Direction de la séance |
Projet de loi Projet de loi de finances pour 2024 (1ère lecture) PREMIÈRE PARTIE (n° 127 , 128 , 132) |
N° I-186 15 novembre 2023 |
AMENDEMENTprésenté par |
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M. HUSSON au nom de la commission des finances ARTICLE ADDITIONNEL APRÈS ARTICLE 5 NOVODECIES |
Après l'article 5 novodecies
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Après la section II bis du chapitre I bis du titre III de la deuxième partie du livre premier du code général des impôts, est insérée une section II ter ainsi rédigée :
« Section II ter
Taxe sur la diffusion en ligne d’enregistrements phonographiques musicaux ou de vidéomusiques
« Art. 1609 sexdecies C. – I. – Il est institué une taxe sur la diffusion en ligne d’enregistrements phonographiques musicaux ou de vidéomusiques due à raison des opérations :
« 1° De mise à disposition du public de services permettant l’accès à des enregistrements phonographiques musicaux ou des vidéomusiques, sur demande individuelle formulée par voie de communications électroniques dans le cadre des diffusions en flux et mis à disposition à titre onéreux à des personnes autres que des entreprises qui sont établies, ont leur domicile ou ont leur résidence habituelle en France ;
« 2° De mise à disposition du public de services de diffusion de messages publicitaires et de parrainage sur un service permettant l’accès à des enregistrements phonographiques musicaux ou des vidéomusiques, sur demande individuelle formulée par voie de communications électroniques et destiné à des personnes autres que des entreprises qui sont établies, ont leur domicile ou ont leur résidence habituelle en France ;
« 3° Sont exonérés les services répondant aux conditions cumulatives suivantes :
« a) L’accès aux enregistrements phonographiques musicaux ou vidéomusiques présente un caractère accessoire ;
« b) Leur objet principal n’est ni l’information du public ni la promotion auprès du public d’œuvres musicales, ni la fourniture d’informations relatives à ces œuvres.
« II. – Sont redevables de la taxe les personnes, qu’elles soient établies en France ou hors de France, qui mettent à disposition du public les services mentionnés au I.
« III. – La taxe est assise sur le montant, hors taxe sur la valeur ajoutée, du prix acquitté en contrepartie de l’accès aux services mentionnés au I.
« Ces sommes font l’objet d’un abattement de 66 % pour les services fournis à titre gratuit donnant l’accès à des contenus audiovisuels créés par des utilisateurs privés à des fins de partage et d’échanges au sein de communautés d’intérêt. À cette fin, les contreparties encaissées par une personne autre que le fournisseur qui sont reversées sont réputées être encaissées par le bénéficiaire de ce reversement. Lorsque plusieurs personnes sont redevables au titre d’un même service mentionné au présent I, le montant de la taxe est établi séparément pour chacune d’elles à partir des seules contreparties qu’elle a encaissées.
« Sont réputés constituer la contrepartie des services mentionnés au I :
« 1° Les prix perçus par les redevables concernés pour l’accès aux services mentionnés au 1° du I ;
« 2° Les sommes versées par les annonceurs et les parrains aux redevables pour la diffusion de leurs messages publicitaires et de parrainage sur les services mentionnés au 2° du I.
« Pour chaque opération, sont, le cas échéant, déduits de ces prix les montants acquittés au titre des impositions de toutes natures mises en place dans un autre État membre de l’Union européenne et portant spécifiquement sur ces services.
« IV. – L’exigibilité de la taxe intervient lors de l’encaissement d’une ou plusieurs contreparties d’un service taxable mentionné au I.
« V. – Le taux de la taxe appliqué au montant de la somme des contreparties est fixé à :
« 1° Pour les services mentionnés au 1° du I :
« a) 0 % pour la fraction inférieure à 20 millions d’euros ;
« b) 1,25 % pour la fraction comprise entre 20 millions d’euros et 400 millions d’euros ;
« c) 1,75 % pour la fraction supérieure à 400 millions d’euros ;
« 2° Pour les services mentionnés au 2° du I : 1,75 %.
