Direction de la séance |
Projet de loi Projet de loi de finances pour 2019 (1ère lecture) PREMIÈRE PARTIE (n° 146 , 147 , 148, 149, 150, 151, 152, 153) |
N° I-810 22 novembre 2018 |
AMENDEMENTprésenté par |
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Le Gouvernement ARTICLE ADDITIONNEL APRÈS ARTICLE 16 |
Après l’article 16
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Le code général des impôts est ainsi modifié :
A. – Le II de l’article 150 UA est complété par un 3° ainsi rédigé :
« 3° Aux biens et droits mentionnés à l’article 150 VH bis. »
B. – Le VII ter de la première sous-section de la section II du chapitre Ier du titre Ier de la première partie du livre Ier est complété par un 3 ainsi rédigé :
« 3. Actifs numériques
« Art. 150 VH bis. – I. – Sous réserve des dispositions propres aux bénéfices professionnels, les plus-values réalisées par les personnes physiques domiciliées fiscalement en France au sens de l’article 4 B, directement ou par personne interposée, lors d’une cession à titre onéreux d’actifs numériques mentionnés au VI du présent article ou de droits s’y rapportant sont passibles de l’impôt sur le revenu dans les conditions prévues au présent article.
« II. – A. – Les dispositions du I ne sont pas applicables, au titre de l’année d’échange, aux opérations d’échange sans soulte entre actifs numériques définis au même I ou droits s’y rapportant.
« B. – Les personnes réalisant des cessions dont la somme des prix, tels que définis au A du III, n’excède pas 305 euros au cours de l’année d’imposition hors opérations mentionnées au A du présent II, sont exonérées.
« III. – La plus ou moins-value brute réalisée lors de la cession de biens ou droits mentionnés au I est égale à la différence entre, d’une part, le prix de cession et, d’autre part, le produit du prix total d’acquisition de l’ensemble du portefeuille d’actifs numériques par le quotient du prix de cession sur la valeur globale de ce portefeuille.
« A. – Le prix de cession à retenir est le prix réel perçu ou la valeur de la contrepartie obtenue par le cédant, le cas échéant comprenant la soulte qu’il a reçue ou minoré de la soulte qu’il a versée lors de cette cession.
« Le prix de cession est réduit, sur justificatifs, des frais supportés par le cédant à l’occasion de cette cession.
« B. – Le prix total d’acquisition du portefeuille d’actifs numériques est égal à la somme des prix effectivement acquittés en monnaie ayant cours légal à l’occasion de l’ensemble des acquisitions d’actifs numériques ou de droits s’y rapportant réalisées avant la cession, de la valeur de chacun des services et des biens, autres que des actifs numériques ou droits s’y rapportant remis lors d’échanges ayant bénéficié du sursis d’imposition prévu au A du II, comprenant le cas échéant les soultes versées, remis en contrepartie d’actifs numériques ou de droits s’y rapportant avant cette même cession.
« En cas d’acquisition à titre gratuit, le prix d’acquisition à retenir s’entend de la valeur retenue pour la détermination des droits de mutation à titre gratuit ou, à défaut, de la valeur réelle des actifs numériques ou des droits s’y rapportant déterminée au moment de leur entrée dans le patrimoine du cédant.
« Le prix total d’acquisition déterminé par application des deux premiers alinéas du présent B est réduit de la somme des fractions de capital initial contenues dans la valeur ou le prix de chacune des différentes cessions d’actifs numériques ou droits s’y rapportant, à titre gratuit ou onéreux hors échanges ayant bénéficié du sursis d’imposition prévu au A du II, antérieurement réalisées. Lorsqu’un ou plusieurs échanges avec soulte reçue par le cédant ont été réalisés antérieurement à la cession imposable, le prix total d’acquisition est minoré du montant des soultes.
« C. – La valeur globale du portefeuille d’actifs numériques est égale à la somme des valeurs, évaluées au moment de la cession imposable, des différents actifs numériques et droits s’y rapportant détenus par le cédant avant de procéder à la cession.
« IV. – Les moins-values brutes subies au cours d’une année d’imposition au titre des cessions de biens ou droits mentionnés au I, autres que celles entrant dans le champ du II, sont imputées exclusivement sur les plus-values brutes de même nature, réalisées au titre de cette même année.
« V. – A. – L’impôt sur le revenu correspondant à la plus-value mentionnée au présent article est versé par la personne physique qui réalise, directement ou par personne interposée, la cession.
« Les redevables portent sur la déclaration annuelle prévue à l’article 170 le montant global de la plus ou moins-value réalisée au titre des cessions imposables de l’année. Ils joignent à cette déclaration une annexe conforme à un modèle établi par l’administration, sur laquelle ils mentionnent et évaluent l’ensemble des plus ou moins-values réalisées à l’occasion de chacune des cessions imposables effectuées au cours de l’année ou les prix de chacune des cessions exonérées en application du B du II.
