Direction de la séance |
Projet de loi Projet de loi de finances pour 2023 (1ère lecture) PREMIÈRE PARTIE (n° 114 , 115 , 118, 119) |
N° I-961 rect. ter 21 novembre 2022 |
AMENDEMENTprésenté par |
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M. CAPO-CANELLAS, Mme GATEL, M. LAFON, Mme VERMEILLET, M. BAZIN, Mmes SAINT-PÉ et de LA PROVÔTÉ, M. BONNEAU, Mme JOSEPH, M. PRINCE, Mmes LÉTARD et DINDAR, MM. BELIN, BURGOA, CADIC et LAUGIER, Mme DEVÉSA, MM. DÉTRAIGNE et JANSSENS et Mme GACQUERRE ARTICLE ADDITIONNEL APRÈS ARTICLE 8 |
Après l’article 8
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Les compagnies aériennes peuvent bénéficier d’un crédit d’impôt au titre des dépenses d’achat de biocarburants durables qu’elles exposent au cours de l’année. Le taux du crédit d’impôt est de 30 % du surcoût entre l’achat effectif de biocarburants et l’achat théorique de kérosène.
Lorsque les sociétés de personnes mentionnées aux articles 8 et 238 bis L ou groupements mentionnés aux articles 239 quater, 239 quater B et 239 quater C du code général des impôts ne sont pas soumis à l’impôt sur les sociétés, le crédit d’impôt peut, sous réserve des dispositions prévues au dernier alinéa du I de l’article 199 ter B du même code, être utilisé par les associés proportionnellement à leurs droits dans ces sociétés ou ces groupements.
II. – Les dépenses ouvrant droit au crédit d’impôt sont les achats de biocarburants durables d’aviation exclusivement issus de projets industriels localisés au sein de l’Union européenne, ou d’un autre État partie à l’accord sur l’Espace économique européen ayant conclu avec la France une convention d’assistance administrative en vue de lutter contre la fraude et l’évasion fiscales et provenant de la matière première suivante, conformément à l’annexe IX de la directive (UE) 2018/2001 du Parlement européen et du Conseil du 11 décembre 2018 relative à la promotion de l’utilisation de l’énergie produite à partir de sources renouvelables, parties A et B (notamment identique aux produits éligibles au double comptage dans le cadre de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques) :
1° Algues si cultivées à terre dans des bassins ou des photobioréacteurs ;
2° Fraction de la biomasse correspondant aux déchets municipaux en mélange, mais pas aux déchets ménagers triés relevant des objectifs de recyclage fixés au a du II de l’article 11 de la directive 2008/98/CE du Parlement européen et du Conseil du 19 novembre 2008 relative aux déchets et abrogeant certaines directives ;
3° Biodéchets tels que définis au 4 de l’article 3 de la directive 2008/98/CE précitée, provenant de ménages privés et faisant l’objet d’une collecte séparée au sens du 11 de l’article 3 de ladite directive ;
4° Fraction de la biomasse correspondant aux déchets industriels impropres à un usage dans la chaîne alimentaire humaine ou animale, comprenant les matières provenant du commerce de détail et de gros ainsi que des industries de l’agroalimentaire, de la pêche et de l’aquaculture, et excluant les matières premières visées dans la partie B de l’annexe IX de la directive (UE) 2008/2001 précitée ;
5° Paille ;
6° Fumier et boues d’épuration ;
7° Effluents d’huileries de palme et rafles ;
8° Brais de tallol ;
9° Glycérine brute ;
10° Bagasse ;
11° Marcs de raisins et lies de vin ;
12° Coques ;
13° Balles (enveloppes) ;
14° Râpes ;
15° Fraction de la biomasse correspondant aux déchets et résidus provenant de la sylviculture et de la filière bois, c’est-à-dire les écorces, branches, produits des éclaircies précommerciales, feuilles, aiguilles, cimes d’arbres, sciures de bois, éclats de coupe, la liqueur noire, la liqueur brune, les boues de fibre, la lignine et le tallol ;
16° Autres matières cellulosiques non alimentaires ;
17° Autres matières ligno-cellulosiques, à l'exception des grumes de sciage et de placage ;
18° Huiles de cuisson usagées ;
19° Graisses animales classées dans les catégories 1 et 2 conformément au règlement (CE) n° 1069/2009 du Parlement européen et du Conseil du 21 octobre 2009 établissant des règles sanitaires applicables aux sous-produits animaux et produits dérivés non destinés à la consommation humaine et abrogeant le règlement (CE) n° 1774/2002.
III. – Les subventions publiques reçues par les entreprises à raison des opérations ouvrant droit au crédit d’impôt sont déduites des bases de calcul de ce crédit, qu’elles soient définitivement acquises par elles ou remboursables. Lorsque ces subventions sont remboursables, elles sont ajoutées aux bases de calcul du crédit d’impôt de l’année au cours de laquelle elles sont remboursées à l’organisme qui les a versées.
Pour le calcul du crédit d’impôt, le montant des dépenses exposées par les entreprises auprès de tiers au titre de prestations de conseil pour l’octroi du bénéfice du crédit d’impôt est déduit des bases de calcul de ce dernier à concurrence :
1° Du montant des sommes rémunérant ces prestations fixé en proportion du montant du crédit d’impôt pouvant bénéficier à l’entreprise ;
2° Du montant des dépenses ainsi exposées, autres que celles mentionnées au a, qui excède le plus élevé des deux montants suivants : soit la somme de 15 000 € hors taxes, soit 5 % du total des dépenses hors taxes mentionnées au II minoré des subventions publiques mentionnées au III.
