Commission spéciale sur la lutte contre le système prostitutionnel |
Proposition de loi Prostitution (Nouvelle lecture) (n° 372 ) |
N° COM-1 15 février 2016 |
AMENDEMENTprésenté par |
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M. GODEFROY, Mme Michèle ANDRÉ, M. SUTOUR, Mme BATAILLE et MM. BOULARD, LECONTE, DAUDIGNY, MADEC, YUNG, MASSERET et LORGEOUX ARTICLE 16 |
Supprimer cet article.
Objet
Cet amendement a pour objet de protéger les personnes prostituées d’une mesure dont les conséquences pourraient être contraires à celles recherchées.
L’objectif poursuivi par cet article 16, à savoir l’inversion du mécanisme de la culpabilité, ne serait atteint que dans la lettre du droit si cette disposition était adoptée car les personnes prostituées seraient les premières à subir une telle mesure.
Pénaliser le client risquerait de favoriser le recours à des intermédiaires, de déplacer encore plus les personnes prostituées dans des lieux où elles seraient contraintes de se dissimuler (internet, lieux retranchés, lieux clandestins où la prostitution est particulièrement organisée et donc contrainte, etc.), où elles seraient isolée, plus exposées aux violences, aux risques sanitaires (MST, IST…), et où elles perdraient le contact avec les associations d’accompagnement et de prévention qui viennent à leur rencontre.
Cette disposition pose par ailleurs un problème de cohérence car on ne pourra pas concilier juridiquement le fait que la prostitution soit autorisée en France (puisqu’elle n’est pas interdite), ajouté à l’absence de sanction de tout racolage (section 2 de la proposition de loi), avec la pénalisation des clients. Si ces dispositions entraient en vigueur, il serait donc totalement permis de proposer une prestation sexuelle tarifée et d’en faire la promotion mais répondre à cette offre serait sanctionné par une contravention de 5e catégorie.
Pénaliser le client n’aurait d’effets que sur la prostitution visible. Les contraventions des clients de personnes prostituées ne changeront pas le drame de la traite des êtres humains. Elles ne permettront pas de remonter les filières.
Les moyens qui seront mis en œuvre pour verbaliser les clients pourraient être autrement mieux employés s’ils étaient consacrés à la Brigade de répression du proxénétisme et à l’Office Central pour la Répression de la Traite des Êtres Humains qui disposent respectivement d’une cinquantaine et d’une trentaine d’agents dans leurs services.
Cette nouvelle infraction poserait également des difficultés quant à son application. Est-il judicieux de généraliser un mécanisme déjà existant pour la prostitution des mineurs et pourtant très insuffisamment appliquée ? Comment caractérisera-t-on la relation sexuelle tarifée sachant que ni le client ni la personne prostituée n’auront intérêt à reconnaître qu’elle a eu lieu ?
Cet article repose sur le modèle mis en œuvre en Suède ainsi qu’en Norvège et en Islande. Or, son bilan est loin de faire l’unanimité.
La pénalisation du client n’a pas su convaincre au Danemark où, en dépit d’une promesse électorale, le gouvernement y a finalement renoncé en 2012, tirant les conséquences du rapport qu’il avait commandé au Conseil du droit pénal – organe dépendant du ministère de la Justice – qui « ne recommande pas la mise en place d’une interdiction d’achat de services sexuels. » qui « pourrait avoir des conséquences négatives pour un certain nombre de prostituées en termes de dégradation des conditions économiques et de stigmatisation accrue. »
Aussi, le Parlement écossais a rejeté en juin 2012 un projet de loi interdisant tout achat de prestation sexuelle.
