Direction de la séance |
Proposition de loi Sortir la France du piège du narcotrafic (1ère lecture) (PROCÉDURE ACCÉLÉRÉE) (n° 254 , 253 ) |
N° 218 27 janvier 2025 |
AMENDEMENTprésenté par |
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Le Gouvernement ARTICLE 15 |
Rédiger ainsi cet article :
I. – L’article 15-4 du code de procédure pénale est ainsi modifié :
1° Le I est ainsi modifié :
a) Les premier à sixième alinéas sont ainsi rédigés :
« I. – Dans l’exercice de ses fonctions, tout agent de la police nationale ou de la gendarmerie nationale peut être identifié, à défaut de ses nom et prénom, par un numéro d’immatriculation administrative, complété par sa qualité et son service ou son unité d’affectation, dans les actes de procédure qu’il établit ou dans lesquels il intervient.
« L’agent de la police nationale ou de la gendarmerie nationale peut également déposer ou comparaître, comme témoin au cours de l’enquête ou devant les juridictions d’instruction ou de jugement et se constituer partie civile en utilisant ces mêmes éléments d’identification dans les cas suivants :
« 1° Lorsqu’il a rédigé des actes de procédure ou participé à des actes d’enquête ;
« 2° Lorsqu’il est entendu en qualité de témoin ou de partie civile à raison de faits commis dans ou en rapport avec l’exercice de ses fonctions.
« L’agent de la police nationale ou de la gendarmerie nationale ne peut se prévaloir de ces modalités d’identification lorsque les faits pour lesquels il est amené à déposer ou comparaître en qualité de témoin ou de partie civile sont sans rapport avec l’exercice de ses fonctions.
« Ces éléments d’identification sont seuls mentionnés dans les procès-verbaux, citations, convocations, ordonnances, jugements ou arrêts. »
b) Au septième alinéa, les mots : « le bénéficiaire de l’autorisation » sont remplacés par les mots : « l’agent de la police nationale ou de la gendarmerie nationale » ;
2° Le II est complété par les mots : « et à tout agent de l’office national anti-fraude » ;
3° Le III est ainsi modifié :
a) Le deuxième alinéa est remplacé par trois alinéas ainsi rédigés :
« Saisi par une partie à la procédure d’une requête écrite et motivée en vue de l’exercice des droits de la défense ou des droits de la partie civile et tendant à la communication des nom et prénom d’un agent identifié en application du I, le juge d’instruction ou le président de la juridiction de jugement ou, lorsqu’il est fait application de l’article 77-2, le procureur de la République, en informe l’agent qui fait valoir le cas échéant ses observations tendant à s’y opposer.
« Le juge d’instruction, le président de la juridiction de jugement ou, lorsqu’il est fait application de l’article 77-2, le procureur de la République, communique l’identité de l’agent, sauf s’il estime, au regard des observations de l’agent, que la révélation de son identité fait peser une menace sur sa vie ou son intégrité physique ou celles de ses proches. »
« Lorsque le juge d’instruction, le président de la juridiction de jugement ou, lorsqu’il est fait application de l’article 77-2, le procureur de la République, envisage de communiquer l’identité de l’agent malgré son opposition, l’agent dispose d’un recours suspensif devant la chambre de l’instruction ou le procureur général compétent. Lorsque la procédure est menée par le juge d’instruction ou qu’une juridiction est saisie, le procureur de la République doit interjeter appel devant la chambre de l’instruction dans les conditions prévues aux articles 185 et suivants. Lorsque la décision de communication de l’identité de l’agent relève du procureur de la République, le recours de l’agent dont l’identité est en cause est traité dans les conditions de l’article 40-3. » ;
b) Au troisième alinéa, les mots : « du bénéficiaire d’une autorisation délivrée » sont remplacés par les mots : « de l’agent de la police nationale ou de la gendarmerie nationale identifié » et les mots : « du bénéficiaire de cette autorisation », sont remplacés par les mots : « de la personne concernée » ;
4° Le IV est ainsi modifié :
a) Au premier alinéa, les mots : « du bénéficiaire d’une autorisation délivrée » sont remplacés par les mots : « de l’agent de la police nationale ou de la gendarmerie nationale identifié », le mot : « cinq » est remplacé par le mot : « trois », et le nombre : « 75 000 » est remplacé par le nombre : « 45 000 » ;
b) Au deuxième alinéa, les mots : « du bénéficiaire de l’autorisation » sont remplacés par les mots : « de l’agent de la police nationale ou de la gendarmerie », et les mots : « sont portés à sept ans d’emprisonnement et à 100 000 € d’amende » sont remplacés par les mots : « sont portés à cinq ans d’emprisonnement et à 75 000 € d’amende » ;
c) Au dernier alinéa, les mots : « dix ans d’emprisonnement et à 150 000 € d’amende » sont remplacés par les mots : « sept ans d’emprisonnement et à 100 000 € d’amende ».
