commission des affaires sociales |
Projet de loi visant à instituer de nouvelles libertés et de nouvelles protections (1ère lecture) (n° 610 ) |
N° COM-226 27 mai 2016 |
AMENDEMENTprésenté par |
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Mme LIENEMANN, MM. DURAIN, GODEFROY, CABANEL et MONTAUGÉ, Mme GHALI et M. GORCE ARTICLE 30 |
Supprimer cet article.
Objet
L’article 30 du projet de loi a pour objet de « préciser la définition du motif économique de licenciement. Il intègre, à côté des difficultés économiques et des mutations technologiques, le motif de licenciement tiré d’une nécessaire « sauvegarde de la compétitivité », et celui de la « cessation d’activité », que la jurisprudence reconnaît déjà.
Cependant, la rédaction actuelle de cet article « préconstitue » le critère de « difficultés économiques », qui seraient désormais « caractérisées [c’est-à-dire automatiquement justifiées] par, soit une baisse des commandes ou du chiffres d’affaires pendant plusieurs trimestres consécutifs en comparaison de la même période de l’année précédente, soit par des pertes d’exploitation pendant plusieurs mois, soit par une importante dégradation de la trésorerie, soit par tout élément de nature à justifier de ces difficultés ».
La seule « baisse des commandes ou du chiffre d’affaires », même sur plusieurs trimestres, ne devrait pas pouvoir constituer un motif économique de licenciement, conformément à une jurisprudence constante depuis la loi n°75-5 du 3 janvier 1975 relative aux licenciements pour cause économique. En effet une entreprise peut réaliser de très importants profits quand bien même ses commandes ou son chiffre d’affaires seraient en baisse sur plusieurs trimestres. Avec cette disposition, des entreprises florissantes pourraient licencier pour motif économique, sans contestation possible par le salarié.
Le critère des « pertes d’exploitation pendant plusieurs mois » révèle a priori une mauvaise situation financière. Il est toutefois possible pour une société de ne présenter que le résultat d’exploitation sans prise en compte des amortissements et immobilisations, qui peuvent expliquer à elles seules un résultat négatif. Le juge devrait donc pouvoir apprécier concrètement la réalité des pertes d’exploitation, une fois neutralisés ces immobilisations ou amortissements.
En ce qui concerne le critère de la trésorerie, il est possible pour une société d’organiser une mauvaise trésorerie passagère, par exemple en concentrant ses dépenses sur une courte période etc. Seule une lecture par le juge sur une période longue devrait permettre de caractériser des difficultés, en aucun cas une simple photographie de la trésorerie.
L’introduction d’une différenciation entre les entreprises en fonction de leur nombre de salariés crée un effet de seuil redoutable qui risque d’être contre-productif.
Par ailleurs, le nombre de salariés de l’entreprise est sans lien avec la vitesse d’évolution de ses indicateurs économiques. En effet, d’une part une petite entreprise peut appartenir à un grand groupe voire résulter d’un morcellement volontaire de l’entreprise par filialisations volontaires successives. D’autre part, il est probable que les commandes ou le chiffres d’affaires soit plus fluctuant au cours d’une année dans une petite entreprise. Ainsi la chance d’avoir un niveau des commandes ou de chiffres d’affaires identique à celui de l’année précédente au cours de la même période est infime et le salarié aura donc le plus grand mal à contester son licenciement. Cet article ne tient pas compte des pratiques dites des « prix de transfert », à savoir une mise en déficit artificielle d'une entreprise au sein d'un groupe quand bien même celle-ci est rentable.