Direction de la séance |
Projet de loi Immigration, droit d'asile et intégration (1ère lecture) (PROCÉDURE ACCÉLÉRÉE) (n° 553 , 552 , 527) |
N° 95 13 juin 2018 |
AMENDEMENTprésenté par |
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M. ANTISTE ARTICLE 19 TER (SUPPRIMÉ) |
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
Le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile est ainsi modifié :
1° L’article L. 622-1 est ainsi rédigé :
« Art. L. 622–1. – Toute personne qui aura sciemment facilité ou tenté de faciliter l’entrée ou le séjour irréguliers d’un étranger en France sera punie d’un emprisonnement de cinq ans et d’une amende de 30 000 €.
« Sera puni des mêmes peines celui qui, quelle que soit sa nationalité, aura commis le délit défini au premier alinéa du présent article alors qu’il se trouvait sur le territoire d’un État partie à la convention signée à Schengen le 19 juin 1990 autre que la France.
« Sera puni des mêmes peines celui qui aura sciemment facilité ou tenté de faciliter l’entrée ou le séjour irréguliers d’un étranger sur le territoire d’un autre État partie à la convention signée à Schengen le 19 juin 1990.
« Sera puni des mêmes peines celui qui aura sciemment facilité ou tenté de faciliter l’entrée ou le séjour irréguliers d’un étranger sur le territoire d’un État partie au protocole contre le trafic illicite de migrants par terre, air et mer, additionnel à la convention des Nations unies contre la criminalité transnationale organisée, signée à Palerme le 12 décembre 2000.
« L’infraction n’est pas constituée lorsque l’acte de facilitation est commis à titre gratuit ou lorsque la contrepartie n’est pas manifestement disproportionnée. » ;
2° Le 6° de l’article L. 622-3 est abrogé ;
3° L’article L. 622-4 est abrogé.
Objet
Depuis 2014, les poursuites et condamnations contre des citoyennes et citoyens solidaires avec les personnes étrangères se sont multipliées en France, y révélant la persistance du délit de solidarité.
Alors qu’il était prévu que l’article L622-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (Ceseda) permette de pénaliser les personnes et les organisations qui font du passage illégal des frontières un business hautement lucratif, force est de constater aujourd’hui qu’il sert toujours à poursuivre voire à condamner celles et ceux qui, par solidarité, refusent de laisser sur le bord de la route des personnes étrangères démunies. En 2012, la loi « Valls » promettait la fin de ce délit de solidarité avec l’extension des critères d’immunité. Dans les faits, les poursuites et les condamnations de citoyens et de citoyennes solidaires se sont multipliées, par exemple dans le Calaisis, à Paris, dans la vallée de la Roya, à Briançon et ailleurs.
C’est pourquoi ma proposition prend en considération les contraintes découlant de la directive du 28 novembre 2002 qui oblige les États membres à pénaliser l’aide à l’entrée, au transit et au séjour (sauf but humanitaire ou absence de but lucratif) en maintenant cette qualification spécifique, mais en délimitant beaucoup plus nettement son champ d’application. Il s’agit en effet d’exclure du champ des poursuites, de manière véritablement explicite, les actions purement désintéressées ou qui relèvent de la fourniture normale d’un bien ou d’un service. De plus, le mécanisme de l’immunité institué à l’article L.622-4, complexe et ambigu ayant démontré son inefficacité, la définition de l’infraction serait modifiée, notamment au travers :
- de la suppression de :
· la notion d’ « aide » (qui induit une confusion ayant ouvert la porte à la pénalisation de formes de solidarité élémentaire. C’est donc à la fois par souci de simplification et pour éviter cette confusion que le terme aide n’apparaîtrait plus),
· la notion de « circulation » (déjà réprimée soit au titre de l’aide à l’entrée en France, soit au titre de l’aide au transit de la France vers un État voisin, laquelle est expressément prévue par le 3° alinéa de l’article L.622-1 CESEDA),
· l’interdiction de territoire français (sanction pénale qui distingue les auteurs d’infractions à raison de leur nationalité, et qui contrevient donc au principe d’égalité devant la loi, en ce qu’elle constitue une double peine pour les personnes étrangères) ;
- du remplacement de la mention « directe ou indirecte » par le terme « sciemment » figurant dans la directive (le délit ne peut exister que si la personne qui en aide une autre est informée de ce que cette dernière est en situation de séjour irrégulier).
Cet amendement répond donc à l’objet de la directive et permet de redonner tout son sens à l’infraction pénale qui est la lutte contre les réseaux de passeurs et l’exploitation subie par les personnes migrantes, tout en excluant de son champ les actes de solidarité à l’égard des personnes étrangères en situation irrégulière.