Commission spéciale sur le projet de loi pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques |
Projet de loi pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques (1ère lecture) (n° 300 ) |
N° COM-476 13 mars 2015 |
AMENDEMENTprésenté par |
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Mme ESTROSI SASSONE, rapporteur ARTICLE 10 |
Supprimer cet article.
Objet
Cet article pose des difficultés de principe et des difficultés techniques.
Donner au ministre de l’économie et à l’Autorité de la concurrence un droit de regard sur l’élaboration des documents d’urbanisme, fût-ce par une simple procédure consultative, constitue une forme d’ingérence dans l’exercice par les collectivités de leur liberté administrative. Cela témoigne d’une méfiance vis-à-vis d’elles, comme si on craignait qu’elles abusent du (faible) pouvoir régulateur qui leur a été concédé par la réforme de l’urbanisme commercial opérée en 2014. À cet égard, il peut d’ailleurs être utile de rappeler que la loi de modernisation de l’économie de 2008 et la loi artisanat, commerce, TPE ont strictement recentré l’urbanisme commercial sur les questions urbanistiques. La loi autorise les documents d’urbanisme à traiter du commerce uniquement sous l’angle de l’aménagement du territoire, ce qui se justifie par le fait que le commerce peut avoir un impact fort sur l’organisation des territoires. Ainsi, les SCOT et les PLU, pas plus que les commissions départementales d’aménagement commercial, n’ont pour mission d’opérer une sorte de police économique entre les formes de commerces au sein d’un territoire. Toute règle ou décision d’autorisation limitant la liberté d’installation sans s’appuyer sur un motif d’intérêt général suffisant relatif à l’aménagement du territoire est voué à être annulé par le juge administratif. Certes, il vaut mieux prévenir les entorses à la liberté d’installation des commerçants qu’annuler des documents ou des décisions d’urbanisme, mais si le Gouvernement estime utile d’instaurer une possibilité de consultation en amont de l’approbation du document d’urbanisme sur sa compatibilité avec le droit de la concurrence, pourquoi ne pas donner la faculté de saisine de l’Autorité de la concurrence aux collectivités concernées ? Pourquoi réserver cette faculté au ministre ou à son représentant si ce n’est parce qu’on considère qu’elle constitue une protection contre les excès supposés des documents d’urbanisme en matière d’implantation commerciale ?
Concernant les insuffisances techniques du dispositif proposé, elles témoignent d’un manque de familiarité avec la législation de l’urbanisme :
- l’objet même de la saisine n’est pas clairement défini. Le texte de l’article 10 indique en effet que l'Autorité de la concurrence peut être consultée en matière d'urbanisme commercial. Mais la notion d’urbanisme commercial n’est pas définie dans le code de l’urbanisme, qui parle plutôt d’orientations relatives à l'équipement commercial et artisanal ou de conditions d'implantation des équipements commerciaux dans les SCOT et les PLU ;
- le document faisant l’objet de la saisine n’est pas non plus identifié, car on ne sait pas à quel stade de l’élaboration du document cette saisine intervient. On peut supposer qu’il s’agit du projet arrêté, mais cela n'est pas précisé ;
- les circonstances de la saisine sont également sujettes à interrogation. Une saisine lors de l’élaboration ou de la révision du document pourrait avoir un sens. Mais pourquoi la prévoir aussi à l’occasion d’une modification, qui, par définition, est porteuse de changements ne remettant pas en question les grands équilibres du document d’urbanisme ?
- enfin, on ne comprend pas pourquoi des dispositions relatives à la procédure d’élaboration ou de révision des documents d’urbanismes figurent dans le code de commerce, dans un chapitre consacré aux autorisations d’exploitation commerciales, et non dans le code de l’urbanisme.