Direction de la séance |
Projet de loi de finances rectificative pour 2020 (1ère lecture) (n° 624 , 634 ) |
N° 737 rect. 16 juillet 2020 |
AMENDEMENTprésenté par |
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MM. DUPLOMB, MENONVILLE et BUIS et Mme PRIMAS Article 9 (État B (Article 9 du projet de loi)) |
Mission Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales
I. – Créer le programme :
Aide d’urgence aux filières agricoles en difficulté à la suite du confinement dû à l’épidémie de covid-19
II. En conséquence, modifier ainsi les ouvertures de crédits des programmes :
(en euros)
Programmes | Autorisations d’engagement | Crédits de paiement | ||
| + (majorer l’ouverture de) | - (minorer l’ouverture de) | + (majorer l’ouverture de) | - (minorer l’ouverture de) |
Compétitivité et durabilité de l’agriculture, de l’agroalimentaire, de la forêt, de la pêche et de l’aquaculture |
| 150 000 000 |
| 150 000 000 |
Sécurité et qualité sanitaires de l’alimentation dont titre 2 |
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Conduite et pilotage des politiques de l’agriculture dont titre 2 |
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Aide d’urgence aux filières agricoles en difficulté à la suite du confinement dû à l’épidémie de covid-19 | 150 000 000 |
| 150 000 000 |
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TOTAL | 150 000 000 | 150 000 000 | 150 000 000 | 150 000 000 |
SOLDE | 0 | 0 |
Objet
L’amendement entend créer un programme intitulé « Aides d’urgence aux filières agricoles en difficulté à la suite du confinement dû à l’épidémie de Covid-19 », alimenté à hauteur de 150 millions d’euros afin de compenser les pertes de production des agriculteurs durant le confinement.
Les produits agricoles et les denrées alimentaires étant périssables, l’arrêt de l’activité économique a conduit les producteurs, faute de débouchés, à détruire une part significative de leur production, souvent saisonnière, à la stocker, au détriment de la valorisation des produits, ou à allonger la durée de la production, ce qui induira des coûts supplémentaires et impactera les autres productions sur le reste de l’année.
Le rapport de la cellule « Agriculture et alimentation » de la commission des affaires économiques détaille précisément les mécanismes ayant impacté durant la crise certaines filières comme l’horticulture, les petites filières volailles, les fromages AOP, IGP et fermiers, les pommes de terre de transformation, la viticulture ou les filières brassicoles et cidricoles.
À défaut de soutien aux filières ayant été exposées au phénomène de pertes de production, ce sont des milliers de producteurs qui sont menacés d'arrêter leur activité et des savoir-faire qui pourraient ne plus se retrouver dans nos campagnes. Abandonner ces filières serait une erreur majeure.
Est-il compréhensible de laisser de nombreux producteurs horticoles cesser leur activité faute de revenus suffisants pour couvrir leurs charges à l'heure où le végétal est appelé à revenir au coeur de nos modes de vie ? À l'heure où l'Europe s'engage dans son Pacte Vert, il serait paradoxal de laisser les professionnels du végétal sans solution.
De même, alors que les performances de la France à l'export se tassent dans le domaine alimentaire, doit-on sacrifier nos secteurs excédentaires comme la viticulture ou les pommes de terre de transformation ?
Enfin, certaines filières incarnent des savoir-faire ancestraux et produisent des denrées qui sont enviées dans le monde entier. Ces produits, le plus souvent à la source de la gastronomie française, pourraient, faute de soutien, ne plus être élevés ou cultivés en France. Cette perte serait irrémédiable.
Pour venir en aides aux producteurs exposés à des pertes de rentabilité massives, seules des subventions directes, comme cela est déjà pratiqué dans le monde, sont envisageables.
Des plans de relance agricoles massifs ont été annoncés partout dans le monde. Les chiffres parlent d’eux-mêmes : 45 milliards de dollars pour l’agriculture américaine, 5 milliards d’euros pour l’agriculture nippone, 650 millions d’euros pour l’agriculture néerlandaise, sans doute plus de 1 milliard d’euros pour les agriculteurs italiens et polonais. Et ces plans viennent s’ajouter aux effets des mesures générales auxquelles les agriculteurs sont éligibles. En France, aucun plan spécifique n’a été annoncé à ce stade.
À défaut d’un plan agricole français, une concurrence déloyale au détriment de nos producteurs s'exercerait. Si leurs voisins, confrontés aux mêmes difficultés, ont bénéficié d'aides, pourquoi les producteurs français en seraient exclus ?
Quelques aides sectorielles ont été annoncées mais non inscrites dans le budget par l’ancien ministre chargé de l’agriculture : 25 millions pour l’horticulture (ce qui ne compense pas même la moitié des pertes de production déclarées), 10 millions d’euros pour les pommes de terre (alors que la mise en place d’un mécanisme similaire à celui déjà mis en place pour les producteurs belges ou néerlandais exige au moins 35 millions d’euros) et 160 millions d’euros pour la viticulture. Les petites filières volailles sont pour l’heure les grandes oubliées, de même que les aides à la perte de valorisation des produits stockés pour la viande caprine ou les fromages sous signes de qualité ou fermiers.
C’est loin des montants nécessaires et détaillés dans le rapport de la cellule de veille du Sénat. L’amendement propose d’aller plus loin en mobilisant 150 millions d’euros supplémentaires pour venir en aide, en complément des annonces précédentes, aux filières horticoles (25 millions d’euros), pommes de terre (25 millions d’euros), fromages (5 millions d’euros) et volailles et foie gras (95 millions d’euros).
Un mécanisme simple et similaire à celui mis en place aux Pays-Bas pourrait être envisagé. Ainsi, si la perte de chiffre d'affaires est supérieure de 30 % sur la période en comparaison à la moyenne de l'année précédente (ou un triennal), l'agriculteur dans une filière en difficulté pourrait obtenir une compensation financière à hauteur de 50 % de la perte, déduction faite des autres aides reçues. Pour d'autres filières, des mécanismes de soutien au stockage privé, des aides à la destruction de la production ou des aides incitant à valoriser de nouveaux débouchés sont à envisager. L’enveloppe proposée permettrait de financer et de tracer de tels financements.
Ces ouvertures sont financées par une réduction de 150 millions d’euros en AE et CP de l’action n° 27 intitulée « Moyens de mise en œuvre des politiques publiques et gestion des interventions » du programme 149 « Compétitivité et durabilité de l’agriculture, de l’agroalimentaire, de la forêt, de la pêche et de l’aquaculture », ce qui revient à flécher, dans le nouveau programme créé par le présent amendement, une partie de l’enveloppe destinée à financer les dépenses imprévisibles en cas de crise, figurant au programme 149. Toutefois, les signataires de l’amendement appellent le Gouvernement à lever le gage pour ne pas faire financer la relance agricole in fine par... les agriculteurs.