commission de la culture |
Proposition de loi Lutte contre la manipulation de l'information (1ère lecture) (n° 623 ) |
N° COM-9 16 juillet 2018 |
Question préalableMotion présentée par |
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M. RETAILLEAU et les membres du groupe Les Républicains TENDANT À OPPOSER LA QUESTION PRÉALABLE |
En application de l'article 44 alinéa 3 du Règlement, le Sénat décide qu'il n'y a pas lieu de poursuivre la délibération sur la proposition de loi adoptée par l'Assemblée nationale, relative à la lutte contre la manipulation de l'information (n° 151, 2017-2018).
Objet
Le président de la République est à l'origine directe du dépôt de cette proposition de loi qui vise à empêcher la diffusion d'informations malveillantes, notamment en période électorale.
Il n'est pourtant pas nécessaire de recourir à une nouvelle loi, car notre pays dispose déjà d'un arsenal législatif visant à interdire de tels actes : code électoral condamnant la diffusion de "fausses nouvelles", code pénal réprimant la diffusion "d'informations malveillantes de nature à fausser la sincérité d'un scrutin", loi sur la presse du 29 juillet 1881 prévoyant le délit de diffamation...
La mesure emblématique de la proposition de loi vise à permettre un recours rapide contre les "fake news", au moyen d'une procédure de référé, conduisant le juge à estimer en très peu de temps si une information est inexacte ou trompeuse, alors que cette question sensible vise directement la liberté d'information et d'expression. Les revirements de rédaction à l'Assemblée nationale montrent bien la difficulté qu'il y aura à caractériser l'infraction, ce qui rendra la procédure au mieux inefficace, au pire dangereuse pour l'expression des opinions. La procédure risque par ailleurs de s'avérer contre-productive en plaçant le responsable en position de victime tout en assurant une publicité involontaire à ses affirmations.
Autre disposition de la proposition de loi, la mise en cause des plateformes est tout aussi périlleuse pour la liberté d'expression en incitant les plateformes à supprimer les contenus qui les exposeraient à des sanctions. Les mesures qu'elles mettront en œuvre sont d'ailleurs devenues purement indicatives au cours de l'examen du texte, le risque d'exposition à la censure étant trop manifeste.
Enfin, l'intervention du CSA à l'égard des services de communication audiovisuelle, qui pourra aller jusqu'au retrait du conventionnement d'une chaîne, devrait s'avérer exceptionnelle et peu susceptible de dissuader une éventuelle propagande étrangère.
De telles dispositions sont d'autant plus malvenues que la commission européenne s'est récemment prononcée sur la question de la désinformation en ligne. Elle recommande aux États membres non pas de légiférer mais de responsabiliser les plateformes, en encourageant leur autorégulation. Il est de toute façon évident que le caractère transfrontalier du phénomène ne peut conduire à une seule réponse nationale et rend nécessaire la poursuite de la réflexion au niveau européen.
La présente proposition de loi, dont l'impréparation est manifeste, est donc totalement prématurée, ce qui doit conduire à son retrait.