La très grande majorité des associations de terrain qui vont à la rencontre des personnes prostituées se sont également prononcées contre cette disposition (Les amis du bus des femmes, IPPO, Griselidis, Cabiria, Médecins du Monde, Aides, etc.). Tout comme la CNCDH (désignée rapporteur national indépendant sur la traite des êtres humains par le Conseil des ministres lors de l’adoption le 14 mai dernier du Plan d’action national contre la traite des êtres humains) qui s’est à nouveau opposée à cette mesure dans l’avis qu’elle a rendu le 22 mai 2014 sur la proposition de loi en avançant notamment que « la pertinence de la disposition visant à pénaliser le client semble de surcroit discutable tant elle risque d’être contreproductive. (…) On risque également d’observer une plus grande défiance vis-à-vis des forces de l’ordre et donc un moindre reflexe d’y recourir en cas de violence subie, ce qui constituerait de fait un recul du droit. Cette bienveillance paradoxale induirait donc des stratégies de contournement qui ne seraient pas sans grave incidence sur la santé et les droits des personnes prostituées (…) L’efficacité de la répression impliquera la mise en place de dispositifs de surveillance dont la nécessaire généralisation contredira évidemment les exigences d’une société libre. »
Dans un arrêt du 17 février 2005 K.A. et A.D. contre Belgique, la CEDH a indiqué (considérant 83) que « Le droit d’entretenir des relations sexuelles découle du droit de disposer de son corps, partie intégrante de la notion d’autonomie personnelle. A cet égard, "la faculté pour chacun de mener sa vie comme il l’entend peut également inclure la possibilité de s’adonner à des activités perçues comme étant d’une nature physiquement ou moralement dommageables ou dangereuses pour sa personne. En d’autres termes, la notion d’autonomie personnelle peut s’entendre au sens du droit d’opérer des choix concernant son propre corps" (Pretty contre Royaume-Uni, arrêt du 29 avril 2002). »
Aussi, dans un arrêt Tremblay contre France du 11 septembre 2007, « la Cour souligne qu’elle juge la prostitution incompatible avec les droits et la dignité de la personne humaine dès lors qu'elle est contrainte. »
La CEDH juge donc que les relations sexuelles entre adultes consentants sont libres et échappent à l’ingérence des pouvoirs publics du moment aucune contrainte n’est exercée et que la prostitution exercée sans contrainte n’est pas incompatible avec la dignité de la personne humaine.
Commission spéciale sur la lutte contre le système prostitutionnel |
Proposition de loi Prostitution (Nouvelle lecture) (n° 372 ) |
N° COM-2 15 février 2016 |
AMENDEMENTprésenté par |
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M. GODEFROY, Mmes Michèle ANDRÉ et BATAILLE et MM. BOULARD, LORGEOUX, MASSERET, YUNG, MADEC, DAUDIGNY, LECONTE et SUTOUR ARTICLE 17 |
Supprimer cet article.
Objet
Amendement de coordination avec l’amendement de suppression de l’article 16 de la proposition de loi.
Commission spéciale sur la lutte contre le système prostitutionnel |
Proposition de loi Prostitution (Nouvelle lecture) (n° 372 ) |
N° COM-3 15 février 2016 |
AMENDEMENTprésenté par |
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Mme BENBASSA ARTICLE 3 |
A la dernière phrase de l’alinéa 4
les mots :
,notamment des services de police et de gendarmerie
Sont supprimés
Objet
Cet amendement a pour objet de supprimer la disposition qui prévoit que des policiers et des gendarmes siégeront au sein de l’instance départementale chargée d’organiser et de coordonner l’action en faveur des victimes de la prostitution.
Le rôle de cette commission est de permettre l’insertion des personnes prostituées et d’assurer le suivi du projet d’insertion sociale et professionnelle. Il ne relève pas de l’action de la police et de la gendarmerie d'assurer l'insertion sociale des personnes qui ont longtemps été considérées comme des personnes délinquantes. Cette confusion des rôles ne semble pas pertinente.
Commission spéciale sur la lutte contre le système prostitutionnel |
Proposition de loi Prostitution (Nouvelle lecture) (n° 372 ) |
N° COM-4 15 février 2016 |
AMENDEMENTprésenté par |
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Mme BENBASSA ARTICLE 6 |
Alinéa 4
le b) est rétabli dans la rédaction suivante :
b) Après la deuxième phrase, est insérée une phrase ainsi rédigée :
« La condition de cesser l’activité de prostitution n'est pas exigée. » ;
Objet
Cet amendement concerne la carte de séjour temporaire « vie privée et familiale » délivrée à des victimes qui ont déposé plainte contre les réseaux de proxénétisme.
