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Direction de la séance

Projet de loi

Souveraineté alimentaire et agricole

(1ère lecture)

(PROCÉDURE ACCÉLÉRÉE)

(n° 251 , 250 , 184, 187)

N° 446 rect. ter

4 février 2025


 

AMENDEMENT

présenté par

C
G  
Irrecevable art. 45, al. 1 C (cavalier)

Mme BÉLIM, MM. TISSOT et MONTAUGÉ, Mme ARTIGALAS, MM. BOUAD, CARDON, MÉRILLOU, MICHAU, PLA, REDON-SARRAZY, STANZIONE et KANNER, Mmes BONNEFOY et ESPAGNAC, MM. JACQUIN et KERROUCHE, Mme MONIER, MM. UZENAT, VAYSSOUZE-FAURE, Michaël WEBER, LUREL, GILLÉ

et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain


ARTICLE ADDITIONNEL APRÈS ARTICLE 21


Après l’article 21

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le chapitre Ier du titre VI du code rural et de la pêche maritime est complété par une section ainsi rédigée :

« Section ...

« Dispositions applicables aux Outre-mer

« Article L. 661-19 I. – Dans les collectivités régies par l’article 73 de la Constitution, sont autorisées, par dérogation aux articles L. 661-8 à L. 661-11 du présent code, et sous réserve de l’avis conforme du représentant de l’État dans la collectivité concernée, l’introduction et la culture de plants et de semences en provenance de pays tiers.

« II. – Cette autorisation doit répondre aux conditions suivantes :

« 1° Les plants et semences en question doivent être destinés exclusivement à la production agricole locale et ne peuvent faire l’objet d’une commercialisation en dehors du territoire d’introduction ;

« 2° Les plants et semences présentent des caractéristiques agronomiques et sanitaires adaptées aux conditions climatiques et pédologiques spécifiques du territoire d’accueil, attestées par des essais préalables ;

« 3° Les plants et semences ne constituent pas une menace pour la biodiversité locale et ne sont pas porteurs d’organismes nuisibles au sens de l’article L. 251-3.

« III. – Le représentant de l’État dans la collectivité concernée, après avis de la direction de l’alimentation, de l’agriculture et de la forêt, est chargé de définir par arrêté les modalités d’application de la présente dérogation, notamment :

« 1° La liste des espèces et variétés autorisées ;

« 2° Les procédures d’autorisation, incluant les conditions de réalisation des essais préalables ;

« 3° Les protocoles de contrôles sanitaires et phytosanitaires, en application des articles L. 661-15 et L. 251-1 à L. 251-21 du présent code.

« IV. – Un décret en Conseil d’État précise les conditions d’application du présent article, notamment les délais d’instruction des demandes d’autorisation et les modalités de consultation des organismes de recherche compétents. »

Objet

Cet amendement des sénateurs du groupe Socialiste, écologiste et républicain (SER) vise à permettre un régime dérogatoire à l’introduction et la culture de plants et de semences en provenance de pays tiers dans les Outre-mer.

Les Outre-mer font face à des défis majeurs qui menacent leur transition vers la sécurité alimentaire et la pérennité de leurs filières agricoles. Cette situation est particulièrement saillante concernant la filière de la pomme de terre à La Réunion, dont l’analyse révèle les enjeux structurels auxquels sont confrontés plus globalement les territoires ultramarins.

La dépendance croissante aux importations fragilise la production locale. Ainsi, à La Réunion, les importations de pommes de terre ont augmenté de 61 % entre 2017 et 2022, atteignant désormais 4000 tonnes, soit l’équivalent de la production locale.

Cette concurrence, initialement pensée comme un complément saisonnier, s’est muée en une présence permanente qui déstabilise les équilibres économiques locaux.

Cette situation est aggravée par trois facteurs convergents :

- L’inadaptation aux conditions tropicales et subtropicales, particulièrement dans un contexte de changement climatique des variétés inscrites au Catalogue Officiel français des espèces et variétés de plantes cultivées. Certaines variétés très adaptées aux productions tropicales ne sont pas reprises dans le catalogue officiel national et ne peuvent donc pas être utilisées dans les agricultures ultramarines. Les spécificités pédoclimatiques des territoires ultramarins requièrent des variétés dotées de résistances particulières, notamment face aux maladies tropicales.

- L’augmentation significative des coûts d’approvisionnement en semences certifiées et de qualité, avec une hausse de 50 à 80 centimes par kilogramme entre 2015 et 2024. Cette inflation contraint les producteurs à se tourner vers des semences de moindre qualité, compromettant ainsi la compétitivité de la filière.

- La baisse de productivité de 20 à 30 % causée par une pression phytosanitaire accrue, notamment due au mildiou, phénomène exacerbé par la réduction des solutions phytosanitaires disponibles et les effets du changement climatique.

Face à ces constats, il apparaît urgent d’autoriser l’introduction de plants et semences en provenance de pays tiers eux aussi présents dans l’hémisphère Sud. La présence au catalogue national ne doit pas être dans le cas présent une condition pour pouvoir accéder à une utilisation dans les Outre-mer. Cette autorisation doit cependant être accompagnée d’un contrôle strict des autorités compétentes. Cette dérogation au principe d’inscription au catalogue officiel est ainsi encadrée : il s’agit d’une réponse pragmatique aux enjeux de développement agricole des Outre-mer, limitée à ces territoires et soumise au contrôle du représentant de l’État.

L’introduction de plants et semences de pays tiers permettrait aux Outre-mer :

- D’accélérer l’adaptation des cultures aux contraintes climatiques locales ;

- De renforcer la résilience des systèmes agricoles ultramarins ;

- De soutenir la diversification des productions ;

- D’améliorer la sécurité alimentaire des territoires ;

- De favoriser le développement économique local.

À La Réunion, l’Association Réunionnaise Interprofessionnelle des Fruits et Légumes (ARIFEL) estime ainsi les besoins en semences adaptées à 300 tonnes annuelles, volume qui permettrait d’étendre la période de production et de répondre aux besoins du marché local tout au long de l’année. Ce sont ainsi moins d’importations et plus d’activité locale qui seraient permis par cet amendement. Ce serait également un soutien précieux pour les agriculteurs ultramarins, eux aussi confrontés à une conjonction de crises majeures (économique, sociale, climatique). Ce sera enfin un pas supplémentaire vers la sécurité alimentaire des Outre-mer.



NB :La présente rectification porte sur la liste des signataires.
    Déclaré irrecevable au titre de l'article 45, alinéa 1, de la Constitution (cavalier) par la commission saisie au fond