Commission spéciale chargée d'examiner le projet de loi « Egalité et citoyenneté » |
Projet de loi Égalité et citoyenneté (1ère lecture) (n° 773 ) |
N° COM-203 7 septembre 2016 |
AMENDEMENTprésenté par |
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MM. MOHAMED SOILIHI et RICHARD ARTICLE 37 |
Après l’alinéa 17
Insérer deux alinéas ainsi rédigés :
3° bis L’article 46 est ainsi rédigé :
« Art. 46 – L’action civile en réparation d’un dommage causé par une infraction prévue par la présente loi peut être exercée devant une juridiction civile, séparément de l’action publique, sur le fondement des articles 1382 et suivants du code civil ».
Objet
Le présent article vise à permettre une réparation des préjudices nés des abus de la liberté d'expression sur le fondement de la responsabilité civile de droit commun (article 1382 du code civil) et exclure toute uniformisation des procédures d'assignation civiles sur les contraintes des dispositions répressives de la loi du 29 juillet 1881.
En effet, la Cour de cassation a progressivement appliqué aux assignations en matière de presse devant le juge civil, l'ensemble des contraintes procédurales de la loi du 29 juillet 1881.
Ainsi, dans deux arrêts de l'assemblée plénière du 12 juillet 2000, la Cour de cassation affirme que « les abus de la liberté d'expression prévus et réprimés par la loi du 29 juillet 1881 ne peuvent être réparés sur le fondement de l'article 1382 du code civil », ce qui exclut toute autre réparation que celle associée à la condamnation pour une infraction de presse.
Le champ possible de la réparation a une nouvelle fois été réduit par un arrêt de la première chambre civile du 27 septembre 2005 excluant également l'application de l'article 1382, même en l'absence d'infraction à la loi sur la presse susceptible de qualifier l'abus de la liberté d'expression en cause.
Cette éradication totale de la responsabilité civile de droit commun dans le champ de la liberté d'expression est très critiquée par la doctrine.
En premier lieu, cette conception restrictive de la sanction des abus de la liberté d'expression va à l'encontre de l'intention des rédacteurs de la loi du 29 juillet 1881, dont les principales contraintes procédurales ont été écrites pour les seules actions répressives. « L'action civile devant les tribunaux civils ne peut être évidemment régie que par les règles du code de procédure civile » écrivait Georges Barbier dans le code expliqué de la presse en 1911.
De plus, cette jurisprudence offre une immunité de facto aux auteurs de fautes manifestes et prive ainsi les victimes d'un droit naturel à réparation. Sans fondement légal, elle prive d'un accès au juge pour établir une responsabilité civile pour faute, au nom de la supériorité de la liberté d'expression sur les droits de la personnalité, dont le droit à la vie privée.
Cet état du droit comporte en outre un effet surprenant puisque les personnes attraites devant le juge civil préfèrent reconnaître l'existence d'un délit de presse (donc pénal), afin de bénéficier notamment de la prescription trimestrielle.
Afin d'assurer un plus juste équilibre entre la liberté d'expression et les droits de la personnalité, notamment le droit à la vie privé, il semble nécessaire de d'autonomiser la responsabilité civile pour tous les abus de la liberté d'expression.