Direction de la séance |
Projet de loi Collectivités territoriales (2ème lecture) (n° 560 ) |
N° A-1 8 juillet 2010 |
AMENDEMENTprésenté par |
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Le Gouvernement ARTICLE 1ER AAA |
Supprimer cet article.
Objet
En application du 4ème alinéa de l'article 43 du règlement du Sénat, le Gouvernement demande une seconde délibération sur l'article 1er AAA.
Par le présent amendement, il demande au Sénat la suppression de cet article.
Tel qu'il a été adopté, l'article 1er AAA se heurte en effet à plusieurs objections.
En premier lieu, cet article aurait pour effet de faire rentrer dans le corpus législatif une expression, celle de « compétence générale », qui ne renvoie à aucune disposition du droit positif. La « compétence générale » est en effet d'abord une expression employée par la doctrine pour qualifier les différents articles du code général des collectivités territoriales qui énoncent la capacité des organes délibérants des collectivités territoriales à « régler par [leurs] délibérations les affaires » de la collectivité. Il s'agit, respectivement pour les communes, les départements et les régions, des articles L.2121-29, L.3211-1 et L.4221-1 du code général des collectivités territoriales.
En second lieu, la valeur de cette affirmation législative au regard des exigences constitutionnelles semble incertaine. En effet, l'article 1er AAA affirme que « la compétence générale est un principe fondateur de la libre administration des collectivités locales ». L'expression de « libre administration » renvoie aux articles 34 et 72 de la Constitution. Or, l'article 34 dispose que « la loi détermine les principes fondamentaux de la libre administration, de leurs compétences et de leurs ressources ». Pour sa part, l'article 72, dans son 3ème alinéa, dispose que « dans les conditions prévues par la loi, ces collectivités s'administrent librement par des conseils élus... ». Aucune de ces dispositions n'implique, contrairement à ce que laisse entendre l'article 1er AAA, que la clause de compétence générale soit une condition de la libre administration. Il convient à cet égard de rappeler que le Comité présidé par Edouard BALLADUR s'est longuement penché sur cette question et a finalement conclu que la suppression de la clause générale de compétence était constitutionnellement possible, « à condition que la collectivité concernée conserve un ensemble de compétences suffisamment important et diversifié pour ne pas être assimilée à un établissement public ». Il a également estimé que « le principe de libre administration ne valait qu'au regard de la manière d'exercer ces compétences ».
Dans le même esprit, la Charte européenne de l'autonomie locale a précisé la portée de « l'autonomie locale » de la manière suivante : « Les collectivités locales ont, dans le cadre de la loi, toute latitude pour exercer leur initiative pour toute question qui n'est pas exclue de leur compétence ou attribuée à une autre autorité. »
En troisième lieu, cet article n'apporte aucun élément de clarification par rapport au droit actuellement applicable. En effet, il affirme que la compétence générale s'exerce « dans le respect des responsabilités accordées par la loi à chacune des collectivités ». Il convient de rappeler que la jurisprudence administrative est venue préciser ce qu'il fallait entendre par « clause de compétence générale ». Ainsi, dans un arrêt Commune de Mons-en-Barœul du 29 juin 2001, le Conseil d'État a souligné que la formulation « le conseil municipal règle par ses délibérations les affaires de la commune » « habilite le conseil municipal à statuer sur toutes les questions d'intérêt public communal, sous réserve qu'elles ne soient pas dévolues par la loi à l'État ou à d'autres personnes publiques ».
Enfin, il convient de souligner que cet article est en contradiction avec les principes de dévolution des compétences approuvés en première lecture par le Sénat comme par l'Assemblée. En effet, les principes approuvés par le Sénat en première lecture consistaient à attribuer aux départements et aux régions, aux lieu et place de la compétence générale, des compétences d'attribution, assorties d'une capacité d'initiative ayant vocation à s'appliquer à des situations et des demandes non prévues dans le cadre de la législation existante. L'Assemblée nationale, pour sa part, loin de remettre en cause ces principes, avait souhaité leur conférer un effet normatif direct en les codifiant dans le code général des collectivités territoriales, ce qu'avait d'ailleurs approuvé la Commission des Lois du Sénat.
Au total, l'article 1er AAA, adopté par le Sénat au début de l'examen en deuxième lecture du présent projet de loi, constitue une source de confusion plus que de clarification. Surtout, il est de nature à obérer le nécessaire débat sur l'évolution des compétences des départements et des régions, en préjugeant du contenu du texte appelé par l'article 35 du projet de loi tel qu'il a été modifié hier. C'est la raison pour laquelle le Gouvernement propose la suppression de cet article, conformément à plusieurs demandes exprimées sur les bancs de la Haute Assemblée, afin que le travail législatif puisse se poursuivre sur la base des principes approuvés par chacune des deux assemblées en première lecture.