Direction de la séance |
Projet de loi Projet de loi de finances pour 2018 (1ère lecture) SECONDE PARTIE ARTICLES NON RATTACHÉS (n° 107 , 108 , 109, 110, 111, 112, 113, 114) |
N° II-595 rect. ter 6 décembre 2017 |
AMENDEMENTprésenté par |
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Mme LIENEMANN, M. TISSOT, Mmes TAILLÉ-POLIAN et Gisèle JOURDA, M. TOURENNE, Mme PRÉVILLE, M. VAUGRENARD, Mmes TOCQUEVILLE, CONCONNE et LEPAGE, MM. CABANEL et DURAIN, Mmes GHALI et JASMIN, MM. MARIE, Patrice JOLY, JACQUIN et MAZUIR, Mme HARRIBEY, MM. IACOVELLI et COURTEAU, Mme MONIER et M. TODESCHINI ARTICLE 42 |
Rédiger ainsi cet article :
I. – L’article 244 quater C du code général des impôts est ainsi modifié :
1° Les deuxième à dernière phrases du I sont supprimés ;
2° Après le I sont insérés dix alinéas ainsi rédigés :
« Les dépenses ouvrant droit au crédit d’impôt sont, dans la limite de 33 % pour les entreprises de moins de 2 000 salariés et 16 % au-delà :
« a) Les dépenses d’innovation et de recherche et développement ;
« b) Les dépenses liées à la constitution et à la protection de brevets et de certificats ;
« c) Les dépenses liées aux 34 plans industriels prioritaires ainsi désignés par le comité de pilotage installé le 14 mars 2014 ;
« d) Les dépenses d’investissement engagées dans les pôles de compétitivité ;
« e) Les dépenses liées aux économies d’énergie et à la diminution de l’empreinte carbone des activités de l’entreprise ;
« f) Les dépenses de formation affectées au compte personnel de formation des salariés ;
« g) Les dépenses de prospection de nouveaux marchés à l’international et les dépenses liées à l’exportation ;
« h) Les dépenses en matière de modernisation des machines-outils.
« L'entreprise retrace dans ses comptes annuels l'utilisation du crédit d'impôt conformément aux objectifs mentionnés au premier alinéa du présent I. Les informations relatives à l'utilisation du crédit d'impôt pour la compétitivité, l'emploi et la recherche doivent figurer, sous la forme d'une description littéraire, en annexe du bilan ou dans une note jointe aux comptes. Le crédit d'impôt ne peut ni financer une hausse de la part des bénéfices distribués, ni augmenter les rémunérations des personnes exerçant des fonctions de direction dans l'entreprise. Les organismes mentionnés à l'article 207 peuvent également bénéficier du crédit d'impôt mentionné au présent alinéa au titre des rémunérations qu'ils versent à leurs salariés affectés à leurs activités non exonérées d'impôt sur les bénéfices. Ces organismes peuvent également en bénéficier à raison des rémunérations versées aux salariés affectés à leurs activités exonérées après que la Commission européenne a déclaré cette disposition compatible avec le droit de l'Union européenne. » ;
3° À la fin du premier alinéa du III, le taux : « 7 % » est remplacé par le taux : « 6 % ».
II. – Le 3° du I est applicable à compter du 1er novembre 2018 sur les impôts au titre de 2017.
III. – Les salariés des entreprises qui bénéficient du crédit d’impôt mentionné au 3° du I, ou leurs représentants, doivent être consultés et informés chaque année de l’utilisation qui est faite de ce crédit d’impôt.
IV. – Un rapport du Parlement au Gouvernement définit les conditions d’une fusion en 2018 du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi ainsi reconfiguré et du crédit d’impôt recherche dans un crédit d’impôt pour la compétitivité, l’emploi et la recherche.
Objet
Le comité de suivi du CICE, créé pour vérifier que les objectifs annoncés sont atteints, a rendu son rapport pour la période de 2013 à 2015. Ce rapport est particulièrement contrasté : « Si les entreprises continuent à mettre en avant un effet possible sur l’investissement et l’emploi et, de façon plus ambiguë, sur les salaires », les chiffres du rapport lui-même indiquent une possible augmentation de salaire, dans un tiers des cas, d’au plus 1,1%.
