Direction de la séance |
Projet de loi de finances rectificative pour 2020 (1ère lecture) (n° 122 , 124 ) |
N° 6 rect. 13 novembre 2020 |
AMENDEMENTprésenté par |
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MM. JACQUIN, FÉRAUD, KANNER et RAYNAL, Mme BRIQUET, MM. COZIC et ÉBLÉ, Mme ESPAGNAC, MM. JEANSANNETAS, Patrice JOLY, LUREL et Joël BIGOT, Mmes BONNEFOY et HARRIBEY, MM. MARIE, MÉRILLOU et MONTAUGÉ, Mme Sylvie ROBERT, MM. TEMAL, TISSOT et ANTISTE, Mme MONIER et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain ARTICLE ADDITIONNEL APRÈS ARTICLE 1ER |
Après l’article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après la section 0I du chapitre III du titre premier de la première partie du livre premier du code général des impôts, est insérée une section ainsi rédigée :
« Section …
« Contribution exceptionnelle du secteur des assurances en cas d’état d’urgence sanitaire
« Art. …. – I. – Les entreprises d’assurance non-vie opérant en France sont assujetties à une contribution exceptionnelle au titre de tout exercice au cours duquel un état d’urgence sanitaire a reçu application sur tout ou partie du territoire de la République lorsque, sur cet exercice, leur résultat d’exploitation a augmenté par rapport à la moyenne des trois derniers exercices clos. Le taux de cette contribution est fixé à 80 % du montant de cette augmentation.
« II. – La contribution est recouvrée comme l’impôt sur les sociétés et sous les mêmes garanties et sanctions.
« L’entreprise adresse à l’administration fiscale une déclaration, accompagnée des pièces justificatives, sur le calcul du montant de la contribution dont elle est redevable. Cette contribution est payée spontanément au comptable public compétent dans le même délai.
« III. – Le cas échéant, l’entreprise d’assurance qui ne procède pas au paiement de la contribution dans le délai prévu au II du présent article encourt la suspension pour une durée d’un an au plus de l’agrément administratif prévu aux articles L. 321-1 ou L. 321-7 du code des assurances. »
Objet
La crise économique et sociale provoquée par la pandémie de Covid 19 est d’une ampleur telle que notre pays, et plus largement la planète, n’en a pas connu depuis un siècle.
Le gouvernement est intervenu massivement en soutien à de nombreux secteurs économiques victimes de l’arrêt de toute activité du fait de la politique de confinement généralisé de la population et de la déclaration de l’état d’urgence sanitaire. Il a également déployé une vaste politique de chômage partiel, concernant jusque 12,5 millions de salariés du secteur privé à la fin du mois d’avril, permettant d’éviter de répéter une partie des erreurs commises lors de la réponse à la crise financière de 2008. Pour la seconde fois en moins de 15 ans, les plus libéraux ont pu redécouvrir la nécessité de la puissance publique et de l’État interventionniste.
Bien sûr ces actions volontaristes ont un coût et la conséquence immédiate du sauvetage d’une partie de l’économie est une augmentation sans précédent des déficits et de la dette publique. Alors que le gouvernement a fait le choix de l’endettement à court terme, il revient aujourd’hui à l’ensemble de la représentation nationale de trouver les moyens les plus adaptés de savoir qui devra être mis à contribution pour rembourser cette dette et donc de définir qui va payer la crise sur le long terme.
Les circonstances offrent toujours au marché de se satisfaire : ainsi la terrible pandémie est profitable à certains secteurs : commerce numérique, la communication numérique, certains secteurs de la santé ou encore les pompes funèbres. Ainsi pendant les guerres, le commerce des armes est prospère : que le législateur qui intervient dans le même temps pour secourir les secteurs sinistrés, plutôt que d’implorer des contributions volontaires de ces secteurs profitables, les mettent à contribution relève de la justice la plus évidente.
Le présent amendement, reprenant une proposition de loi déposée récemment par le groupe socialiste et républicain du Sénat, vise à créer une juste contribution, exceptionnelle, sur les assurances afin qu’elles concourent à la solidarité nationale dans la réponse globale à la pandémie.