« B. – Un décret détermine les obligations déclaratives incombant aux redevables et aux personnes interposées mentionnées au I.
« VI. Les actifs numériques comprennent :
« 1° Les jetons, à l’exclusion de ceux remplissant les caractéristiques des instruments financiers mentionnés à l’article L. 211-1 du code monétaire et financier et des bons de caisse mentionnés à l’article L. 223-1 du même code.
« Pour l’application du premier alinéa du présent 1°, constitue un jeton tout bien incorporel représentant, sous forme numérique, un ou plusieurs droits, pouvant être émis, inscrits, conservés ou transférés au moyen d’un dispositif d’enregistrement électronique partagé permettant d’identifier, directement ou indirectement, le propriétaire dudit bien.
« 2° Toute représentation numérique d’une valeur qui n’est pas émise ou garantie par une banque centrale ou par une autorité publique, qui n’est pas nécessairement attachée à une monnaie ayant cours légal et qui ne possède pas le statut juridique d’une monnaie, mais qui est acceptée par des personnes physiques ou morales comme un moyen d’échange et qui peut être transférée, stockée ou échangée électroniquement. » ;
C. – La section V du chapitre Ier du titre Ier de la première partie du livre Ier est complétée par un VI ainsi rédigé :
« VI. Imposition des plus-values réalisées à l’occasion de cessions à titre onéreux d’actifs numériques
« Art. 200 C. – Les plus-values réalisées dans les conditions prévues à l’article 150 VH bis sont imposées au taux forfaitaire de 12,8 %. »
D. – Le I quater du chapitre Ier du titre Ier de la troisième partie du livre Ier est ainsi rétabli :
« I quater. Déclaration relative aux actifs numériques
« Art. 1649 bis C. – Les personnes physiques, les associations, les sociétés n’ayant pas la forme commerciale, domiciliées ou établies en France, sont tenues de déclarer, en même temps que leur déclaration de revenus ou de résultats, les références des comptes d’actifs numériques mentionnés à l’article 150 VH bis ouverts, détenus, utilisés ou clos auprès d’entreprises, personnes morales, institutions ou organismes établis à l’étranger.
« Les modalités d’application du présent article sont fixées par décret. »
E. – L’article 1736 est complété par un X ainsi rédigé :
« X. – Les infractions à l’article 1649 bis C sont passibles d’une amende de 750 € par compte non déclaré ou 125 € par omission ou inexactitude, dans la limite de 10 000 € par déclaration.
« Les montants de 750 € et 125 € mentionnés au premier alinéa du présent X sont respectivement portés à 1 500 € et 250 € lorsque la valeur vénale des comptes d’actifs numériques ouverts, détenus, utilisés ou clos auprès d’entreprises, personnes morales, institutions ou organismes établis à l’étranger est supérieure à 50 000 € à un moment quelconque de l’année concernée par l’obligation déclarative prévue à l’article 1649 bis C. »
II. – A. – Les A à C du I s’appliquent aux cessions réalisées à compter du 1er janvier 2019.
B. – Les D et E du I s’appliquent aux déclarations devant être déposées à compter du 1er janvier 2020.
Objet
Le présent amendement a pour objet de reprendre dans la première partie du projet de loi de finances pour 2019 l’article 51 ter du projet de loi de finances pour 2019 adopté par l’Assemblée nationale en première lecture (deuxième partie) à l’initiative du Gouvernement. En application de l’article 34 de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances, ces dispositions doivent en effet trouver leur place en première partie.
Les investissements dans les actifs numériques connaissent depuis quelques années une croissance importante. C’est dans ce contexte que, par une décision du 26 avril 2018, le Conseil d’État a précisé les modalités d’imposition des gains résultant des cessions de « bitcoins » réalisées par les particuliers. Il juge que, lorsque les gains ne résultent pas d’une activité habituelle, l’imposition relève en principe du régime des plus-values sur biens meubles prévu à l’article 150 UA du code général des impôts (CGI).
Or, ce régime apparaît inadapté aux cessions d’actifs numériques en raison notamment du caractère particulièrement liquide et fongible de ces biens ainsi que de l’importance du nombre et de la complexité des opérations susceptibles d’intervenir dans un court laps de temps.
Partant, l’article 51 ter adopté par l’Assemblée nationale a pour objet d’apporter un cadre adapté à l’imposition, à l’impôt sur le revenu et aux prélèvements sociaux, des gains réalisés à titre occasionnel par les particuliers lors de la cession d’actifs numériques.