Il est arrivé que des préfectures exigent des victimes d’exploitation sexuelle, qui ont pourtant déposé plainte, qu’elles aient cessé de se prostituer pour leur délivrer un titre de séjour. Dans son étude sur la traite et l'exploitation des êtres humains en France, rendue en octobre 2010, la CNCDH recommande qu’un titre de séjour temporaire doit être remis de plein droit et sans condition à toute victime de traite ou d’exploitation. Elle rappelle que « subordonner leur délivrance à la cessation d’une activité licite (prostitution) constitue une discrimination, en violation des textes internationaux auxquels la France est partie » (considérant 67).
En conditionnant la délivrance d’un titre aux seules personnes qui ont cessé l’activité de prostitution, une catégorie de victimes est fragilisée. Il est donc nécessaire d’exclure clairement cette exigence dans l’article L. 316-1 du CESEDA.
Commission spéciale sur la lutte contre le système prostitutionnel |
Proposition de loi Prostitution (Nouvelle lecture) (n° 372 ) |
N° COM-5 15 février 2016 |
AMENDEMENTprésenté par |
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Mme BENBASSA ARTICLE 6 |
Après l’alinéa 4
Insérer deux alinéas ainsi rédigés :
...° Le second alinéa de l'article L. 316–1 est ainsi rédigé :
« À l’issue de la procédure pénale, une carte de résident peut être délivrée à l'étranger ayant déposé plainte ou témoigné. En cas de condamnation définitive, celle-ci est délivrée de plein droit. » ;
Objet
Cet amendement porte sur la question de la délivrance d’un titre de séjour à l’issue de la procédure pénale.
Suite à un amendement écologiste adopté au Sénat dans la loi pour l'égalité entre les femmes et les hommes, une carte de résident est délivrée de plein droit à l'étranger ayant déposé plainte ou témoigné en cas de condamnation définitive de la personne mise en cause.
Toutefois, cette rédaction ne tient pas compte du fait que de nombreuses procédures sont classées sans suite ou annulées pour des raisons très diverses.
Il s’agit par cet amendement de sécuriser le parcours des personnes ayant déposé plainte ou témoigné en permettant qu’une carte de résident puisse être délivrée en cas d'échec de la procédure judiciaire, sans toutefois qu’elle ne soit délivrée automatiquement.
Commission spéciale sur la lutte contre le système prostitutionnel |
Proposition de loi Prostitution (Nouvelle lecture) (n° 372 ) |
N° COM-6 15 février 2016 |
AMENDEMENTprésenté par |
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Mme BENBASSA ARTICLE 6 |
Alinéa 6, première phrase
Remplacer les mots :
ayant cessé l'activité
par les mots :
engagé dans un processus de cessation de son activité
Objet
La proposition de loi crée l’article L. 316-1-1 dans le CESEDA. La rédaction actuelle de cet article prévoit qu’une autorisation provisoire de séjour d'une durée minimale de six mois ne peut être délivrée qu'à une personne ayant cessé l'activité de prostitution. Cette rédaction ne prend pas en compte le cas de femmes et d'hommes qui souhaitent sortir de la prostitution mais qui, du fait de leur situation, sont parfois amenés à recommencer cette activité. C’est la raison pour laquelle le Sénat avait supprimé cette restriction à l’octroi d’un titre de séjour provisoire.
Le présent amendement a pour objet de proposer une nouvelle rédaction. Il ne s'agit pas d'exiger de la victime qu'elle ait cessé définitivement toute activité de prostitution mais il faut qu'elle se soit engagée dans des démarches réelles pour arrêter cette activité.
Commission spéciale sur la lutte contre le système prostitutionnel |
Proposition de loi Prostitution (Nouvelle lecture) (n° 372 ) |
N° COM-7 15 février 2016 |
AMENDEMENTprésenté par |
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Mme BENBASSA ARTICLE 16 |
Supprimer cet article.
