Direction de la séance |
Projet de loi Projet de loi de finances pour 2019 (1ère lecture) SECONDE PARTIE MISSION DIRECTION DE L'ACTION DU GOUVERNEMENT (n° 146 , 147 , 149, 150, 153) |
N° II-507 30 novembre 2018 |
AMENDEMENTprésenté par |
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Mme TETUANUI et les membres du groupe Union Centriste ARTICLE ADDITIONNEL APRÈS L'ARTICLE 74 SEPTIES |
A – Après l’article 74 septies
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – La loi n° 2010-2 du 5 janvier 2010 relative à la reconnaissance et à l’indemnisation des victimes des essais nucléaires français est ainsi modifiée :
1° L’article 1er est ainsi modifié :
a) Au début du premier alinéa, est ajoutée la mention : « I. – » ;
b) Au début du second alinéa, est ajoutée la mention : « II. – » ;
c) Le même second alinéa est complété par deux phrases ainsi rédigées : « Si elle est décédée avant la promulgation de la loi n° du de finances pour 2019, la demande doit être présentée par l’ayant droit avant le 31 décembre 2021. Si la personne décède après la promulgation de la même loi, la demande doit être présentée par l’ayant droit au plus tard le 31 décembre de la troisième année qui suit le décès. » ;
d) Il est ajouté un III ainsi rédigé :
« III. – Lorsqu’une demande d’indemnisation fondée sur le I de l’article 4 a fait l’objet d’une décision de rejet par le ministre de la défense ou par le comité d’indemnisation des victimes des essais nucléaires avant l’entrée en vigueur de la loi n° 2017-256 du 28 février 2017 de programmation relative à l’égalité réelle outre-mer et portant autres dispositions en matière sociale et économique, le demandeur ou ses ayants droit s’il est décédé peuvent présenter une nouvelle demande d’indemnisation avant le 31 décembre 2020. » ;
2° L’article 4 est ainsi modifié :
a) Après le huitième alinéa du II, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Des suppléants de ces personnalités qualifiées sont désignés dans les mêmes conditions. Ils remplacent les membres titulaires en cas d’absence ou d’empêchement. » ;
b) Le premier alinéa du V est ainsi rédigé :
« V. – Ce comité examine si les conditions sont réunies. Lorsqu’elles le sont, l’intéressé bénéficie d’une présomption de causalité, à moins qu’il ne soit établi que la dose annuelle de rayonnements ionisants dus aux essais nucléaires français reçue par l’intéressé a été inférieure à la limite de dose efficace pour l’exposition de la population à des rayonnements ionisants fixée dans les conditions prévues par le 3° de l’article L. 1333-2 du code de la santé publique. »
II. – Le II de l’article 54 de la loi n° 2013-1168 du 18 décembre 2013 relative à la programmation militaire pour les années 2014 à 2019 et portant diverses dispositions concernant la défense et la sécurité nationale et le II de l’article 113 de la loi n° 2017-256 du 28 février 2017 de programmation relative à l’égalité réelle outre-mer et portant autres dispositions en matière sociale et économique sont abrogés.
II. – En conséquence, faire précéder cet article d’un intitulé ainsi rédigé :
Direction de l’action du Gouvernement
Objet
Cet amendement a pour objet d’introduire dans la loi du 5 janvier 2010, dite « loi Morin », plusieurs modifications proposées par le rapport de la commission établie en application de l’article 113 de la loi du 28 février 2017 de programmation relative à l’égalité réelle outre-mer (loi « EROM »). Cette commission, présidée par Mme Lana TETUANUI, sénatrice de Polynésie française, et composée pour moitié de parlementaires et pour moitié de personnalités qualifiées, a présenté au Premier ministre le 20 novembre dernier plusieurs propositions destinées à réserver l’indemnisation aux personnes dont la maladie est causée par les essais nucléaires et à améliorer le dispositif d’indemnisation des victimes des essais nucléaires.
Avec la suppression dans la loi de la notion de « risque négligeable », le Comité d’indemnisation de victimes des essais nucléaires (CIVEN) examine les trois conditions légales permettant l’indemnisation (temps, lieu et pathologie), puis détermine s’il y a lieu de renverser la présomption de causalité. Le Conseil d’Etat, dans son arrêt du 28 juin 2017, précise que « la présomption ne peut être renversée que si l’administration établit que la pathologie de l’intéressé résulte exclusivement d’une cause étrangère à l’exposition aux rayonnements due aux essais nucléaires, en particulier parce qu’il n’a subi aucune exposition à de tels rayonnements ». La modification par la loi « EROM » des critères d’indemnisation de victimes des essais nucléaires fixés par la loi « Morin » a donc conduit le CIVEN à modifier, le 14 mai 2018, la méthodologie qu’il applique pour la reconnaissance et l’indemnisation de ces victimes.
Délais de recours des ayants droit des personnes décédées
Compte tenu de ces évolutions et afin de s’assurer que les ayants droit auront disposé d’un délai suffisant pour prendre connaissance des conditions d’indemnisation et constituer le dossier de la demande, il est aujourd’hui nécessaire de préciser les délais dans lesquels les ayants droit des victimes pourront saisir le CIVEN des demandes d’indemnisation. C’est l’objet du 2° du I. de cet amendement.
Ainsi est-il proposé, pour ce qui concerne les personnes qui décèderont postérieurement à la promulgation de la présente loi de finances pour 2019, de fixer à trois ans, à compter du décès, le délai dans lequel les ayants droit pourront désormais présenter leur demande.