Tenant compte de la fréquence des échanges entre actifs numériques susceptibles d’intervenir, il est d’abord proposé de neutraliser ces opérations d’échange en imposant la plus-value globale réalisée lors de la cession des actifs numériques contre de la monnaie ayant cours légal ou contre l’obtention de tout service, bien ou avantage.
Par ailleurs, partant du constat que la reconstitution du prix d’acquisition des actifs numériques cédés est rendue très complexe du fait notamment de leur caractère fongible, il est proposé, pour le calcul de la plus-value imposable, de retenir une méthode similaire à celle déjà employée notamment dans le cadre du plan d’épargne en actions. Il s’agit, lors de la cession imposable, de retenir pour assiette une part de la plus-value latente globale constatée par le contribuable sur l’ensemble de son portefeuille d’actifs numériques (i.e. l’ensemble des actifs numériques qu’il détient et qui sont dans le champ du présent régime) – part correspondant à la valeur des actifs numériques cédés par rapport à celle de l’ensemble de son portefeuille.
Ce nouveau régime est sans incidence sur les modalités d’imposition des cessions à caractère habituel d’actifs numériques, ainsi que des cessions d’actifs numériques qui sont la contrepartie de la participation du contribuable à la création ou au fonctionnement de ce système d’unité de compte virtuelle. Celles-ci demeurent en effet imposables respectivement dans les catégories des bénéfices industriels et commerciaux et des bénéfices non commerciaux, et il n’y a pas lieu de tenir compte de ces actifs numériques pour l’application du présent régime.
Dans ce nouveau régime, les gains seront imposés à un taux global de 30 % (12,8 % au titre de l’impôt sur le revenu et 17,2 % au titre des prélèvements sociaux).
L’entrée en vigueur des dispositions de l’article 51 ter adopté par l’Assemblée nationale est prévue pour les cessions réalisées à compter du 1er janvier 2019. Les plus-values de cession ou d’échange réalisées avant cette date, qui sont en principe imposables aux conditions prévues par l’article 150 UA du CGI et qui ont donc, le cas échéant, déjà dû donner lieu au versement d’un impôt, ne sont donc pas incluses dans le calcul des plus-values réalisées à compter de 2019.
En outre, afin de permettre à l'administration fiscale d'exercer son pouvoir de contrôle, il est essentiel qu'elle dispose de sources d'informations concernant les personnes qui possèdent des comptes d’actifs numériques.
En effet, ces actifs numériques, qui garantissent l'anonymat de leurs détenteurs, peuvent être utilisées pour masquer et financer les activités criminelles. De plus, l'absence de traçabilité favorise le blanchiment et les dissimulations de revenus et restreint le pouvoir de contrôle de l'administration fiscale. Au surplus, les monnaies virtuelles sont généralement détenues par l'intermédiaire d'organismes établis à l'étranger à l'encontre desquelles l'administration fiscale n'est pas en mesure d'exercer son droit de communication prévu aux articles L. 81 et suivants du livre des procédures fiscales.
Il est donc important de renforcer les sources d'information de l'administration fiscale et de créer une obligation déclarative applicable aux détenteurs de comptes d’actifs numériques ouverts dans des établissements situés à l'étranger, par exemple des plateformes d'échange d’actifs numériques ou des organismes assimilés. Ce dispositif concernerait les personnes physiques, les associations et les sociétés n'ayant pas la forme commerciale. Il permettrait à l'administration fiscale de demander des justificatifs au contribuable afin d'apprécier, le cas échéant, le montant des plus-values de cessions d’actifs numériques réalisées.
Parallèlement, il convient de créer une sanction applicable aux contribuables qui ne respecteraient pas cette nouvelle obligation déclarative. Il est donc proposé de créer une amende dont le montant variera en fonction de la gravité des faits commis.
Les dispositions de l’article 51 ter adopté par l’Assemblée nationale relatives à l’obligation déclarative et à la sanction s'appliquent aux déclarations devant être déposées à compter du 1er janvier 2020. Par ailleurs, un décret fixera ultérieurement les modalités de déclaration.
Enfin, le présent amendement apporte des améliorations rédactionnelles.
En premier lieu, par mesure de simplification, il confirme l’application d’une exonération bénéficiant aux contribuables qui, lors d’une année, ne réalisent que des cessions dont la somme des prix n’excède pas 305 euros. Cette mesure permettra ainsi de dispenser ces contribuables, au titre de cette année, de calculer les plus ou moins-values constatées lors de leurs cessions. Seuls les prix des cessions devront alors être déclarés.
En second lieu, il confirme également, dans l’attente de l’adoption définitive du projet de loi relatif à la croissance et à la transformation des entreprises, qui prévoit de donner une définition légale des actifs numériques au sein du code monétaire et financier, l’inscription temporaire de cette définition au sein du nouveau régime fiscal, dont elle permet de préciser utilement le champ d’application.