Direction de la séance |
Proposition de loi constitutionnelle Pour le plein exercice des libertés locales (PPLC) (1ère lecture) (n° 49 , 48 , 37) |
N° 25 19 octobre 2020 |
AMENDEMENTprésenté par |
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M. THÉOPHILE ARTICLE ADDITIONNEL APRÈS ARTICLE 6 |
Après l’article 6
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
La Constitution est ainsi modifiée :
1° À la première phrase du premier alinéa de l’article 72, les mots : « les collectivités d’outre-mer régies par l’article 74 » sont remplacés par les mots : « les pays d’Outre-mer » ;
2° Après le deuxième alinéa de l’article 72-3, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Chacune des collectivités régies par l’article 73 accède au statut de pays d’Outre-mer prévu aux articles 72-5 et 72-6 à compter de l’entrée en vigueur de la loi organique fixant son nouveau statut particulier, adoptée dans les conditions prévues au I de l’article 72-5 après le recueil du consentement des électeurs sur les éléments essentiels de ce statut. Les collectivités d’Outre-mer régies par l’article 74 accèdent de plein droit au statut pays d’Outre-mer. L’adoption des modifications de leur précédent statut destinées à le rendre conforme aux articles 72-5 et 72-6 est subordonnée au consentement de leur assemblée délibérante. Les articles 73 et 74 sont respectivement abrogés, pour chaque collectivité, à compter de l’entrée en vigueur des dispositions du présent article. » ;
3° L’article 72-4 est ainsi rédigé :
« Art. 72-4. – Le Président de la République, sur proposition du Gouvernement pendant la durée des sessions ou sur proposition de l’Assemblée nationale, du Sénat ou de l’assemblée délibérante ou d’une fraction du corps électoral intéressé, peut décider de consulter les électeurs d’une collectivité territoriale située Outre-mer sur toute question l’intéressant et relevant de la compétence des pouvoirs publics constitutionnels.
« Les modalités d’application du présent article sont déterminées par une loi organique. » ;
4° Après le même article 72-4, sont insérés deux articles 72-5 et 72-6 ainsi rédigés :
« Art. 72-5. – I. – Chacun des pays d’Outre-mer dispose d’un statut particulier qui tient compte de ses intérêts propres au sein de la République. Ce statut lui permet de s’administrer ou de se gouverner et de gérer démocratiquement ses propres affaires et d’exercer un pouvoir normatif autonome dans le domaine de la loi ou du décret. Les lois et règlements doivent, le cas échéant, être adaptés à l’organisation particulière de chaque pays d’Outre-mer et aux contraintes et caractéristiques de leur territoire.
« L’adoption et la modification des éléments essentiels du statut d’un pays d’Outre-mer, tels que définis par la loi organique et qui concernent notamment l’exercice des compétences particulières du pays d’Outre-mer ou son régime législatif, sont subordonnées au recueil préalable du consentement des électeurs intéressés. Toute autre modification peut leur être soumise pour approbation dans les conditions de forme et de procédure prévues à l’article 72-4.
« Aucune compétence particulière d’un pays d’Outre-mer ne peut lui être retirée sans le consentement de son assemblée délibérante ou, le cas échéant, de ses électeurs.
« Les modalités d’application des deux premiers alinéas du présent I sont fixées par une loi organique.
« II. – Le statut de chaque pays d’Outre-mer est défini par une loi organique, adoptée après avis de l’assemblée délibérante, qui fixe :
« 1° Les conditions dans lesquelles les dispositions législatives et règlementaires intervenant dans le domaine de compétence de l’État y sont applicables, et celles dans lesquelles elles y sont étendues ou adaptées, ou y font l’objet de dispositions particulières, le cas échéant, avec l’accord des institutions du pays, ainsi que les conditions dans lesquelles les engagements internationaux de la France sont applicables dans chaque pays d’Outre-mer ;
« 2° La répartition des compétences respectives de l’État et du pays d’Outre-mer, conformément à l’article 72-6, et les modalités d’exercice des compétences du pays ; le statut peut prévoir la possibilité pour un pays d’Outre-mer de se voir ultérieurement attribuer de plein droit, à sa demande et à la date fixée par ses institutions, l’exercice de certaines compétences ;
« 3° Les conditions dans lesquelles les institutions du pays d’Outre-mer sont consultées, avant leur adoption, sur les dispositions législatives et règlementaires prévues par les autorités compétentes de l’État et comportant des dispositions particulières au pays ;
« 4° Les conditions dans lesquelles certains actes des institutions du pays d’Outre-mer sont adoptés, approuvés ou ratifiés par les assemblées parlementaires ou leurs commissions ou par le Gouvernement, le cas échéant, sous la forme d’une décision tacite née au terme d’un délai déterminé, ou font l’objet d’un avis conforme du Conseil d’État ;
« 5° Les règles et principes généraux gouvernant la composition, l’organisation et le fonctionnement des institutions du pays d’Outre-mer, ainsi que les modalités de mise en œuvre du droit de pétition et du référendum local ;
« 6° Les modalités de l’exercice du contrôle juridictionnel spécifique par le Conseil d’État des actes de son assemblée délibérante intervenant dans le domaine de la loi ; ces actes peuvent s’appliquer aux contrats en cours et, le cas échéant, sauf en matière répressive et pour des motifs impérieux d’intérêt général ou en cas de circonstances exceptionnelles, régler les conséquences juridiques pour l’avenir de faits situés dans le passé ;
« 7° Les conditions dans lesquelles le Conseil constitutionnel peut notamment se prononcer, par voie d’action ou par voie d’exception, sur la conformité des lois aux dispositions du présent article, des articles 72-3 et 72-6 et à celles du statut de chaque pays ;
« 8° Les conditions dans lesquelles les institutions du pays d’Outre-mer peuvent saisir pour avis le Conseil d’État d’une question relative à l’interprétation de leur statut ou à l’applicabilité d’un texte législatif ou réglementaire sur leur territoire ;
« 9° Les conditions dans lesquelles les institutions du pays d’Outre-mer peuvent modifier les dispositions législatives lorsqu’elles sont intervenues dans leur domaine de compétence ;
« 10° Les conditions et limites dans lesquelles les actes de l’assemblée délibérante intervenant dans le domaine de la loi peuvent être soumis à référendum, y compris à l’initiative d’une fraction du corps électoral.