II. – Après l’article 3 de la loi n° 94-589 du 15 juillet 1994 relative à l’exercice par l’État de ses pouvoirs de police en mer pour la lutte contre certaines infractions relevant de conventions internationales, il est inséré un article 3 bis ainsi rédigé :
« Art. 3 bis. – Dans le cadre de la mise en œuvre de la présente loi, les agents mentionnés à l’article 3 peuvent être autorisés, dans les conditions et selon les procédures définies par l’article 15-4 du code de procédure pénale, à ne pas être identifiés par leurs noms et prénoms dans les actes de procédure qu’ils établissent ou dans lesquels ils interviennent.
« Les modalités d’application du présent article sont définies par voie réglementaire. »
III. – L’article 55 bis du code des douanes est ainsi modifié :
1° La première phrase du premier alinéa est ainsi rédigée : « A l’occasion de la mise en œuvre des pouvoirs de recherche, de constatation et de poursuite prévus au présent code ou lorsqu’ils sont requis sur le fondement du code de procédure pénale, les agents des douanes peuvent être identifiés, à défaut de leurs nom et prénom, par le numéro de leur commission d’emploi, complété par leur qualité et leur service ou leur unité d’affectation. » ;
2° Au deuxième alinéa, les mots : «, sous réserve d’une autorisation délivrée dans les conditions prévues au 2° du I de l’article 15-4 du code de procédure pénale » sont supprimés.
Objet
L’article 15 de la proposition de loi telle que modifié par la Commission des lois répond à un besoin bien identifié au niveau des forces de l’ordre : faciliter l’usage du seul numéro administratif comme identifiant dans les actes de procédure, plutôt que de faire figurer les noms et prénoms des enquêteurs. Il s’agit de prévenir, face à une criminalité toujours plus audacieuse et violente, les risques de menaces, de pression et de représailles à l’encontre des enquêteurs.
Si le gouvernement est favorable à une telle évolution, qui permet d'une part de simplifier le dispositif déjà prévu par l'article 15-4 du code de procédure pénale et de mieux assurer d'autre part, la protection de nos forces de l'ordre contre ceux qui chercheraient à leur nuire après avoir été mis en cause par le travail des enquêteurs, il considère que les mesures envisagées ne vont pas assez loin, et ne s’inscrivent pas de façon assez cohérente dans le code, apportant guère de plus-value par rapport au dispositif d’anonymisation existant.
En effet, dans le droit actuel, les enquêteurs peuvent faire usage de leur numéro administratif pour s’identifier dans les procédures. Créée à l’origine pour les enquêtes en matière terroriste, cette faculté a été étendue aux cas où « la révélation de son identité est susceptible, compte tenu des conditions d'exercice de sa mission ou de la nature des faits qu'il est habituellement amené à constater, de mettre en danger sa vie ou son intégrité physique ou celles de ses proches» Prévue à l’article 15-4 du CPP, elle est subordonnée à un accord hiérarchique, mais elle n’est pas limitée à des services en particulier ou à une délinquance spécifique.
La pratique a toutefois révélé la complexité procédurale quant à la mise en œuvre du dispositif, qui ne permet par ailleurs pas d’atteindre pleinement l’objectif attendu de sécurisation des forces de l’ordre, alors que ces dernières sont de plus en plus exposées au risque d’être reconnus et identifiés ainsi que leurs proches, et directement menacés ou visés par des actes de représailles.
Le nombre de procédures créées dans le logiciel de rédaction de procédures de la police nationale pseudonymisées s’élevait en 2021 à 54 902, en 2022 à 17 928 et en 2023 à 12 190. Cette baisse doit être considérée comme le témoin non pas d’une baisse du risque, mais du découragement des effectifs concernés face à la lourdeur de la procédure.
Face à cette situation et compte tenu de l’augmentation tendancielle des menaces vis-à-vis des agents enquêteurs, qui concourt à la désaffection pour les missions de police, le gouvernement a sollicité le Conseil d’Etat sur la question de savoir si et à quelles conditions l’exception aujourd’hui prévue pouvait devenir la règle.
