commission des lois |
Proposition de résolution Règlement du Sénat (1ère lecture) (n° 225 ) |
N° COM-2 21 février 2014 |
AMENDEMENTprésenté par |
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M. COLLOMBAT ARTICLE ADDITIONNEL APRÈS ARTICLE 2 |
Après l'article 2
Insérer un article additionnel ainsi rédigé
L’article 45 du règlement du Sénat est ainsi rédigé :
1. – Dans le cas prévu au premier alinéa de l'article 28 ter, le bureau de la commission saisie au fond contrôle la recevabilité, au regard de l'article 40 de la Constitution ou de l’article LO 111-3 du code de la sécurité sociale, des propositions de loi, amendements et sous amendements en commission, En cas de doute le bureau de la commission des finances ou de la commission des affaires sociales est consulté.
2- Le président de la commission saisie au fond transmet au bureau de la commission des finances ou au bureau de la commission des affaires sociales les amendements susceptibles d’irrecevabilité au regard de l’article 40 de la Constitution ou de l’article LO 111-3 du code de la sécurité sociale.
Le bureau de la commission des finances ou de la commission des affaires sociales se prononce sur leur recevabilité par avis motivé, non tautologique.
Cette décision peut faire l’objet d’un recours auprès du président du Sénat qui se prononce par avis motivé après avoir entendu le requérant, à sa demande.
La discussion des amendements en cours d’examen est réservée jusqu’au terme de la procédure.
Les amendements déclarés définitivement irrecevables ne sont pas mis en distribution.
3. - Il est procédé selon les mêmes règles à l'encontre d'un amendement contraire à l'une des dispositions de la loi organique relative aux lois de finances.
4. - Tout sénateur ou le Gouvernement peut soulever en séance une exception d'irrecevabilité fondée sur l'article 40 de la Constitution, sur une des dispositions de la loi organique relative aux lois de finances ou sur l'article L.O. 111-3 du code de la sécurité sociale. L’examen des propositions de loi, des amendements et sous- amendements en question est réservé tant que le bureau de la commission des finances ou celui de la commission des affaires sociales ne s’est pas prononcé, conformément à la procédure prévue au 2 du présent article.
Avec l’accord du président de séance, le représentant du bureau de la commission des finances ou de la commission des affaires sociales peut demander au Gouvernement et à l'auteur de l'amendement de faire valoir leurs arguments. Ceux-ci disposent de la parole durant cinq minutes.
En l’absence de conciliation des points de vue, le Sénat se prononce à main levée.
5. - L'irrecevabilité tirée de l'article 41, premier alinéa, de la Constitution peut être opposée par le Gouvernement ou par le Président du Sénat à une proposition ou à un amendement avant le commencement de sa discussion en séance publique. Lorsqu'elle est opposée à une proposition par le Gouvernement ou par le Président du Sénat en séance publique, la séance est, s'il y a lieu, suspendue jusqu'à ce que le Président du Sénat ou, selon le cas, le Gouvernement ait statué; si elle est opposée à un amendement, la discussion de celui-ci et, le cas échéant, celle de l'article sur lequel il porte est réservée jusqu'à ce que le Président du Sénat ou, selon le cas, le Gouvernement ait statué.
6. - Dans tous les cas prévus à l'alinéa précédent, il n'y a pas lieu à débat. Le Président du Sénat peut consulter le président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale ou un membre du Bureau de cette commission désigné à cet effet. L'irrecevabilité est admise de droit lorsqu'elle est confirmée par le Président du Sénat ou, selon le cas, par le Gouvernement. S'il y a désaccord entre le Président du Sénat et le Gouvernement, le Conseil constitutionnel est saisi à la demande de l'un ou de l'autre et la discussion est suspendue jusqu'à la notification de la décision du Conseil constitutionnel, laquelle est communiquée sans délai au Sénat par le Président.
Objet
Depuis plus de six ans, le président de la commission des finances du Sénat exerce, en lieu et place de la commission elle-même qui en est chargée par l’article 45 du règlement, le contrôle systématique et a priori de la recevabilité financière des propositions de loi et amendements formulés par les sénateurs qui, censurés, retournent au néant.
Il en est résulté une abondante jurisprudence des censeurs qui comme le souligne Philippe Marini dans son tout récent rapport à but pédagogique et d’édification - « La recevabilité financière des amendements et des propositions de loi au Sénat » (N°263)- « suscite parfois des incompréhensions ». On ne saurait moins dire.
Sans nous attarder à ce stade sur la longue liste des bizarreries qui agrémentent cette « jurisprudence » - déclarer inconstitutionnel un amendement visant à rendre obligatoire la consultation de la population en cas de fusion entre un département et une région ; inconstitutionnel un amendement prévoyant l’intervention d’un interprète pour informer un détenus étranger de ses droits- constatons que le champ d’application de l’article 40 au fil du temps est de plus en plus vaste. A se demander si quelque domaine, un jour, y échappera.
Constatons aussi que la constitution et la jurisprudence du conseil du même nom sont ensevelies sous une construction juridique de casuistes certes très doués mais dont on peine à savoir d’où ils tirent le pouvoir de ventriloques du conseil constitutionnel dont ils se prétendent dépositaires.
D’autant qu’il en résulte une amputation grave du pouvoir d’initiative et d’amendement des sénateurs. Comme s’il était inscrit dans la constitution une prévalence de l’article 40 sur les articles 39 et 44. Comme si, le Sénat était atteint d’une sorte de maladie auto-immune, le conduisant à se défendre contre lui-même plutôt que contre les atteintes extérieures à ses prérogatives.
Certes, la cathédrale conceptuelle édifiée par Philippe Marini avec le rapport évoqué ci-dessus est-elle impressionnante mais constatons qu’elle vise moins à faire respecter la lettre et l’esprit de la constitution en protégeant l’exécutif des empiètements du parlement qu’à faire respecter ceux des traités européens, directives ou règlements qui ont proliférés sur ce terreau.
Ainsi nous dit il: « il apparaît que le champ de l'article 40 recouvre, a minima, celui des administrations publiques au sens de la comptabilité nationale, dont les règles sont définies par le système européen des comptes nationaux et régionaux (SEC 95) » Autant dire que le général de Gaulle et Michel Debré avaient anticipé Maastricht !
La cohérence des « raisonnements juridiques » des présidents de la commission des finances du Sénat, ne laisse aucune place à l’aléa, dit modestement Philippe Marini en réponse au manque de foi des ilotes censurés, plus sensibles au bon sens qu’à la rigueur des « raisonnements juridiques ». Mais encore faudrait-il que ces raisonnements juridiques ne soient pas un soliloque.
Or la procédure d’examen de la recevabilité financière des amendements et des propositions de loi mise en place au Sénat, souffre de deux maux : son caractère non transparent et solitaire, l’absence de possibilité d’appel des décisions. Que le président de la commission des finances du Sénat (en fait les fonctionnaires chargés du contrôle) ait en l’espèce plus de pouvoir que le conseil constitutionnel collectivement n’est pas le moindre des paradoxes.
C’est à cela que vise à remédier cet amendement