« III. – Les autres modalités de l’organisation particulière de chacun des pays d’Outre-mer sont fixées par la loi.
« IV. – Chaque pays d’Outre-mer est représenté au Sénat.
« Art. 72-6. – I. – Dans chacun des pays d’Outre-mer, les compétences de l’État comprennent notamment, sans préjudice de celles antérieurement exercées dans le cadre du statut précédemment en vigueur, la nationalité, les droits civiques, les garanties des droits fondamentaux et des libertés publiques, l’état et la capacité des personnes, l’organisation et le contrôle de la justice, le droit pénal général, la procédure pénale, la politique étrangère, la défense, la sécurité et l’ordre publics, la monnaie, le crédit et les changes, ainsi que le droit électoral. Cette énumération peut être précisée et complétée par des lois organiques.
« Les autorités des pays d’Outre-mer peuvent toutefois, dans les conditions et limites fixées par leur statut et par exception aux dispositions de l’alinéa précédent, adopter des mesures relatives à la recherche, à la constatation et à la répression des infractions aux règles qu’elles édictent, dans le respect de conditions essentielles d’exercice d’une liberté publique et des droits constitutionnellement garantis.
« Les pays d’Outre-mer peuvent participer à l’exercice de certaines des compétences mentionnées au premier alinéa sous le contrôle des autorités de l’État.
« L’État et un pays d’Outre-mer peuvent en outre exercer en commun certaines compétences.
« II. – Les institutions d’un pays d’Outre-mer peuvent être consultées, informées ou associées, selon le cas, aux décisions de politique étrangère concernant leur territoire. Un pays d’Outre-mer peut être membre d’une organisation internationale, disposer d’une représentation auprès d’États ou d’organisations internationales, négocier des accords avec ceux-ci, dans son domaine de compétence et, sans préjudice de l’accord des autorités compétentes de la République, conclure ces accords.
« Les institutions d’un pays d’Outre-mer peuvent, selon le cas, être informées, consultées ou associées quant à la négociation des engagements internationaux de la France destinés à s’appliquer sur leur territoire, et être appelées à approuver l’entrée en vigueur de ceux d’entre eux qui interviennent dans le domaine de ses compétences.
« La procédure de modification du statut d’un pays d’Outre-mer au sein de l’Union européenne, dans les conditions prévues par les traités mentionnés à l’article 88-1, ne peut être engagée par la France sans leur consentement préalable.
« Les institutions des pays d’Outre-mer sont associées par le Gouvernement à l’élaboration des projets d’actes mentionnés à l’article 88-4, ainsi qu’à la définition de la position de la France s’agissant des mandats de négociation des accords à conclure par l’Union européenne avec les États tiers, lorsque ces actes ou ces accords sont susceptibles de les affecter directement.
« III. – Les institutions d’un pays d’Outre-mer peuvent adopter des règles relevant de la loi ou du décret, ou décider d’étendre ou d’adapter localement les lois et décrets applicables en métropole, ou être appelées à approuver cette extension ou cette adaptation.
« Lorsque cette participation d’un pays d’Outre-mer aux compétences que l’État conserve, prévue au troisième alinéa du I, s’exerce dans le domaine de la loi, ses actes peuvent entrer en vigueur dès leur approbation selon l’une des procédures prévues au II de l’article 72-5.
« IV. – Chaque pays d’Outre-mer peut prendre des mesures justifiées par les nécessités locales en faveur de sa population de nationalité française et des citoyens de l’Union européenne, en tenant compte de la durée suffisante de résidence ou des liens personnels ou familiaux, en matière d’accès à l’emploi, de droit d’établissement pour l’exercice d’une activité professionnelle ou de protection du patrimoine foncier.
