Direction de la séance |
Projet de loi Collectivité européenne d'Alsace (1ère lecture) (PROCÉDURE ACCÉLÉRÉE) (n° 413 , 412 ) |
N° 2 27 mars 2019 |
Renvoi en commissionMotion présentée par |
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M. GROSDIDIER TENDANT AU RENVOI EN COMMISSION |
En l’application de l’article 44, alinéa 5, du Règlement, le Sénat décide qu’il y a lieu de renvoyer à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d’administration générale, le projet de loi relatif aux compétences de la Collectivité européenne d’Alsace (n° 413, 2018-2019).
Objet
Le projet relatif aux compétences au futur « Département d’Alsace » issue de la fusion des départements du Bas-Rhin et du Haut-Rhin, pose en l’état des problèmes liés à son opportunité et à sa comptabilité avec la Constitution.
Le projet de loi entend confier à cette collectivité anciennement nommée « Collectivité européenne d’Alsace » des compétences supplémentaires à celles du droit commun des autres départements métropolitains.
Le Gouvernement confierait à ce futur département unifié les compétences suivantes : coopération transfrontalière et enseignement des langues et cultures régionales (article 1) pour lesquels il sera chef de file, tourisme (article 2), gestion des routes et autoroutes non concédées (article 3).
Ce projet de loi crée un statut spécifique pour un territoire en particulier alors même qu’aucune donnée objective ne le justifie. Si l’Alsace a une identité culturelle reconnue et appréciée, cet argument ne permet pas à lui seul d’instaurer pour elle un statut sur mesure destiné à régler un problème politique né d’abord du refus des alsaciens se fusionner leurs départements avec l’ancienne région Alsace lors du référendum local de 2013, puis de la disparition de cette région Alsace par suite de la création de la région Grand-Est en 2016.
La fusion des deux départements n’est pas en cause. Elle résulte de la volonté des deux assemblées délibérantes des collectivités, prévue à l’article L3114-1 du Code général des collectivités territoriales, le 4 février 2019, validée par un décret du 28 février. Elle est compréhensible pour que l’Alsace puisse retrouver une unité en tant que collectivité territoriale, ce qu’elle n’a plus depuis trois ans.
Le problème est bel et bien lié aux compétences confiées à cette nouvelle collectivité et par conséquent à l’injustice qui est faite aux autres départements de la région Grand-Est et plus généralement à tous les départements métropolitains.
La Moselle, département frontalier de l’Allemagne et du Luxembourg, département partageant avec le Bas-Rhin et le Haut-Rhin le droit local et le Concordat, est dans une situation similaire à l’Alsace et devrait pouvoir jouir des mêmes prérogatives que cette future Collectivité européenne. Ce n’est pas le cas dans ce projet de loi. Les départements du Nord, des Alpes-Maritimes, de la Meurthe-et-Moselle, du Doubs, des Pyrénées-Orientales, ou des Pyrénées-Atlantiques, ou encore leurs régions respectives sont également frontaliers et devraient aussi pouvoir bénéficier des compétences accordées à l’Alsace. Ce n’est pas le cas. Les départements bretons, savoyards, ou vendéen, ayant une identité culturelle au moins aussi affirmée que l’Alsace, devraient aussi pouvoir bénéficier des compétences accordées à l’Alsace. Ce n’est pas le cas.
Peut-on sérieusement multiplier les statuts sur mesure pour toutes les collectivités ? Après la Corse, la Métropole de Lyon, Paris, la Métropole du Grand Paris, la future Métropole Aix-Marseille, et maintenant l’Alsace, à peu près tous les territoires sont fondés et légitimes à revendiquer des droits particuliers. Ce n’est pas compatible avec l’égalité des citoyens devant la loi et avec les principes républicains.
La France doit, au lieu de multiplier les statuts spécifiques par la loi, permettre une plus grande liberté d’organisation aux collectivités territoriales de la République, notamment par des transferts de compétences non régaliennes de l’Etat. Plutôt que de créer des injustices et des frustrations par des statuts particuliers, engageons un nouvel Acte de Décentralisation.
C’est pourquoi le Sénat doit renvoyer ce texte à la Commission des Lois.