Logo : Sénat français

Direction de la séance

Projet de loi

Transparence, lutte contre la corruption et modernisation de la vie économique

(1ère lecture)

(PROCÉDURE ACCÉLÉRÉE)

(n° 713 , 712 , 707, 710)

N° 79 rect. ter

4 juillet 2016


 

AMENDEMENT

présenté par

C Défavorable
G Défavorable
Rejeté

MM. CADIC, CANEVET, GUERRIAU, PELLEVAT et MARSEILLE


ARTICLE ADDITIONNEL APRÈS ARTICLE 7


Après l’article 7

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. – Sont confidentiels par nature les avis ou correspondances, quel qu’en soit le support dont le papier ou la communication électronique, émis par un juriste d’entreprise désignés à l’article 98-3° du décret du 27 novembre 1991 et adhérent à une association professionnelle régie par un code de déontologie et reconnue par l’État dans des conditions fixées par décret.

Le juriste d’entreprise est tenu de suivre une formation continue d’au moins vingt heures par an, attestée par l’association professionnelle visée à l’alinéa précédent, et incluant nécessairement un module relatif à la déontologie de la profession et à l’éthique des affaires.

II. – Est considéré comme un avis ou une correspondance bénéficiant du principe de confidentialité au sens de l’alinéa précédent :

- Toute consultation juridique se rapportant à l’activité de l’entité juridique qui l’emploie ou du groupe d’entreprises auquel son employeur appartient, adressée et signée par tout moyen y compris par voie de signature électronique au sens de la directive européenne n° 1999/93/CE par un juriste d’entreprise remplissant les conditions du précédent alinéa, et marquée « confidentiel » ;

- Toute correspondance ou tout échange d’information, sous forme écrite ou orale, avec le juriste d’entreprise dans le cadre de la préparation ou de l’émission d’un avis aux fins de mise en œuvre d’un programme de conformité de l’entreprise ou du groupe d’entreprises qui l’emploie.

- Toute correspondance ou tout échange d’information, sous forme écrite ou orale, entre juristes d’entreprise et également entre juristes d’entreprise et avocats, sauf déclaration unilatérale ou convention contraire préalable et écrite.

III. – N’est pas couvert par le principe de confidentialité l’avis ou la correspondance au sens du présent article d’un juriste d’entreprise établie dans le but de contribuer sciemment à la réalisation ou à la dissimulation d’une infraction pénale.

IV. – La confidentialité de l’avis ou de la correspondance au sens du présent article d’un juriste d’entreprise est opposable à toute autorité judiciaire, administrative ou de contrôle dans le cadre de procédures judiciaires ou administratives visant l’entreprise, le groupe d’entreprises ou l’association qui l’emploie. Toute saisie d’un tel avis est nulle et de nul effet. Le juge des libertés et de la détention est compétent en cas de contestation d’une saisie d’un document couvert par la confidentialité au titre de cet article.

Objet

Le présent projet de loi, qui vise à renforcer la lutte contre la corruption en France et à l’étranger, aura pour conséquence d’obliger les entreprises à intensifier leurs efforts en matière de prévention et détection des pratiques et comportements de leurs dirigeants, employés et partenaires commerciaux susceptibles d’enfreindre la loi.

Le projet de loi prévoit, en particulier, en son article 8, que les entreprises employant au moins 500 salariés ou appartenant à un groupe de sociétés dont l’effectif comprend au moins 500 salariés et dont le chiffre d’affaires ou le chiffre d’affaires consolidé est supérieur à 100 millions d’euros devront mettre en place des dispositifs de prévention et de détection de la corruption. Ces dispositifs devront, notamment, comporter des systèmes d’alerte interne destinés à permettre le recueil des signalements émanant d’employés relatifs à l’existence de conduites ou de situations contraires au code de conduite de la personne morale, un dispositif d’alerte, une cartographie des risques régulièrement actualisée et destinée à identifier, analyser, hiérarchiser lesdits risques, des procédures d’évaluation des clients et fournisseurs au regard de cette cartographie, …

La qualité et l’efficacité de tels dispositifs feront l’objet de contrôles périodiques par le Service Chargé de la Prévention et de l’Aide à la Détection de la Corruption. En cas de manquement observé, la société pourra encourir des sanctions telles que prévues au Titre III de l’Article 8 (avertissement, injonction de mise en conformité, sanctions pécuniaires) et à l’Article 9 (nouvel Article L 131-9-2 du Code Pénal instituant une peine de programme de mise en conformité sous le contrôle du Procureur de la République).