« V. – Les pays d’Outre-mer peuvent, si leur statut le prévoit, exercer par analogie les compétences dévolues aux catégories de collectivités territoriales mentionnées à l’article 72. Dans ce cas, les modalités d’exercice de ces compétences sont déterminées par la loi.
« Les deuxième et troisième alinéas du I de l’article 72-5 ne sont pas applicables aux compétences attribuées à un pays d’Outre-mer en application du premier alinéa du présent V. »
Objet
Cet amendement crée une alternative en ce qui concerne les dispositions outre-mer dans l’hypothèse de la suppression de l’article 6 de la présente proposition de loi constitutionnelle. Il propose également une base pour les travaux d’un groupe de travail.
Ces dispositions proposent en outre de mettre en œuvre les préconisations du rapport de la Délégation sénatoriale aux outre-mer, "Différenciation territoriale : quel cadre pour le sur-mesure ?", formulées à l’issue de l’audition des exécutifs et présidents d’assemblées territoriales de l’ensemble des territoires ultramarins, à l’exception de Mayotte.
Le rapporteur et président de la délégation, M. Michel Magras, préconise notamment l’élaboration d’un cadre constitutionnel permettant la définition de statuts répondant aux aspirations de chaque territoire et en vue d’étendre, Outre-mer, la capacité d’adaptation normative des statuts de chacune des collectivités.
Les recommandations formulées afin de renforcer les garanties constitutionnelles portant sur le respect des décisions et avis des assemblées délibérantes et des électeurs trouvent également une traduction dans cet amendement.
Il vous est également proposé de renforcer les garanties constitutionnelles pour permettre l’exercice d’un pouvoir normatif efficace.
Ainsi, les nouveaux articles 72-5 et 72-6 instituent des « pays d’Outre-mer », nouvelle catégorie de collectivités territoriales appelée à se substituer aux collectivités d’Outre-mer régies par l’article 74 ainsi qu’aux actuels départements et régions d’Outre-mer (ou aux collectivités résultant de leur fusion) de l’article 73.
Chaque pays d’Outre-mer serait doté d’un statut particulier, fixé par une loi organique, dont les éléments essentiels - au premier rang desquels ceux qui relèvent du transfert de compétence dans le domaine législatif - ne pourront être modifiés sans l’accord des électeurs intéressés, voire de l’assemblée délibérante concernée.
Les articles 73 et 74, provisoirement maintenus dans la Constitution, seraient abrogés, à l’égard de chaque territoire concerné, à l’occasion de l’entrée en vigueur de la loi organique fixant son nouveau statut. Pour les actuels D-ROM, l’accession au nouveau statut serait subordonnée au recueil préalable du consentement des électeurs sur les éléments essentiels du nouveau statut. Pour les actuelles COM, il serait inutile, en revanche, d’organiser une consultation des électeurs sur un statut déjà en vigueur : c’est pourquoi les simples compléments à leur loi organique statutaire en vigueur nécessaire à leur lise en conformité avec les articles 72-5 et 72-6 nouveaux suffiraient, sous réserve de leur approbation par l’assemblée délibérante intéressée.
Dans ce cadre, le statut de chaque pays d’Outre-mer pourrait tout aussi prévoir une très large autonomie qu’un régime de très large identité avec le droit commun national : le « curseur » de l’autonomie normative et de la différentiation institutionnelle pourrait varier d’un pays d’Outre-mer à l’autre, et nul ne serait obligé de suivre une voie statutaire qu’il ne souhaiterait pas emprunter. À cette fin, il est notamment prévu que les assemblées délibérantes et même une fraction du corps électoral puissent, dans certaines hypothèses que la loi organique déterminerait, demander l’organisation d’une votation populaire.
Pour la mise en œuvre de ces principes, il vous est proposé une réécriture des dispositions de la Constitution relatives aux outre-mer selon l’architecture suivante.
- Un nouvel article 72-5 comportant les éléments propres à ce statut. Il innove sur plusieurs points, tels l’impossibilité de retirer à un pays d’Outre-mer, sans son accord, ses compétences particulières, ou encore en renforçant l’efficacité des procédures d’approbation de certains actes, ou en renforçant la démocratie locale.
- Un nouvel article 72-6 décrivant les compétences des pays d’Outre-mer, en reprenant pour l’essentiel les compétences « régaliennes » dont l’État ne peut se dessaisir – sous réserve du cas du droit pénal spécial. Les possibilités d’association des pays d’Outre-mer aux décisions les concernant en matière internationale et européennes sont renforcées.
- Les dispositions des articles 72, 72-3 et 72-4 sont modifiées pour tenir compte de la création des pays d’Outre-mer ; en particulier, l’article 72-4 accroit la possibilité de procéder à la consultation des populations d’Outre-mer en étendant, tant le domaine des sujets susceptibles d’en faire l’objet, que les titulaires du droit de demander au Chef de l’État d’y procéder.