La baisse de l’accidentologie et de la sinistralité du fait de la crise est telle qu’il apparaît tout à fait opportun de demander cet effort exceptionnel.
Lors du premier confinement et pour la seule assurance auto, le cabinet Addactis estimait à la fin du mois d’avril 2020 que les compagnies d’assurances allaient économiser près d’1,5 milliard d’euros. Ces estimations ont même été revues à la hausse dans une nouvelle étude du 7 mai : la baisse de la sinistralité automobile pourrait atteindre jusqu’à 80% pendant la période de confinement. Mi-septembre, un rapport du gouvernement au Parlement est venu étayer ces données en chiffrant, sur la base des retours volontaires des compagnies d’assurances, à -38% l’évolution des sinistres payés entre avril-mai 2019 et avril-mai 2020 en ce qui concerne les prestations liées à l’automobile, et à -25% au global. A noter que seules les lignes « catastrophes naturelles » et « pertes pécuniaires diverses » étaient en augmentation.
C’est ainsi que, loin de demander l’aumône, le dispositif présenté propose que, à la fin de l’état d’urgence sanitaire, chaque entreprise d’assurance (hors assurance vie) soit mise à contribution à hauteur de 80% de l’augmentation des résultats d’exploitation réalisés par rapport à la moyenne de ces mêmes résultats des trois années précédentes. Il prévoit bien sûr les modalités de versements, de contrôles et de sanctions.
Parce que les auteurs de cet amendement ont pleinement conscience de la possibilité qu’advienne une nouvelle crise sanitaire, ils proposent délibérément un dispositif pérenne, qui ne se limite pas au seul état d’urgence déclaré à la suite de l’épidémie de Covid19. Ainsi, chaque déclaration d’un nouvel état d’urgence sanitaire – en application de l’actuel chapitre Ier bis du titre III du livre Ier de la troisième partie du code de la santé publique ou, puisque ce chapitre est à ce jour appelé à devenir caduque le 1er avril 2021, en application des dispositions qui l’auront relayé – déclenchera le mécanisme de cette contribution exceptionnelle.
En basant son dispositif sur les « sur-bénéfices » engrangés du fait de la crise, les auteurs de la proposition de loi saluent directement les actions menées par plusieurs entreprises d’assurance dont les efforts vendront mécaniquement en réduction de cette assiette : baisses de cotisations, crédits aux assurés, contributions au fonds de solidarité… bien que ces dernières aient été fortement enjointes par le gouvernement.
Cette base fiscale, parce qu’elle est calculée sur une durée qui excède l’application de l’état d’urgence (tout exercice au cours duquel s’appliquera un état d’urgence étant pris en compte dans son intégralité) permet également de tenir compte des « effets rebonds » que connaîtront nécessairement certains secteurs, à commencer par celui de la santé. En effet, les consultations médicales, et par voie de conséquence les prestations, ont été très fortement réduites lors du confinement. Or il s’agit dans de nombreux cas d’actes différés.
Les auteurs du présent amendement préconisent, mais il appartiendra aux pouvoirs publics de le décider le moment venu, que l’utilisation des recettes soit pour moitié affectée à des opérations de sauvegardes des entreprises sur le principe du fonds de solidarité créé le 25 mars 2020, et pour moitié au financement de politiques de solidarité envers les plus fragiles et au financement d’associations qui font œuvre sociale dont les services sont particulièrement demandés dans cette période. Elles doivent pouvoir compter sur l’engagement sans faille de l’État et des collectivités à leurs côtés.
La réponse à la crise sanitaire, économique et sociale ne pourra passer que par plus de solidarité. Cet amendement apporte ainsi une partie de la réponse aux problèmes de financement de cette nécessaire solidarité. Son caractère temporaire et circonstancié fait preuve du pragmatisme qui est demandé à l’ensemble des décideurs dans la période troublée que nous vivons. L’installation de cette triple crise dans la durée, qui met en fragilité et même en danger nombre d’entreprises et de salariés, cumulée au prolongement de l’état d’urgence sanitaire en 2021, comme l’a définitivement adopté par le Parlement le 7 novembre dernier, obligent à rechercher des ressources nouvelles facilement mobilisables.