Direction de la séance |
Projet de loi Lutte contre le crime organisé et le terrorisme (1ère lecture) (PROCÉDURE ACCÉLÉRÉE) (n° 492 , 491 , 474, 476) |
N° 167 rect. 25 mars 2016 |
AMENDEMENTprésenté par |
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Mmes AÏCHI, BOUCHOUX et BLANDIN, M. DANTEC, Mme ARCHIMBAUD et MM. GATTOLIN et LABBÉ ARTICLE 2 |
Compléter cet article par cinq alinéas ainsi rédigés :
« Art. 706-95-... – La mise en œuvre du dispositif technique mentionné au 1° de l’article 226-3 du code pénal afin de recueillir les données techniques de connexion permettant l’identification d’un équipement terminal ou d’un numéro d’abonnement de son utilisateur ne peut avoir lieu à proximité du bureau ou du domicile d’un député ou d’un sénateur sans que le président de l’assemblée à laquelle il appartient en soit informé par le juge d’instruction.
« La mise en œuvre du dispositif technique mentionné au 1° de l’article 226-3 du code pénal afin de recueillir les données techniques de connexion permettant l’identification d’un équipement terminal ou d’un numéro d’abonnement de son utilisateur ne peut avoir lieu à proximité du cabinet d’un avocat ou de son domicile sans que le bâtonnier en soit informé par le juge d’instruction.
« La mise en œuvre du dispositif technique mentionné au 1° de l’article 226-3 du code pénal afin de recueillir les données techniques de connexion permettant l’identification d’un équipement terminal ou d’un numéro d’abonnement de son utilisateur ne peut avoir lieu à proximité du cabinet d’un magistrat ou de son domicile sans que le premier président ou le procureur général de la juridiction où il réside en soit informé.
« La mise en œuvre de la technique prévue par le présent article pour un parlementaire, un avocat ou un magistrat ne peut être ordonnée que par décision motivée du président du tribunal de grande instance, statuant en qualité de juges des libertés et de la détention, saisi par ordonnance motivée du juge d’instruction, lorsqu’il existe des raisons plausibles de soupçonner que la personne a participé, comme auteur ou complice, à la commission de l’infraction.
« Le juge d’instruction communique aux personnes devant en être informées en application des trois premiers alinéas du présent article une copie de l’ordonnance du président du tribunal de grande instance, statuant en qualité de juge des libertés et de la détention. »
Objet
Le secret professionnel des parlementaires, magistrats et avocats nécessite d’être préservé, car le secret qui leur est ainsi confié dans le cadre de leurs fonctions est des fondements d’une société démocratique. Pour ce faire, il convient d’exclure ces professions du régime des autorisations de recours au dispositif d’imsi-catcher, dispositif particulièrement intrusif en ce qu’ils permettent une surveillance généralisée et indifférenciée. De telles techniques se heurtent frontalement et radicalement à l’exigence de proportionnalité que justifie toute restriction au droit au respect de la vie privée et aux droits de la défense. En particulier en ce qu’elles permettent de collecter des données portant sur la confidentialité des échanges d’un justiciable avec son avocat.
En conséquence, il convient d’adopter une procédure qui offrira le même niveau de garantie que celle prévue à l’article 25 du projet de loi. Pour rappel, l’article 25 propose une nouvelle rédaction de l’article 100-7 du code de procédure pénale afin que les professions protégées soient exclues des interceptions judiciaires sauf raisons sérieuses de croire que la personne a participé à la commission d’une infraction. Il prévoit également l’intervention du Juge des libertés et de la détention.
L’exclusion des professions protégées du recours au dispositif d’imsi-catcher s’inscrit en outre dans la lignée de la jurisprudence du Conseil Constitutionnel.
- Le Conseil a réaffirmé l’importance de la protection du secret professionnel dans sa décision n° 2015-713 DC du 23 juillet 2015.
- Le Conseil Constitutionnel a également précisé à plusieurs reprises que les atteintes portées au respect de la vie privée doivent être adaptées, nécessaires et proportionnées à l’objectif de prévention poursuivi. Dans sa décision n° 2012 DC du 22 mars 2012 sur la loi relative à la protection de l’identité, il a ainsi estimé que « Considérant que la liberté proclamée par l’article 2 de la DDHC implique le droit au respect de la vie privée (…) la collecte, l’enregistrement, la conservation, la consultation et la communication de données à caractère personnel doivent être justifiés par un motif d’intérêt général et mis en œuvre de manière adéquate et proportionnée à cet objectif ». De même, il a défini le principe de la « rigueur nécessaire » qui résulte de l’article 9 de la Déclaration de 1789 (Décision n° 2014-420/421 QPC). Ce principe de « rigueur nécessaire » suppose un contrôle de proportionnalité entre la gravité des mesures portant atteinte à la liberté individuelle et les objectifs qui motivent ces atteintes. L’application de ce principe de rigueur nécessaire au dispositif d’imsi-catcher illustre les atteintes excessives que cette technologie porte au droit au respect de la vie privée.