Objet
L'article 16 permettrait de punir d’une contravention de cinquième classe « le fait de solliciter, d’accepter ou d’obtenir des relations de nature sexuelle d’une personne qui se livre à la prostitution, y compris de façon occasionnelle, en échange d’une rémunération, d’une promesse de rémunération, de l’utilisation d’un bien immobilier, de l’acquisition ou de l’utilisation d’un bien mobilier, ou de la promesse d’un tel avantage ».
Cette incrimination est très floue et il n’est pour l’instant pas précisé si elle concernera d’autres éléments, comme la pornographie. Il serait également difficile pour les services de police et de gendarmerie de constater les faits, en dehors de la prostitution de rue.
Par ailleurs, cette pénalisation n’est en rien une garantie pour les victimes de la traite. Elle amalgame au contraire traite et prostitution et risque de détourner les moyens mis en place pour lutter contre la traite. Ainsi en Suède en 2011, alors que 450 hommes étaient condamnés à une amende pour achat de sexe, seules deux personnes étaient condamnées pour traite à des fins sexuelles (11 l’étaient pour proxénétisme lié à la traite).
Comme pour le délit de racolage passif, cette incrimination risque de précariser un peu plus la situation des prostitué-e-s. Ainsi dans son rapport 2012, le groupe VIH/Sida du PNUD s’inquiétait : « Selon la police, le commerce sexuel dans la rue a diminué de moitié en Suède, mais globalement, il reste au niveau qu’il avait avant la promulgation de la loi, mais est devenu, en grande partie, clandestin. Il s’est déplacé dans les hôtels et les restaurants, ainsi que sur Internet et au Danemark. Selon les services suédois de police judiciaire, il est devenu plus violent. Ces services s’inquiètent particulièrement de l’arrivée dans la profession de femmes étrangères, souvent entièrement contrôlées par des proxénète ».
Un rapport de 2012 de la municipalité d’Oslo a noté qu’il n’y avait pas moins de prostituées exposées à la violence suite à la pénalisation du client. Autre élément inquiétant, deux fois moins de ces prostituées victimes de violence firent appel au Pro Sentret, commission chargée de leur suivi
Si les promoteurs notent qu’en Suède le nombre de prostituées de rue aurait été réduit de 2500 à 1500, ces chiffres sont contestés, la prostitution de rue étant limitée en Suède. De plus, les opposants soulignent que la prostitution s’est déplacée vers Internet et les pays voisins. En 2009, le Bureau national d'enquête suédois estimait qu'il y avait environ 90 salons de massage à Stockholm et ses environs, dont la plupart étaient considérés comme offrant des services sexuels payants. Au tournant de 2011/2012, le nombre de salons de massage été estimé à environ 250.
La question du caractère délictuel de la récidive peut mettre en danger la prostituée en matière de complicité. En effet, contrairement à la contravention, le complice d'un délit peut être condamné à même titre que l'autre (121-6 du code pénal). Il semble nécessaire, en tout état de cause, de sécuriser la situation des personnes prostituées.
Pour toutes ces raisons, il est proposé de supprimer cet article.
Commission spéciale sur la lutte contre le système prostitutionnel |
Proposition de loi Prostitution (Nouvelle lecture) (n° 372 ) |
N° COM-8 15 février 2016 |
AMENDEMENTprésenté par |
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Mme BENBASSA ARTICLE 17 |
Supprimer cet article.
Objet
Cet article 17 qui vise à créer un stage de « stage de sensibilisation à la lutte contre l’achat d’actes sexuels » est une conséquence de l’article 16 sur la pénalisation des clients, qui fait également l’objet d’un amendement de suppression.
Commission spéciale sur la lutte contre le système prostitutionnel |
Proposition de loi Prostitution (Nouvelle lecture) (n° 372 ) |
N° COM-9 15 février 2016 |
AMENDEMENTprésenté par |
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Mme BENBASSA ARTICLE 18 |
Supprimer l’alinéa 3.
Objet
Amendement de coordination.
Cet alinéa est une conséquence de l’article 16 sur la pénalisation des clients, qui fait également l’objet d’un amendement de suppression.