Il précise aussi que « le CICE bénéficie à l’ensemble des entreprises mais concerne relativement moins celles qui sont les plus exportatrices, qui ont le taux de marge le plus élevé, et qui dépensent le plus en R & D ». En d’autres termes, Le CICE profite moins aux entreprises les plus tournées vers l’exportation. Il s’agit-là de la validation d’une des principales critiques qui pouvait lui être faite en termes d'efficacité et de pertinence et qui était justement que le CICE n'était aucunement conditionné à la réalité d'une exposition à des contraintes spécifiques (des entreprises plus soumises que d'autres à la compétition internationale) ou à des engagements (création ou préservation d'emplois).
Le CICE devait servir à l’investissement ou à l’emploi, voire à la restauration des marges des entreprises qui devait aussi y contribuer. Or ce n’est pas le cas.
Le Medef avait promis 1 million d’emplois. On en est loin. Le rapport du comité de suivi en estime la création ou le maintien à environ 100.000... De 2013 à 2015, cela a coûté 60 milliards d’euros, soit 600.000 euros d’argent public par emploi créé ou sauvegardé. Par comparaison, on observera que les emplois aidés ont coûté en 2016, 4,2 milliards d’euros pour 479.275 emplois, soit un prix unitaire de l’emploi de 8.760 euros.
En réalité, le CICE a surtout été utilisé pour baisser ou maintenir les prix et a aggravé la tendance à l’inflation faible, voire nulle, de l’économie française. Quant aux marges des grandes entreprises, il semble qu'elles n'aient été que marginalement améliorées par le CICE.
Le CICE n’a pas profité aux salariés : le comité de suivi estimé que la hausse des salaires est « difficile à déceler », mais semble avoir plutôt profité aux salaires les plus élevés. Rappelons que la hausse de la TVA qui devait le financer touche à plein les couches populaires et moyennes. En tout cas, en France, les salaires ont peu augmenté depuis l’introduction du CICE.
Le comité de suivi estime ne pas pouvoir conclure sur son effet sur les dividendes. Mais là, au contraire des salaires, on notera que les dividendes ont connu une nette augmentation. Alors il semblerait bien qu’une partie du CICE ait été utilisée pour augmenter les dividendes ou pour racheter des actions.
Pour finir, depuis le CICE, la balance commerciale française ne s’est en rien rétablie et même s’est plutôt détériorée. Cela confirme que la compétitivité française ne peut pas être restaurée par la baisse du coût du travail mais plutôt par une montée en gamme des produits, des services, par la recherche, l’innovation, par des politiques de filières et une politique commerciale volontariste et protectrice.
Le CICE devrait avoir coûté 27 milliards d'euros en 2017 qui pourraient être mieux utilisés tant pour créer des emplois, soutenir la ré-industrialisation et les capacités exportatrices de la France, mais aussi pour améliorer les services publics. Nous nous sommes opposés pour ces raisons, lors de l'examen du Projet de loi de financement de la sécurité sociale à l'accélération de la transformation du CICE en allègement définitif de cotisations sociales patronales. Ce choix du gouvernement ne résout en rien les défauts du CICE, mais aggravait la logique à l'œuvre depuis l'automne 2012 : il ne garantit en rien que les entreprises qui en bénéficieront l'utiliseront mieux que le CICE, il déstabilise le financement de la sécurité sociale et, enfin, interdit toute possibilité de conditionner la politique de soutien aux entreprises.
Par cet amendement, nous voulons donc corriger les défauts, qui sont apparus à l'expérience, du CICE.
En effet, le mécanisme du crédit d’impôt peut être un bon levier pour favoriser l’amélioration de la santé et de la performance des entreprises et la montée en gamme de notre économie. Les entreprises exposées à la concurrence internationale ont besoin d’un outil puissant pour les conforter dans la mondialisation. L’objectif pour les années qui viennent devrait être ni sa réduction, encore moins sa transformation en baisse de cotisations patronales, mais au contraire son ciblage vers les dépenses des entreprises à fort effet de levier sur la compétitivité.
C’est la raison pour laquelle il est proposé de maintenir le CICE sous forme de crédit d’impôt conditionné à une liste de dépenses éligibles sur le modèle du CIR (dans le numérique, la transition énergétique et écologique, la R&D, la formation et l’apprentissage ou encore les filières d’avenir) avec un volume financier inchangé (16 mds en 2015, 18 mds en 2016 et 20 mds en 2017). La fusion pourrait être envisagée ensuite avec le CIR ouvrant la voie à la création d’un CICER.
L’amendement introduit par ailleurs une obligation d’information et de consultation des salariés pour assurer une utilisation optimale et concertée des crédits obtenus au titre du CICE.