Le Conseil d’Etat ayant considéré dans son avis n° 407526 du 16 novembre 2023 que cette généralisation de la possibilité, pour les personnels de la police nationale, de la gendarmerie nationale et des douanes, de ne pas être identifiés par leur et nom et prénom mais par leur numéro d’immatriculation administrative dans les actes de procédure pénale, était possible, le gouvernement a souhaité élargir créer un tel régime au bénéfice de tous les enquêteurs, et pas seulement à ceux qui traitent de criminalité organisée.
Dans ce contexte, l’article 15, s’il procède quelques simplifications bienvenues, reste en deçà de l’objectif du gouvernement, alors qu’il est très attendu par les forces sur le terrain.
En effet, beaucoup d'enquêtes relatives au crime organisé commencent par des infractions "classiques", et ce n'est que par le travail des enquêteurs ("tirer la pelote" en jargon policier) que l'on arrive à saisir qu'il s'agit d'une bande organisée ou d'une organisation criminelle. Dès lors le risque pèse lourdement sur les policiers et les gendarmes de terrain qui sont les premiers à traiter des infractions de voie publique qui sont intégrées dans des enquêtes de criminalité organisée. La présente mesure est destinée à les protéger mais aussi à protéger les procédures elles-mêmes en réduisant les vulnérabilités de ceux qui les traitent.
Plutôt que de créer un mécanisme supplémentaire de pseudonymisation dans un nouvel article 706-80-A, le gouvernement propose de modifier directement l'article 15-4 du code de procédure pénale pour suivre la recommandation du Conseil d'Etat et faire de l'utilisation du numéro administratif l'identification par défaut dans toutes les procédures.
Laissé à l'appréciation de l'agent, le dispositif serait généralisé à l'ensemble du périmètre infractionnel sans condition de gravité et ne serait plus conditionné à la délivrance d'une autorisation préalable de l'autorité hiérarchique.
Cette disposition permettra aux agents de ne pas révéler leur identité, en ayant recours à leur numéro d’immatriculation administrative, d’une part dans les actes de procédure qu’ils établissent ou dans lesquels ils sont cités et d‘autre part, à l’occasion de leur comparution en qualité de témoin ou victime devant les juridictions d’instruction ou de jugement, lorsque la procédure concerne des faits commis ou en rapport avec l'exercice de leurs fonctions.
L’amendement proposé s’en tient strictement au schéma proposé par l’avis n° 407526 du 16 novembre 2023 du Conseil d’Etat, et vise à :
- Généraliser le bénéfice du dispositif de protection de l’identité à toutes les infractions ;
- Supprimer la condition de délivrance d’une autorisation préalable de l’autorité hiérarchique ;
- Laisser la faculté à l’agent de bénéficier ou non de ce mode d’identification.
- Faciliter le rétablissement de l’égalité des armes, en posant le principe d’une communication de l’identité de l’agent au mis en cause qui en fait la demande, après avoir recueilli les observations de l’agent concerné (des exceptions sont prévues).
- Ajuster le quantum de peine s’agissant de la répression de la révélation de l’identité des agents et prévoir des circonstances aggravantes selon les cas. Cet abaissement est nécessaire en raison de la généralisation du dispositif. En effet, il apparaîtrait excessif de sanctionner très lourdement la révélation de l’identité de l’agent lorsque l’utilisation du pseudonyme s’est faite « par défaut », sans risque identifié, et que cette révélation n’a entrainé aucune conséquence (des violences notamment).
Enfin, l’amendement conserve l’idée d’ouvrir le principe de pseudonymisation aux agents des douanes, ainsi qu’aux agents intervenants en haute mer, au titre de l’action de l’Etat en mer.
L’article 15 modifié par la commission propose par ailleurs de créer une présomption d'habilitation d'accès aux fichiers pour les agents affectés dans les services chargés du traitement de la délinquance et de la criminalité organisées. Le gouvernement estime que cette simplification est déjà satisfaite par l’article 15-5 du code de procédure pénale issu de la loi d'orientation et de programmation du ministère de l'intérieur n° 2023-22 du 24 janvier 2023 qui garantit qu’un agent régulièrement habilité à consulter de traitements au cours d'une enquête ou d'une instruction n’a pas à faire état de cette habilitation sur les pièces de la procédure pour en assurer la régularité, la réalité de cette habilitation pouvant « être contrôlée à tout moment par un magistrat, à son initiative ou à la demande d'une personne intéressée ».