« VI. – Par dérogation au V, pour les entreprises dont le montant des sommes encaissées en contrepartie des services mentionnés au 1° du I fournis au niveau mondial l’année civile précédente est inférieur à 750 millions d’euros, le taux est de :
« 1° Pour la fraction relevant du taux défini au b du 1° du V :
« a) 0,5 % pour l’imposition établie au titre de 2024 ;
« b) 1 % pour l’imposition établie au titre de 2025 ;
« 2° Pour la fraction relevant du taux défini au c du 1° du V :
« a) 1 % pour l’imposition établie au titre de 2024 ;
« b) 1,5 % pour l’imposition établie au titre de 2025.
« VII. – La taxe est constatée, liquidée, recouvrée et contrôlée selon les mêmes sanctions garanties, sûretés et privilèges que la taxe sur la valeur ajoutée. Les réclamations sont présentées, instruites et jugées selon les mêmes règles applicables à cette même taxe.
« VIII. – Le produit de la taxe est affecté au Centre national de la musique dans la limite d’un plafond annuel. »
II. – Après l’article L. 163 du livre des procédures fiscales, il est inséré un article L. 163 bis ainsi rédigé :
« Art. L. 163 bis. – Le Centre national de la musique peut recevoir de l’administration des impôts tous les renseignements relatifs au montant de la taxe mentionnée à l’article 1609 sexdecies C du code général des impôts. »
Objet
Le Centre national de la musique (CNM) a été mis en place en 2020. Il est chargé de quatre missions principales : l’observation de la filière musicale ; le conseil et l’accompagnement des professionnels ; le soutien économique aux acteurs et le développement international du secteur musical français, alors que le nombre d'artistes produits en France ayant reçu une certification à l'international a augmenté de 39 % entre 2021 et 2023. L’action du CNM pendant la crise sanitaire a été indispensable au soutien de l’État au secteur musical, et a contribué à soutenir les petites et moyennes entreprises du secteur musical, ainsi que les salles de spectacle à faible jauge.
Cependant, comme le Sénat l’avait craint lors de la création du CNM, le Gouvernement n’a pas tenu ses engagements pour permettre au centre de disposer de moyens en adéquation avec ses missions.
Ainsi, le budget du CNM pour 2024, première année sans bénéfice des crédits exceptionnels post-crise sanitaire, devrait être d’environ 60 millions d’euros, permettant d’accorder entre 25 et 30 millions d’euros d’aides sélectives. Cela représente un montant largement en-deçà des besoins de la filière musicale, et il est donc indispensable de lui accorder de nouvelles ressources.
Le Président de la République avait indiqué aux acteurs du secteur que s’ils ne trouvaient pas ensemble une solution de financement pour le Centre national de la musique, une taxe spécifique serait mise en place, sur le modèle de la recommandation émise par le rapport de la mission confiée à Julien Bargeton, dont les conclusions ont été rendues en avril 2023.
Force est de constater que le Gouvernement ne tient pas ses engagements et n’avance pas sur la proposition de création d’une taxe alors même que les acteurs du secteur, rencontrés par le rapporteur général, ne sont pas en mesure de trouver un accord sur le financement du CNM.
Le présent amendement prévoit donc la création d’une taxe acquittée par les plateformes de diffusion de musique et affectée au CNM, sur le modèle de la taxe sur la diffusion en vidéo physique et en ligne de contenus audiovisuels (TSV), affectée au Centre national du cinéma. Le taux marginal de cette taxe, dont le rendement attendu est de 15 millions d’euros, serait assis sur le chiffre d’affaires des plateformes numériques de musique payantes d’une part et sur les revenus de la publicité de ces plateformes ainsi que des plateformes gratuites d’autre part. L’assiette large, la faiblesse du taux de cette taxe, ainsi que sa progressivité en fonction du chiffre d’affaires des plateformes, qui devrait permettre de protéger les entreprises les plus fragiles, devrait être absorbable par les acteurs du secteur, sans engendrer de répercutions sensibles sur le prix des abonnements.
Par ailleurs, la taxation de la musique enregistrée, autrement dit des acteurs du « streaming », permettrait de corriger un déséquilibre entre les acteurs du spectacle vivant, qui contribuent directement au financement du centre national de la musique (CNM) grâce à la taxe sur les recettes de billetterie, et ceux de la musique enregistrée, qui n’y contribuent aujourd’hui qu’indirectement et faiblement. Elle a donc pour avantage de constituer une mesure d’équité, alors que le financement du CNM repose essentiellement sur les financements apportés par le biais de la taxe sur les spectacles par les petites salles de spectacles, dont le maillage est indispensable à nos territoires.