Direction de la séance |
Projet de loi Projet de loi de finances pour 2024 (1ère lecture) SECONDE PARTIE ARTICLES NON RATTACHÉS (n° 127 , 128 , 132) |
N° II-88 26 novembre 2023 |
AMENDEMENTprésenté par |
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MM. CHANTREL, COZIC, KANNER et RAYNAL, Mmes BLATRIX CONTAT et BRIQUET, M. ÉBLÉ, Mme ESPAGNAC, MM. FÉRAUD, JEANSANNETAS, LUREL et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain ARTICLE ADDITIONNEL APRÈS ARTICLE 49 NONIES |
Après l'article 49 nonies
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Les personnes assujetties à l’impôt sur le revenu peuvent indiquer leur préférence quant à l’affectation souhaitée pour 5 % de la somme dont ils s’acquittent au titre de cet impôt à une mission de leur choix parmi la liste des missions budgétaires existantes.
II. – Le I s’applique à compter du 1er janvier 2026 et au plus tard le 1er janvier 2028, selon un calendrier et des modalités fixés par décret.
III. – Le Gouvernement remet au Parlement, avant le 1er mars 2025, un rapport sur les conditions de mise en œuvre, à compter du 1er janvier 2026 et au plus tard au 1er janvier 2028, de la possibilité donnée aux personnes assujetties à l’impôt sur le revenu de décider d’affecter 5 % de la somme dont ils s’acquittent au titre de cet impôt à une mission budgétaire de leur choix. Ce rapport identifie et évalue les solutions techniques, juridiques et opérationnelles les plus adaptées.
Objet
Cet amendement du groupe Socialiste, Ecologiste et républicain vise à mettre en place un dispositif de démocratie participative par le budget national, à partir d’une fraction des recettes de l’impôt sur le revenu.
Concrètement, les personnes assujetties à l’impôt sur le revenu auront la possibilité d’affecter 5 % de l’impôt dû à une mission budgétaire. Ce choix devra se faire au moment de la déclaration de revenus au printemps. Le contribuable pourra cocher la case de la mission de son choix.
Le Projet de loi de finances restera défini par le Gouvernement et le Parlement indépendamment des choix des contribuables.
La mise en œuvre du PLF de l’automne suivant devra tenir compte de la ventilation de la fraction d’impôt sur le revenu par mission, afin de s’assurer que les choix des contribuables soient respectés. Le calendrier type du dispositif suivrait le schéma suivant :
Printemps | Été | Automne |
Choix des missions par les contribuables au moment de la campagne de déclarations | Construction par le Gouvernement du budget | Discussion budgétaire sur la base du PLF. Sa mise en œuvre l’année suivante tient compte de la ventilation de la fraction d’impôt sur le revenu des contribuables par mission budgétaire |
Il est nécessaire de préciser que si la campagne de déclarations porte sur les revenus N-1, les choix arrêtés seront pris en compte dans le PLF suivant, c’est-à-dire dans le budget relatif à l’année N+1.
En retenant une fraction de 5 % de l’impôt acquitté ventilable, cette somme représenterait 3,747 milliards d’euros sur la base d’un rendement de l’impôt sur le revenu estimé à 74,936 milliards d’euros (rendement qui était attendu en 2021 selon le tome I de l’annexe Voies et moyens du PLF 2021 – page 16). Ce montant, qui correspondait à 1,4 % des recettes fiscales nettes de l’État en 2021, ne mettrait donc pas en péril l’équilibre budgétaire global du budget ni la répartition des crédits par mission. En effet, les missions budgétaires déjà abondées par les contribuables n’ayant pas à être financées, les autres impôts, votés par le Parlement, seraient affectés vers les missions budgétaires non pourvues ou insuffisamment pourvues.
De même, le dispositif ne remettrait pas en cause les principes de l’universalité budgétaire et de la non-affectation des recettes aux dépenses. En effet, la portée volontairement réduite des proportions concernées par l’amendement ne permet pas d’affirmer que ces principes seraient menacés et moins appliqués qu’ils ne le sont actuellement. Au demeurant ils connaissent déjà des exceptions importantes, défendues par le Gouvernement ou la majorité sénatoriale. De plus les autorisations de dépense ne seraient pas indéterminées, mais fixées comme elles le sont actuellement en fonction des besoins réels par le Parlement et le Gouvernement, seuls garants de l’intérêt général. La proposition concernerait les missions budgétaires, et non les programmes, les actions qui les composent ; par conséquent les affectations ne seraient pas précises au point de menacer les principes budgétaires susmentionnés.
Par ailleurs elle n’occasionnerait pas de dépense supplémentaire et respecterait donc l’article 40 de la constitution.
Il est clair cela étant que le dispositif proposé par cet amendement est perfectible. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle il n’a pas vocation à s’appliquer avant 2026 au plus tôt. Ce délai permettra au Gouvernement de remettre un rapport sur la base duquel le dispositif pourrait être revu.
Les pistes de révision du dispositif sont nombreuses :
- Montant de la fraction ventilable d’impôt sur le revenu ;
- Choix complet ou sélectif des missions budgétaires proposées ;
- Calendrier de mise en œuvre du dispositif ;
- Prélèvements obligatoires retenus comme base du dispositif (la CSG pouvant aussi être concernée pour les non imposables à l’impôt sur le revenu, qui orienteraient leur choix vers une des branches de la sécurité sociale, en attendant une éventuelle fusion de l’impôt sur le revenu et de la CSG) ;
- Renforcement de la place du Parlement dans le dispositif.
Cet amendement a pour objectif de renforcer le consentement à l’impôt, qui a fortement reculé ces dernières années, et de créer un dispositif de démocratie participative par le budget national.
Il ne retire rien du montant des sommes définies et votées par le Sénat. Il évite un écueil : opposer démocratie représentative et démocratie participative. Le Parlement sera toujours souverain pour amender et voter le PLF. Lui seul pourra avec le Gouvernement continuer à augmenter ou baisser tel ou tel budget et définir le contenu des politiques publiques.