes, menaces, cris), physiques (coups, blessures) ou sexuelles (agression sexuelle, viol). La violence peut également être économique (le conjoint vérifie les comptes, refuse de donner de l’argent ou d’accorder à sa compagne une autonomie financière en la privant de moyens ou de biens essentiels, même si la conjointe a une activité rémunérée). Nous pouvons également être face à des violences administratives (privation du partenaire de ses droits : confiscation des papiers administratifs (carte d'identité, passeport, carte de séjour, livret de famille ou autres documents, la falsification de signature ou de documents, le détournement de courrier ou de bien, voire le refus du conjoint de fournir les documents nécessaires pour des démarches administratives).
L’Organisation mondiale de la santé (OMS) définit la violence conjugale comme « tout acte de violence au sein d’une relation intime qui cause un préjudice ou des souffrances physiques, psychologiques ou sexuelles aux personnes qui en font partie ».
L’Institut national de santé publique du Québec en donne la définition suivante : « la violence conjugale comprend les agressions psychologiques, verbales, physiques et sexuelles ainsi que les actes de domination sur le plan économique. Elle ne résulte pas d’une perte de contrôle, mais constitue, au contraire, un moyen choisi pour dominer l’autre personne et affirmer son pouvoir sur elle. Elle peut être vécue dans une relation maritale, extra-maritale ou amoureuse, à tous les âges de la vie ».
Pourtant, notre code pénal français envisage seulement que « les violences prévues […] sont réprimées quelle que soit leur nature, y compris s’il s’agit de violences psychologiques. ».
Afin de compléter cette définition, il s’agirait de s’appuyer sur l’article 3 de de la Convention du Conseil de l’Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique[3].
Cet article définit ces violences comme des « actes de violence physique, sexuelle, psychologique ou économique qui surviennent au sein de la famille ou du foyer ou entre des anciens ou actuels conjoints ou partenaires, indépendamment du fait que l’auteur de l’infraction partage ou a partagé le même domicile que la victime ».
Cet amendement a pour but de définir dans le code pénal, et de manière non exhaustive, les formes que peuvent revêtir les violences conjugales, quelle que soit leur nature : physiques, psychologiques, sexuelles, économiques ou administratives.
Cette proposition pourrait être qualifiée de superflue. Elle ne l’est pas. Il s’agit en premier lieu d’une demande insistante des associations. Elle ne fait d’ailleurs que traduire, dans notre droit interne, la définition retenue par la convention d’Istanbul ratifiée par la France le 4 juillet 2014.
Pour combattre résolument ces violences, il faut, avant toute chose, être capable de les nommer.
Les violences conjugales sont de nature très diverses et doivent toutes être prises en compte. Par exemple, la violence économique, pourtant bien réelle et brutale pour les personnes qui en sont victimes, n’est pas définie par le code pénal. C’est la raison pour laquelle cet amendement a également pour but de consolider juridiquement cette notion. Comment se fait-il qu’elle ne soit pas retenue alors qu’aujourd’hui des personnes sont empêchées de travailler ou se retrouver spoliées par leur (ex) conjoint ?
Pour cela, le code pénal restreint tout d’abord le champ des violences économiques aux seules violences commises au sein du couple afin que cette qualification ne soit pas détournée de son objet initial. Il précise également les faits constitutifs de cette violence en reprenant une définition proposée par le ministère de la justice : spoliations, contrôle des biens essentiels, interdiction de travailler[4].
[1] http://www.justice.gouv.fr/histoire-et-patrimoine-10050/lemission-le-droit-se-livre-12370/le-droit-se- livre-histoire-des-violences-conjugales-31404.html
[2] http://www.justice.gouv.fr/publication/fp_violences_conjuguales.pdf.
[3] La Convention d’Istanbul sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique a été adoptée par le Comité des ministres du Conseil de l’Europe le 7 avril 2011. Elle a été ouverte à la signature le 11 mai 2011 à l’occasion de la 121e session du Comité des ministres à Istanbul. Suite à sa 10ème ratification par l’Andorre le 22 avril 2014, la Convention est entrée en vigueur le 1er août 2014.