Direction de la séance |
Proposition de loi Sortir la France du piège du narcotrafic (1ère lecture) (PROCÉDURE ACCÉLÉRÉE) (n° 254 , 253 ) |
N° 183 27 janvier 2025 |
AMENDEMENTprésenté par |
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Mmes NARASSIGUIN, de LA GONTRIE et LINKENHELD, M. BOURGI, Mme HARRIBEY, MM. ROIRON, CHAILLOU et KERROUCHE, Mmes CONCONNE et CARLOTTI, MM. KANNER et MONTAUGÉ, Mme MONIER, MM. ROS et Michaël WEBER, Mme Sylvie ROBERT, M. MÉRILLOU, Mme DANIEL et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain ARTICLE 21 |
Rétablir le I dans la rédaction suivante :
I. – L’article 689-11 du code de procédure pénale est ainsi rédigé :
« Art. 689-11. – Hors les cas prévus au sous-titre Ier du titre Ier du livre IV pour l’application de la convention portant statut de la Cour pénale internationale, ouverte à la signature à Rome le 18 juillet 1998, peut être poursuivie et jugée par les juridictions françaises, si elle se trouve en France, toute personne soupçonnée d’avoir commis à l’étranger l’une des infractions suivantes :
« 1° Le crime de génocide défini au chapitre Ier du sous-titre Ier du titre Ier du livre II du code pénal ;
« 2° Les autres crimes contre l’humanité définis au chapitre II du même sous-titre Ier ;
« 3° Les crimes et les délits de guerre définis aux articles 461-1 à 461-31 du même code.
« Lorsque, en application de l’article 40-3 du présent code, le procureur général près la cour d’appel de Paris est saisi d’un recours contre une décision de classement sans suite prise par le procureur de la République antiterroriste, il entend la personne qui a dénoncé les faits si celle-ci en fait la demande. S’il estime le recours infondé, il en informe l’intéressé par une décision écrite motivée. »
Objet
Les auteurs de cet amendement saluent la consécration dans la proposition de loi de la compétence extraterritoriale des autorités françaises en matière de lutte contre le trafic de stupéfiants. Ils considèrent qu’il est tout aussi important voire prioritaire de consacrer la compétence extraterritoriale en matière de crimes de guerre et crimes contre l’humanité commis à l’étranger.
Cet amendement a pour objet de modifier l’article 689-11 du code de procédure pénale en permettant la poursuite devant les tribunaux français et le jugement des auteurs de génocide, crimes de guerre et crimes contre l’humanité commis à l’étranger. Ce mécanisme de compétence extraterritoriale, fondamental dans la lutte contre l’impunité, a cependant été vidé de sa substance par la mise en place de plusieurs conditions cumulatives excessivement restrictives. Ces conditions constituent autant de verrous qui rendent pratiquement impossible la mise en œuvre de cette disposition.
Les auteurs de cet amendement souhaitent reprendre la logique de la proposition de loi de Jean-Pierre Sueur adoptée à l’unanimité par le Sénat en 2013 qui visait à modifier l’article 689-11 du code de procédure pénale relatif à la compétence territoriale du juge français concernant les infractions visées par le statut de la Cour pénale internationale, cette proposition de loi n’avait jamais été reprise par l’Assemblée nationale.
C’est un long combat qui a débouché sur une première avancée en 2019. La loi du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice a permis d’obtenir de timides avancées en permettant de supprimer l’inversion du principe de complémentarité entre les juridictions nationales et la Cour pénale internationale et de supprimer la double incrimination pour le génocide, mais il restait cependant des verrous majeurs à l’application du mécanisme de compétence extraterritoriale.
Suite à l’arrêt « Chaban » de la Cour de cassation du 24 novembre 2021 qui avait acté l’incompétence de la justice française afin de juger les crimes contre l’humanité commis en Syrie car la notion de crime contre l’humanité n’existait pas dans le droit syrien, les acteurs associatifs et judiciaires se sont fortement mobilisés. Le 12 mai 2023, la Cour de cassation réunie en assemblée plénière, a confirmé la compétence universelle de la justice française dans deux affaires qui concernent la Syrie suite à un long débat juridique sur la nécessité ou non d’une double incrimination.
Il était donc urgent de modifier la législation, aussi, un amendement de Jean-Pierre Sueur avait été adopté dans la loi d’orientation et de programmation du ministère de la justice 2023-2027 du 22 novembre 2023 afin de supprimer la nécessité de double incrimination pour les crimes contre l’humanité et les crimes de guerre.
Cependant, la condition de résidence habituelle sur le territoire français constitue toujours une limitation par rapport aux autres dispositions du code de procédure pénale relatives à la compétence des tribunaux français en matière de répression des crimes internationaux, alors que pour tous les autres crimes internationaux sa simple présence suffit (voir art. 689-1 à 689-10 du CPP). Pire, la définition de « résidence habituelle » a ensuite été complexifiée dans le projet de loi de 2023 enfin d’en retenir une définition encore plus restrictive.
La nécessité de prouver la « résidence habituelle » en France d’un suspect mettra à l’abri des poursuites tous les auteurs et complices de génocide, crimes contre l’humanité, crimes de guerre qui éviteront d’installer en France le centre de leurs attaches professionnelles et familiales et se contenteront d’y effectuer des séjours plus ou moins longs, en toute impunité. Elle va par ailleurs plus loin que les exigences de plusieurs traités internationaux organisant la répression des crimes internationaux comme la Convention contre la torture de la Convention sur les disparitions forcées créant ainsi une rupture du principe d’égalité entre les victimes.
Le présent amendement vise donc à supprimer le verrou de la résidence habituelle afin que le juge français puisse enfin exercer pleinement sa compétence extraterritoriale.