Pour ce qui concerne les personnes décédées antérieurement à la date de promulgation de la présente loi, il faut rappeler que l’article 54 de la loi du 18 décembre 2013 relative à la programmation militaire pour les années 2014 à 2019 avait limité la possibilité pour les ayants droit des victimes décédées avant sa promulgation (20 décembre 2013) de présenter une demande à un délai de 5 ans à compter de cette date. Il ne sera donc plus possible pour ces ayants droit, selon le droit en vigueur, de déposer un dossier à compter du 20 décembre 2018.
Pour pouvoir couvrir à la fois le cas des ayants droit des victimes décédées avant le 20 décembre 2013 et celui des ayants droit des victimes décédées entre décembre 2013 et la date de promulgation de la présente loi, il est proposé de rouvrir le délai jusqu’à une date définie, en l’occurrence le 31 décembre 2021. Cette date permet en effet de garantir un délai supérieur dans tous les cas à trois ans, même si le décès devait intervenir à la veille de la publication de la présente loi et, ainsi, de ne pas entraîner de disparités de traitement entre les situations de décès avant et après 2013.
Délais de réexamen des décisions antérieures de rejet prononcées par le CIVEN sur le fondement du critère du « risque négligeable »
Le 3° du I. prévoit de prolonger les délais ouverts aux ayants droit par l’article 113 de la loi « EROM » pour les demandes ayant fait l’objet d’une décision de rejet du CIVEN sur le fondement de l’ancien critère du « risque négligeable ».
Le II de l’article 113 de la loi EROM dispose à cet égard que « le demandeur ou ses ayants droit s'il est décédé peuvent également présenter une nouvelle demande d'indemnisation, dans un délai de douze mois à compter de l'entrée en vigueur de la présente loi ». Ce délai est donc arrivé à expiration le 29 février 2018. Un réexamen d’un dossier ne peut donc plus venir, en l’état actuel de la législation, que sur la propre initiative du CIVEN.
Compte tenu des modifications opérées tant par la loi EROM que par la présente loi et des nouveaux critères d’indemnisation qui s’ensuivent, il apparaît opportun de rouvrir cette possibilité, pour les victimes ou leurs ayants droit, de demander un réexamen du dossier. Il est proposé d’ouvrir ce nouveau délai jusqu’au 31 décembre 2020.
Cette disposition vient donc se substituer au II. de l’article 113 de la loi EROM. Elle est introduite dans le corps de la loi Morin. L’ensemble du dispositif relatif à l’indemnisation des victimes des essais nucléaires se trouve désormais dans la loi du 5 janvier 2010, garantissant ainsi une meilleure lisibilité du droit applicable.
Composition et modalités de fonctionnement du CIVEN
Le 1° du II. du présent amendement a pour objet de renforcer le CIVEN afin de lui permettre d’assurer des séances régulières d’examen des demandes d’indemnisation et d’y répondre dans les délais prescrits par la loi du 5 janvier 2010.
Avec 350 dossiers de demandes d’indemnisation déposés annuellement en moyenne et un stock d’affaires tendant à s’accroître, la possibilité d’une suppléance pour les personnalités qualifiées offrira au CIVEN une souplesse de fonctionnement nécessaire à l’accomplissement de sa mission.
Critères de non-imputabilité aux essais nucléaires des maladies développées par les demandeurs
Dans le cadre des demandes de reconnaissance et d’indemnisation examinées par le CIVEN, le demandeur ou ses ayant-droits bénéficient, aux termes de la loi « Morin » du 5 janvier 2010, d’une présomption de causalité entre la maladie développée et l’exposition à des rayonnements ionisants dus aux essais nucléaires français.
La loi n° 2017-256 du 28 février 2017 de programmation relative à l'égalité réelle outre-mer (EROM), a supprimé la possibilité de renverser la présomption de causalité lorsque « le risque attribuable aux essais nucléaires [pouvait] être considéré comme négligeable », sans pour autant prévoir de nouvelles modalités de renversement de cette présomption. Or celle-ci n’est pas irréfragable, comme l’a confirmé le Conseil d’Etat dans un avis du 28 juin 2017.
Le 2° du II. du présent amendement prévoit que la présomption peut être renversée s’il est établi que le demandeur n’a pas reçu une dose efficace (exposition externe et contamination interne) supérieure à la limite de dose estimée admissible pour tout public, telle qu’elle est fixée par les règles de la radio-protection définies par l’article L. 1333-2 du code de la santé publique, soit actuellement 1 millisievert par an (directive de l’Euratom et article R. 1333-1 du code de la santé publique).
Impact budgétaire sur le projet de loi de finances pour 2019
L’activité du CIVEN – et par voie de conséquence sa dotation budgétaire – est fonction d’une part du nombre de demandes exprimées par les requérants, enregistrées par le CIVEN et instruites, et d’autre part du nombre de demandes d’indemnisations accordées par le Comité ou obtenues en contentieux. En conséquence, les évolutions législatives proposées par le présent amendement devraient induire, dès le début de l’année 2019, un impact sur les dépenses du CIVEN : le nombre de dossiers devant être examinés par le CIVEN et le volume global des indemnisations devraient en effet être directement impactés par les dispositions prévoyant le décalage ou la réouverture des délais de dépôt des demandes d’indemnisation ou des demandes de réexamen des demandes précédemment rejetées par le CIVEN, ainsi que par la fixation des critères permettant au CIVEN d’estimer qu’il n’existe pas de lien entre la maladie d’un requérant et les essais nucléaires menés par la France dans le Sahara algérien et en Polynésie française.
Compte tenu de l’ensemble de ces mesures, le volume de dépenses du CIVEN est estimé à 11,3 M€ en AE et en CP en 2019, pour une dotation budgétaire initialement prévue à 8,8 M€. Il est donc nécessaire de prévoir un complément de dotation budgétaire de 2,5 M€, ce qui fait l’objet d’un projet d’amendement du Gouvernement sur les crédits de la mission « Direction de l’action du Gouvernement ».