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Direction de la séance

Projet de loi

Représentation des Français hors de France

(1ère lecture)

(PROCÉDURE ACCÉLÉRÉE)

(n° 426 rect. , 424 )

N° 79

18 mars 2013


 

Exception d'irrecevabilité

Motion présentée par

C Défavorable
G Défavorable
Rejeté

Mme GARRIAUD-MAYLAM


TENDANT À OPPOSER L'EXCEPTION D'IRRECEVABILITÉ


En application de l'article 44, alinéa 2, du règlement, le Sénat déclare irrecevable le projet de loi relatif à la représentation des Français établis hors de France (n° 426 rectifié, 2012-2013).

Objet

Deux dispositions de ce projet de loi sont contraires à la Constitution : d’une part les nouvelles modalités du scrutin pour les élections sénatoriales (article 33 octies, alinéa 3) et d’autre part l’amputation du mandat des conseillers à l’AFE de la série A (article 37, alinéa 2).

Premièrement, la nouvelle modalité de scrutin pour les élections sénatoriales définie à l’alinéa 3 de l’article 33 octies, si elle adoptée violerait les principes constitutionnels de secret et de sincérité du scrutin. Cet alinéa autorise le vote « sous enveloppe fermée, remise en mains propres, à un ambassadeur ou chef de poste consulaire de leur circonscription d’élection, au plus tard le deuxième jeudi qui précède le scrutin ».

Les conditions d’enregistrement et de conservation des enveloppes de vote sont renvoyées à un décret en Conseil d’Etat. Cette mesure ouvre la voie à de multiples possibilités de fraude. La remise en mains propres d’une enveloppe de vote au lieu de la glisser dans l’urne après un passage par l’isoloir remettrait en cause le secret du vote : en France, il n’est pas accepté de remettre une enveloppe de vote à un préfet. Aucune garantie d’intégrité et de sauvegarde des enveloppes de vote n’est apportée, tant en ce qui concerne leur transport jusqu’au bureau de vote central, à Paris, que durant leur conservation dans les postes diplomatiques ou consulaires ainsi qu’au ministère des affaires étrangères. Cet alinéa ouvre ainsi la voie à toutes les possibilités de fraude. La Commission reconnaît d’ailleurs ces risques : elle « formule les plus grandes réserves à l’égard du vote par remise en mains propres »…

Deuxièmement, l’amputation du mandat des conseillers à l’AFE de la série A remettrait en cause le principe de sincérité du suffrage et la capacité des électeurs à exercer leur droit de suffrage selon une « périodicité raisonnable ». Le Conseil constitutionnel a rappelé ces exigences dans plusieurs décisions. Il a souligné la nécessité qu’une amputation ne compromette pas le principe de sincérité du suffrage, qui suppose que les électeurs soient informés, au moment de leur vote, des caractéristiques des mandats sur lesquels ils se prononcent, notamment leur durée. Il a précisé qu’une prorogation ou une cessation anticipée de mandat doit avoir un caractère exceptionnel et transitoire, être limitée dans le temps et être strictement nécessaire à la réalisation de l'objectif de la loi. Il ne s’est pas prononcé sur une succession de prorogations (dont le rapport de la Commission des lois souligne le caractère inédit, « sans précédentau regard des prorogations de mandat les plus récentes ») jointe à une amputation de mandat également inédite.

L’amputation du mandat des élus de la série A est, en effet, exorbitante. L’article 37 du projet de loi permet de mettre fin au plus tard en juin 2014 à un mandat qui devait se poursuivre jusqu’en juin 2016. Les conseillers à l’AFE de la série A, élus en 2009 pour 6 ans, avaient vu leur mandat prorogé d’un an par la loi du 15 juin 2011. Cette succession inédite de prorogation/amputation du mandat sème le trouble dans l’esprit des électeurs, qui n’ont plus aucune certitude sur la durée effective du mandat des candidats ou listes pour lesquels ils votent. Il y a donc ici une atteinte aux droits des électeurs garantis par l’article 3 de la Constitution. L’amputation du mandat des élus de la série A, profondément attentatoire aux droits du suffrage universel et des électeurs, présente un caractère arbitraire et abusif.

L’amputation du mandat de plus d’un an viole l’égalité des élus devant la loi, d’autant plus qu’elle se cumule avec la prorogation du mandat des élus de la série B pour la deuxième fois pour une durée finale de deux ans, aux termes du projet de loi n° 425 (2012-2013). Cette combinaison inédite de deux prorogations des élus de la série B et d’une prorogation suivi d’une amputation des élus de la série A constituerait donc une véritable discrimination et une atteinte grave au principe d’égalité des élus devant la loi.

Le Conseil constitutionnel exige que toute mesure d’amputation de mandats électifs doit se faire à titre exceptionnel et doit être justifiée par un motif d'intérêt général, les différences de traitement entre élus ou entre électeurs résultant de cette modification devant être en rapport avec l'objectif de la loi. Jusqu’alors, le Conseil constitutionnel s’est prononcé par deux fois sur des mesures d’amputation de mandat. La première fois concernait l’assemblée de Polynésie française. (Décision n° 2007-559 DC du 06 décembre 2007 Journal officiel du 8 décembre 2007, Cons. n° 15,  p. 19905). La deuxième fois, il s’agissait de réaliser la concomitance des élections régionales et cantonales. Le Conseil a jugé que cette « concomitance des scrutins peut … trouver une justification dans l'objectif de favoriser une plus forte participation du corps électoral à chacune de ces consultations » ; elle répondait donc à un objectif d’intérêt général. Mais surtout, l’intérêt général était satisfait dès lors que « le législateur n'a porté atteinte à la durée d'aucun mandat en cours ; qu'il a entendu que ces nouveaux mandats arrivent à échéance concomitamment dans la perspective d'une réforme future ». Il a également jugé que l’intérêt général était satisfait dès lors que le législateur assurait « le respect des exigences de clarté et de loyauté de l'élection des conseillers régionaux, en 2010, et des conseillers généraux, en 2011 ». Or, dans le cas de l’amputation envisagée par l’article 37 de ce projet de loi, on ne peut nier que le processus envisagé par le Gouvernement ne remplit pas les conditions de clarté des élections.

Pour tous ces motifs, ce projet de loi est contraire à la Constitution.



NB :En application de l'article 44, alinéa 2, du Règlement, cette motion est soumise au Sénat avant la discussion des articles.