IV. – Le crédit d’impôt défini au présent article est imputé sur l’impôt sur les bénéfices dû selon des modalités identiques à celles définies aux articles 199 ter B et 223 A et suivants du code général des impôts en matière de crédit d’impôt recherche.
V. – Le présent article entre en vigueur à une date fixée par décret qui ne peut être postérieure de plus de trois mois à la date de réception par le Gouvernement de la réponse de la Commission européenne permettant de considérer ce dispositif législatif comme conforme au droit de l’Union européenne en matière d’aides d’État.
VI. – Un bilan régulier sur ce crédit d’impôt est tiré tous les cinq ans à compter de l’entrée en vigueur de cet article, pour adapter au mieux ledit crédit d’impôt à l’évolution des surcoûts effectifs de biocarburants et des mandats d’incorporation français et européen.
VII. – Le I ne s’applique qu’aux sommes venant en déduction de l’impôt dû.
VIII. – La perte de recettes résultant pour l’État du paragraphe précédent est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.
Objet
Le présent amendement vise à inciter les compagnies aériennes à accélérer l’incorporation de biocarburants durables d’aviation (SAF) tout en favorisant l’émergence d’une filière industrielle française et européenne afin d’être à la hauteur des objectifs fixés par les mandats d’incorporation nationaux et européens.
En effet, les objectifs de décarbonation du transport aérien d’ici 2050 sont désormais clairs et partagés par les régulateurs et parties prenantes du secteur. La feuille de route Destination 2050 présentée par tous les acteurs de l’aviation civile européenne en février 2021 dresse une trajectoire en phase avec les objectifs du paquet Fit for 55 de textes législatifs proposés par la Commission européenne le 14 juillet 2021. Un cadre réglementaire national et européen contraignant est établi à travers un mandat d’incorporation progressif de ces SAF.
Elle s’appuie sur deux leviers principaux d’ici 2050 : le renouvellement des flottes d’aéronefs et l’incorporation de biocarburants durables d’aviation (SAF).
En particulier pour le moyen et long courrier —qui sont cruciaux pour préserver le modèle de hub et ses externalités positives en matière économique, sociale et géopolitique—, l’incorporation de SAF sera la clé de la décarbonation de l’aviation civile. Les gains d’émissions de CO2 sont déjà de 70 à 80 % pour les technologies existantes, et atteindront jusqu’à 120 % pour les fuels synthétiques en développement, intégrant une captation carbone.
Néanmoins, l’important surcoût que représente l’achat de SAF par rapport au kérosène (entre 3 et 10 fois) pourrait contraindre les compagnies aériennes françaises et européennes à favoriser un approvisionnement à l’étranger et ainsi freiner le développement d’une filière locale —créatrice de valeur du monde agricole à l’industrie aéronautique.
Il est important de rappeler que le secteur aérien est un vecteur de souveraineté et de connectivité pour la France qui s’est engagé dans une transition écologique d’ampleur qui doit être soutenue. Le secteur aérien représente un actif de souveraineté et d’attractivité, en permettant à la France et à l’Europe d’être connectées au reste du monde. Il accroît l’attractivité de la France pour les entreprises étrangères souhaitant s’y développer, tout en reliant les entreprises françaises à l’économie mondiale. Par ailleurs, la crise du Covid a rappelé son rôle essentiel.
Le soutien industriel au développement d’une filière industrielle de carburants aéronautiques durables compétitive française ou européenne ne peut se faire sans un soutien financier et une incitation forte de la part de la puissance publique. La grande majorité du secteur aérien s’accorde sur la nécessité de développer une filière puissante et dynamique de production de carburants durables afin de garantir la compétitivité et la souveraineté de la France en matière énergétique, alors que les récentes crises ont montré la fragilité de la filière énergie.
L’incorporation des SAF représentera près de 50 % de l’effort de décarbonation du secteur aérien d’ici à 2050. Ainsi, il faut, en France et en Europe, encourager la création de cette filière et permettre l’accélération du développement des différentes technologies de production des SAF (dont les carburants synthétiques). En plus d’œuvrer à la décarbonation du secteur aérien, cette filière générera des emplois et renforcera l’indépendance énergétique de la France.
Cet amendement propose ainsi d’introduire un mécanisme de crédit d’impôt, sur le modèle du crédit d’impôt recherche, pour atténuer le surcoût que représente l’achat de SAF par rapport au kérosène, et ainsi viabiliser une filière industrielle innovante d’approvisionnement en SAF. Il fixe à 30 % le taux du crédit d’impôt sur le surcoût entre l’achat effectif de biocarburants et l’achat théorique de kérosène.
Ce mécanisme est destiné à être transitoire pour accompagner le démarrage de la filière. Il est donc destiné à être revu sur une base régulière de cinq ans en fonction de l’évolution effective de ce surcoût et des modifications apportées aux mandats d’incorporation français et européen.
L’entrée en vigueur du dispositif est subordonnée à la validation de celui-ci par la Commission européenne au regard du régime des aides d’État.