Direction de la séance |
Projet de loi Immigration et intégration (1ère lecture) (PROCÉDURE ACCÉLÉRÉE) (n° 434 rect. , 433 ) |
N° 628 6 novembre 2023 |
AMENDEMENTprésenté par |
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Mme Muriel JOURDA et M. BONNECARRÈRE au nom de la commission des lois ARTICLE ADDITIONNEL APRÈS ARTICLE 2 BIS |
Après l’article 2 bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le code civil est ainsi modifié :
1° À l’article 2493, les mots : « de trois mois » sont remplacés par les mots : « d’un an » ;
2° Sont ajoutés deux livres ainsi rédigés :
« Livre VI
« Dispositions applicables en Guyane
« Art. 2535. – Le présent code est applicable en Guyane dans les conditions définies au présent livre.
« Art. 2536. – Pour un enfant né en Guyane, les deux premiers alinéas de l’article 21-7 ne sont applicables que si, à la date de sa naissance, l’un de ses parents au moins résidait en France de manière régulière, sous couvert d’un titre de séjour, et de manière ininterrompue depuis plus de neuf mois.
« Art. 2537. – L’article 2536 est applicable dans les conditions prévues à l’article 17-2.
« Toutefois, les articles 21-7 et 21-11 sont applicables à l’enfant né en Guyane de parents étrangers avant l’entrée en vigueur de la loi n° du pour contrôler l’immigration, améliorer l’intégration, si l’un des parents justifie avoir résidé en France de manière régulière pendant la période de cinq ans mentionnée aux mêmes articles 21-7 et 21-11 du présent code.
» Livre VII
« Dispositions applicables à Saint-Martin
« Art. 2544. – Le présent code est applicable à Saint-Martin dans les conditions définies au présent livre.
« Art. 2545. – Pour un enfant né à Saint-Martin, les deux premiers alinéas de l’article 21-7 ne sont applicables que si, à la date de sa naissance, l’un de ses parents au moins résidait en France de manière régulière, sous couvert d’un titre de séjour, et de manière ininterrompue depuis plus de trois mois.
« Art. 2546. – L’article 2545 est applicable dans les conditions prévues à l’article 17-2.
« Toutefois, les articles 21-7 et 21-11 sont applicables à l’enfant né à Saint-Martin de parents étrangers avant l’entrée en vigueur de la loi n° du pour contrôler l’immigration, améliorer l’intégration, si l’un des parents justifie avoir résidé en France de manière régulière pendant la période de cinq ans mentionnée aux mêmes articles 21-7 et 21-11 du présent code. »
Objet
Le présent amendement tend à renforcer les conditions d’acquisition de la nationalité pour les mineurs étrangers nés dans certains territoires ultramarins de parents étrangers.
Plusieurs territoires ultramarins sont confrontés à une pression migratoire particulièrement forte. Si Mayotte fait figure de cas paradigmatique, la Guyane ainsi que, dans une mesure légèrement moindre, Saint-Martin sont confrontés à des situations parfois complexes sur le plan migratoire : îlots de prospérité relative à l’échelle de leur environnement immédiat, ces territoires sont caractérisés par une grande proximité géographique et une forte disparité économique par rapport aux territoires avoisinants. L’obtention de la régularité du séjour, y compris par la conception d’un enfant bénéficiant de la nationalité française car nés sur le territoire français, peut dès lors constituer un projet enviable à certaines personnes dans ces territoires.
Afin de lutter contre l’attractivité dont pâtissent ces territoires, il est donc proposé d’appliquer à Saint-Martin le régime juridique d’acquisition de la nationalité actuellement en vigueur à Mayotte : ne pourraient se voir appliquées les dispositions de l'article 21-7 (acquisition de la nationalité à la majorité ou par réclamation anticipée pour les mineurs étrangers nés de parents étrangers en France) que les mineurs dont un des parents au moins était à la date de leur naissance, en situation régulière ininterrompue sur le territoire français plus de trois mois.
Par cohérence, et pour faire face à des situations plus problématiques encore sur le plan migratoire, le délai de résidence régulière ininterrompue du parent serait portée à neuf mois en Guyane, et à un an à Mayotte – où le délai de trois mois est déjà en vigueur et où le passage à un délai d’un an est attendu, comme avait pu le constater la mission de la commission des lois lors de sa mission sur place en septembre 2021.
Si ces dispositions dérogent au droit commun applicable dans l’hexagone et dans les autres territoires ultramarins, c’est au nom des « caractéristiques et contraintes particulières » au sens de l’article 73 de la Constitution, que rencontrent ces territoires sur le plan migratoire :
- comme le rappelait un rapport de la commission des lois du Sénat de 2020, « la Guyane connaît donc une forte pression migratoire : au 31 décembre 2017, pour une population estimée à 281 612 habitants, le nombre d'étrangers en situation régulière était de 47 463, dont plus de 18 000 Haïtiens, 10 000 Brésiliens et 10 000 Surinamiens. » Entre 15 et 25 %, selon des estimations plus hautes, des habitants de Guyane seraient ainsi des étrangers ;
- par ailleurs, il est généralement estimé qu’à Saint-Martin, près du tiers de la population est constituée de personnes nées étrangères à l’étranger. Ainsi, l’institut d’émission des départements d’outre-mer (IEDOM), qui assure les missions de la Banque de France dans ce territoire, rappelait-il dans son rapport annuel économique pour 2022 que « selon le recensement de la population réalisé par l’Insee en 2020, un tiers des habitants de Saint-Martin est issu de l’immigration (30,0 %) ». Le récent rapport de la commission des lois intitulé « Guadeloupe, Martinique, Saint-Barthélemy et Saint-Martin : 4 territoires de la République dans la Caraïbe » a permis de corroborer cet état de fait.
Comme le Conseil constitutionnel l’avait relevé au sujet de Mayotte dans sa décision relative à la loi de 2018 pour une immigration maîtrisée, un droit d'asile effectif et une intégration réussie, de telles circonstances constituent, au sens de l’article 73 de la Constitution, des « caractéristiques et contraintes particulières » de nature à permettre au législateur, « afin de lutter contre l’immigration irrégulière à Mayotte, d’y adapter, dans une certaine mesure, non seulement les règles relatives à l’entrée et au séjour des étrangers, mais aussi celles régissant l’acquisition de la nationalité française à raison de la naissance et de la résidence en France ». De façon identique, le présent amendement tend à prévoir une différence de traitement qui tient compte des caractéristiques et contraintes particulières propres à la Guyane et Saint-Martin, qui est en rapport avec l'objet de la loi, et ne méconnaît en conséquence, comme l’avait rappelé le Conseil constitutionnel dans sa décision précitée, ni le principe d'égalité devant la loi, ni les exigences découlant de l'article 1er de la Constitution (…), ni les dispositions de l'article 3 de la Constitution et du seizième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946, ni le droit de mener une vie familiale normale. »