Direction de la séance |
Proposition de loi Protection de l'enfant (2ème lecture) (n° 33 , 32 , 718 (2014-2015)) |
N° 28 rect. bis 12 octobre 2015 |
AMENDEMENTprésenté par |
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M. LUCHE, Mme DOINEAU, MM. DÉTRAIGNE et POZZO di BORGO, Mmes GATEL, MORIN-DESAILLY et LOISIER, M. CIGOLOTTI, Mme GOY-CHAVENT, M. LONGEOT, Mme BILLON et M. GUERRIAU ARTICLE 22 QUATER |
Compléter cet article par deux paragraphes ainsi rédigés :
II. – Est institué, à compter de 2015, un prélèvement sur les recettes de l’État au bénéfice des départements.
Le montant de ce prélèvement est égal aux dépenses contractées par les départements au cours de l’année précédant la répartition au titre de la mise à l’abri, de l’évaluation de la situation et d’orientation des jeunes se présentant comme mineurs isolés étrangers, déduction faite des charges déjà assumées par l’État. Il comprend également la prise en charge des mineurs isolés étrangers au sein des établissements et services relevant du 1° du I de l’article L. 312-1 du code de l’action sociale et des familles lorsque le coût de celle-ci excède un seuil fixé par arrêté interministériel.
Ce montant est réparti entre les départements en proportion des dépenses engagées à ce titre.
Un décret en Conseil d’État précise les modalités d’application du présent II.
III. – La perte de recettes résultant pour l’État du II est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
Objet
La question des mineurs isolés étrangers touche de façon inégale les départements. Leurs arrivées sont en effet marquées par une très forte concentration : en 2013, plus de la moitié d’entre elles se sont faites sur douze départements uniquement. Dans cet article 22 quater il s’agit de mettre en place une répartition plus équilibrée de ces mineurs isolés étrangers dans l’ensemble des départements. Cette nécessité se comprend, notamment pour assurer une meilleure prise en charge de chacun d’entre eux.
Mais les départements ne disposent pas de moyens financiers suffisants pour proposer un accueil matériel et un accompagnement socio-éducatif adaptés à ces mineurs isolés étrangers. En effet, la participation de l’État – qui reconnaît ainsi sa responsabilité dans ce dossier - est strictement limitée à un forfait équivalent au financement des cinq premiers jours du recueil et de l’évaluation des mineurs isolés étrangers (250 euros par jour). Or, l’essentiel de la charge financière pour les départements concerne l’accueil de longue durée de ces mineurs à l’aide sociale à l’enfance, souvent jusqu’à leur majorité et parfois au-delà dans le cadre des contrats jeunes majeurs.
Ainsi en Aveyron, le Conseil départemental a dû engager 550 000 euros de crédits supplémentaires en 2015 pour financer la prise en charge des mineurs isolés étrangers orientés au niveau national. Cela porte à 770 000 euros le coût total engagé pour 23 mineurs actuellement sous la responsabilité du département. La répartition telle qu’elle est prévue aujourd’hui par la cellule nationale pourrait mettre encore à la charge de l’Aveyron 17 mineurs alors même que le dispositif d’accueil du département est saturé et qu’il ne peut le supporter financièrement.
Pour les départements les plus concernés par la présence des mineurs isolés étrangers, leur prise en charge a des conséquences économiques bien plus importantes encore : de nouveaux dispositifs ont dû être crées, de nouveaux travailleurs sociaux ont dû être recrutés… Tout cela a un coût.
La question d’une prise en charge au niveau national des mineurs isolés étrangers est aussi celle du rôle que doit jouer l’Etat en la matière.
La compétence générale de protection de l’enfance donnée aux départements par la loi n°2007-293 du 5 mars 2007 ne fait pas obstacle à la responsabilité de l’Etat en la matière, en tant qu’autorité décisionnaire sur la question de la gestion des flux migratoires. Madame la Sénatrice Isabelle Debré l’a rappelé dans son rapport sur les mineurs isolés étrangers : « l’État est concerné au titre de la maîtrise des flux migratoires, la lutte contre l’immigration clandestine et les trafics d’êtres humains, la justice des mineurs. » L’État ne peut se désintéresser du phénomène des mineurs isolés étrangers, qui relève directement de ses compétences régaliennes, donc d’un traitement national reposant sur la solidarité nationale. Il a d’ailleurs reconnu sa responsabilité en la matière par la prise en charge du coût de l’accueil et de l’évaluation d’un mineur isolé étranger au cours des cinq premiers jours suivant le recueil par les départements.
Par ailleurs, l’Etat fixe unilatéralement les objectifs de répartition des mineurs dans les départements. Alors même que ce dispositif de répartition a pour objet de transférer, sans compensation financière, une compétence qui relève de l’Etat.
Ainsi, le présent amendement prévoit la création d’un prélèvement sur recettes couvrant la prise en charge des mineurs isolés étrangers accueillis au sein des services de l’ASE.