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Direction de la séance

Projet de loi

Ordonnance Réforme du droit des contrats

(1ère lecture)

(n° 23 , 22 )

N° 9 rect.

17 octobre 2017


 

AMENDEMENT

présenté par

C Demande de retrait
G Demande de retrait
Retiré

Mme MÉLOT et MM. MALHURET, BIGNON, CAPUS, CHASSEING, DECOOL, FOUCHÉ, GUERRIAU, LAGOURGUE et WATTEBLED


ARTICLE 7


Alinéa 7

Rédiger ainsi cet alinéa :

3° L’article 1171 est abrogé.

Objet

Le nouvel article 1171 du code civil introduit une sanction des clauses abusives, définies comme les clauses créant un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties, dans les contrats d’adhésion.

La proposition de la Commission des lois de limiter l’application de cette disposition aux clauses « non négociable[s], unilatéralement déterminée[s] à l’avance par l’une des parties » va dans le bon sens. Elle ne permet cependant pas de régler les nombreux problèmes résultant de la généralisation de la sanction des clauses abusives aux contrats de droit commun.

L’introduction en droit commun d’une règle générale sanctionnant les clauses abusives, qui s’ajoute aux législations spéciales sanctionnant de telles clauses dans les relations entre professionnels et consommateurs et entre professionnels en cas de soumission ou tentative de soumission à des obligations déséquilibrées (c’est-à-dire les contrats dans lesquels un rapport de domination entre les contractants est le plus probable) et au vice de violence résultant d’un abus de l’état de dépendance de son cocontractant, apparaît en effet comme un très mauvais signal envoyé au monde des affaires.

La généralisation de la qualification de clause abusive nuirait à la prévisibilité nécessaire à la vie des affaires : les cocontractants ne pourront jamais être assurés de la validité de telle ou telle clause, pourtant librement acceptée. Le nouvel article 1171 du code civil risque de fragiliser des millions de contrats (par exemple, les modèles de baux) et d’aboutir à des coûts de transaction très importants : en effet, soit le contractant doit négocier chaque contrat pour éviter la qualification de « contrat d’adhésion », soit il doit augmenter le prix de ses produits ou services pour couvrir le risque que ses intérêts ne soient pas protégés par ses conditions générales de vente, celles-ci risquant de ne plus pouvoir compter la moindre clause non réciproque ou limitative de responsabilité. Cette disposition risque ainsi de produire des effets économiques pervers pour les PME, dont les contrats et CGV seront soumis à un contrôle constant.

En outre, il résulte de la jurisprudence rendue sur le fondement de l’article L. 442-6, I, 2° du code de commerce qu’une clause qui n’est jamais négociée est présumée non négociable. Dès lors, la référence au caractère « non négociable » de la clause, « unilatéralement déterminée à l’avance par l’une des parties », risque d’être un nid à contentieux.

Le nouveau dispositif de l’article 1171 du code civil risque par ailleurs de s’appliquer cumulativement avec l’article L. 442-6, I, 2° du code de commerce dans la mesure où ces deux dispositions n’ont ni le même objet ni le même régime. Par exemple, un professionnel pourrait demander la mise en jeu de la responsabilité de son cocontractant en vertu du droit des pratiques restrictives et que la clause abusive soit réputée non écrite en vertu du droit commun des contrats, conduisant ainsi à un véritable contournement des règles du code de commerce. Et ce d’autant plus que toute clause qui crée un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat étant réputée non écrite, l’article 1171 du code civil est d’ordre public.

Le nouvel article 1171 du code civil fait enfin doublon avec la sanction de l’abus d’un état de dépendance économique sur le fondement de la violence.

La suppression de l’article 1171 du code civil est d’autant plus nécessaire que les droits étrangers, avec lesquels le droit français est en concurrence, ne réglementent pas les clauses abusives entre professionnels (c’est le cas du droit anglais par exemple, à l’exception des clauses limitatives de responsabilité qui sont régies par l’Unfair Contract Terms Act (UCTA) de 1977, applicable aux consommateurs comme aux professionnels ; les contrats de fourniture internationaux n’entrent cependant pas dans le champ d’application de cette réglementation) ou envisagent de revenir sur cette réglementation (par exemple en Allemagne : en effet, depuis que le BGB allemand permet la suppression des clauses abusives dans les contrats d’adhésion conclus entre professionnels, les grandes entreprises allemandes optent très souvent pour l’application d’une loi étrangère – par exemple la loi suisse – dans leurs rapports internationaux afin d’éviter de tomber sous le coup de cette disposition ; il a par conséquent été envisagé de réformer celle-ci[1]). 

En définitive, il convient de ne pas instaurer de droit général des clauses abusives en droit commun des contrats et de se limiter à la sanction de la seule violence économique et à la condamnation des clauses abusives par le droit de la consommation et le droit des pratiques restrictives de concurrence.

[1] Fabienne KUTSCHER-PUIS, « Les enseignements allemands sur le déséquilibre significatif en droit des contrats commerciaux », Contrats Concurrence Consommation, Etude n° 7, juin 2015, soulignant que de nombreux professionnels du droit allemand mettent en cause, depuis plusieurs années, le bien-fondé du contrôle judiciaire des contrats entre entreprises basé sur la réglementation des conditions générales, et que ces critiques ont été entendues par le Gouvernement fédéral qui étudie actuellement la question (voir le rapport du professeur Leuschner du 30 septembre 2014 commandé par le Gouvernement fédéral).



NB :La présente rectification porte sur la liste des signataires.