On ajoutera que la personne de confiance désignée par l'employeur ou, à défaut, du supérieur hiérarchique direct ou de l'employeur pour recueillir l’alerte au sens de l’article 6 du projet de loi, sera souvent un juriste d’entreprise dès lors que celui-ci est le plus souvent en charge des programmes de conformité. Il est donc essentiel que le juriste puisse disposer à ce titre, et donc de façon parfaitement complémentaire avec le dispositif prévu par l’article 8 précité, des garanties qui lui permettront de remplir pleinement son office et satisfaire les objectifs du présent texte.
Ainsi, les juristes de l’entreprise, à l’instar de leurs homologues au sein des entreprises de nos principaux partenaires au sein des pays de l’OCDE, seront-ils naturellement appelés à contribuer au premier rang à la prévention et la détection de pratiques susceptibles d’enfreindre la loi.

Pourtant, force est de constater que dans la plupart des pays concernés les juristes d’entreprise bénéficient à des degrés divers de la protection de leurs avis, alors qu’à l’inverse, les avis émis par les juristes d’entreprise français ne bénéficient pas d’une telle protection liée au principe de confidentialité.

Les juristes d’entreprise français assurent la promotion du droit dans l’entreprise et sont, au quotidien, les garants du respect des lois, règlements et normes éthiques au travers de leurs avis et consultations à tous échelons de l’entreprise, de la direction générale aux équipes opérationnelles. Ils le seront encore bien plus du fait de la mise en œuvre de la lettre et de l’esprit du présent projet de loi et seront dont les premiers garants de la sécurité juridique et de l’éthique des affaires.

Dès lors, il serait paradoxal dangereux de promouvoir le développement des programmes de conformité au sein des entreprises sans décider de reconnaître aux juristes d’entreprise la confidentialité de leurs avis.

En effet, grâce à une telle reconnaissance, l’entreprise pourraient confier préventivement une mission large de conformité à leurs directions juridiques, ainsi que la responsabilité de traiter les dossiers les plus sensibles, y compris au travers de la diffusion d’avis appropriés, sans crainte que ces derniers ne puissent être librement saisis et utilisés par des autorités de poursuite, notamment aux Etats-Unis, comme ce fût récemment le cas dans diverses affaires.

Ces dossiers sensibles concerneront également les éventuels signalements reçus par l’entreprise dans le cadre des lignes de lanceurs d’alerte institués dans les dispositifs de mise en conformité.

Bien entendu, le présent amendement prévoit expressément que le principe de confidentialité ne pourra pas couvrir l’avis ou la correspondance établi dans le but de contribuer sciemment à la réalisation ou à la dissimulation d’une infraction pénale.

Une telle reconnaissance de la confidentialité des avis des juristes d’entreprise est donc indispensable pour permettre un déploiement rapide des programmes de conformité dans l’entreprise sans craindre que avis des juristes d’entreprise ne soient utilisés à charge contre ces dernières. Elle permettrait la mise à niveau de notre système avec les principaux pays de l’OCDE et de lutte à armes égales avec nos principaux concurrents.

Cette reconnaissance aurait pour conséquence de favoriser une mise en œuvre plus efficace du dispositif de conformité prévu par le présent projet de loi tout en plaçant les entreprises françaises sur un pied d’égalité avec leurs concurrents internationaux.



NB :La présente rectification porte sur la liste des signataires.