Direction de la séance |
Projet de loi Immigration et intégration (1ère lecture) (PROCÉDURE ACCÉLÉRÉE) (n° 434 rect. , 433 ) |
N° 605 30 octobre 2023 |
AMENDEMENTprésenté par |
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Le Gouvernement ARTICLE ADDITIONNEL APRÈS ARTICLE 1ER |
Après l’article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le chapitre I du titre Ier du livre VIII du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile est ainsi modifié :
1° L’intitulé est complété par les mots : « et des visas » ;
2° L’article L. 811-2 est ainsi rédigé :
« Art. L. 811-2. – Les actes et décisions de justice étrangers relatifs à l’état civil, produits par un ressortissant étranger pour justifier notamment de son identité et de ses liens familiaux, doivent être préalablement légalisés au sens du II de l’article 16 de la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019. La présomption de validité des actes de l’état civil ainsi produits, telle que prévue à l’article 47 du code civil, et l’opposabilité des jugements étrangers dont la régularité n’a pas été préalablement vérifiée par l’autorité judiciaire française, sont subordonnées à l’accomplissement de cette formalité.
« Sous réserve des dispositions de l’alinéa précédent, la vérification de tout acte de l’état civil étranger est effectuée dans les conditions définies à l’article 47 du code civil. »
Objet
Le présent amendement a pour objet de préciser les conséquences d’un défaut de légalisation des actes publics étrangers dans le domaine particulier de la police de l’entrée et du séjour des étrangers en France.
Dans un avis contentieux rendu le 21 juin 2022, le Conseil d’État a estimé que la circonstance qu’un acte de l’état civil étranger était privé d’effet en France en raison de sa non-légalisation ne faisait pas obstacle à ce qu’il soit utilement opposé aux autorités administratives françaises aux fins de prendre en considération les énonciations contenues dans un tel acte, notamment celles se rapportant à l’identité et à l’âge des personnes qui y sont désignées.
La légalisation des actes étrangers est un instrument essentiel de la lutte contre la fraude à l’état civil à laquelle sont massivement confrontées nos administrations dans certaines régions du monde, notamment à l’occasion des demandes de délivrance de visas d’entrée en France et de titres de séjour. Le phénomène de fraude à l’état civil se manifeste de manière aigüe dans le cadre des rapprochements familiaux. Il s’agit des procédures initiées par des ressortissants étrangers aux fins d’être rejoints en France par les membres de leur famille, qui représentent plus du tiers des 5 900 requêtes enregistrées par le tribunal administratif de Nantes en 2022 en matière de refus de visas (chiffre en croissance constante depuis l’année 2015).
Les services de l’État peinent à lutter efficacement contre les pratiques frauduleuses dans ce domaine. Le cadre juridique français confère en effet aux actes d’état civil présentés par les ressortissants étrangers une présomption de validité qu’il appartient à l’administration de renverser, y compris lorsque ces actes émanent d’États dont les systèmes d’état civil sont notoirement défaillants.
C’est pourquoi les compléments nécessaires doivent être apportés au code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile de sorte que les documents d’état civil produits par un ressortissant étranger pour justifier de son identité et de ses liens familiaux soient considérés, s’ils n’ont pas été légalisés alors qu’ils sont soumis à cette formalité, comme de simples éléments d’un faisceau d’indices, et non plus comme des pièces dont les énonciations s’imposent aux autorités administratives et juridictionnelles. Ces principes trouveraient à s’appliquer tant aux actes d’état civil à strictement parler, dressés par les officiers de l’état civil étrangers, qu’aux jugements rendus par les juridictions étrangères en cette matière sur le fondement desquels interviennent souvent les officier de l’état civil dans les régions du monde où les obligations déclaratives qui s’imposent à la population sont peu observées (jugement supplétifs ou reconstitutifs d’acte de naissance notamment).
Les dispositions proposées subordonnent expressément l’opposabilité en France des actes d’état civil étrangers, prévue par l’article 47 du code civil, et des jugements étrangers, prévue par la jurisprudence, à leur légalisation préalable lorsque cette formalité est exigible.
Ces nouvelles dispositions, qui harmoniseraient les jurisprudences administratives et judiciaires, ne se heurtent à aucun principe supérieur.
S’agissant des actes d’état civil stricto sensu, la Cour de cassation a en effet récemment jugé que le défaut de légalisation d’un acte de naissance étranger doit conduire à écarter la force probante reconnue par l’article 47 du code civil (Civ. 1re, 15 mars 2023, 22-18.147, publié au bulletin).
Par ailleurs, l’efficacité en France de principe des jugements étrangers est subordonnée à leur régularité internationale, dont la vérification en cas de contestation incombe au juge judiciaire, lequel doit notamment s’assurer de la légalisation du jugement produit par celui qui s’en prévaut. L’introduction de cette obligation de légalisation préalable comme condition formelle d’efficacité des jugements étrangers – ici circonscrite aux procédures d’entrée et de séjour des étrangers – ne heurterait donc pas les principes de réception des jugements étrangers en France et correspondrait au demeurant à la stricte application de la coutume internationale.