Direction de la séance |
Projet de loi constitutionnelle Modernisation des institutions de la Ve République (1ère lecture) (n° 365 , 387 , 388) |
N° 16 rect. bis 17 juin 2008 |
AMENDEMENTprésenté par |
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M. CHARASSE, Mme Nathalie GOULET et MM. FORTASSIN, LAFFITTE, MARSIN et André BOYER ARTICLE 11 |
Supprimer le 3° de cet article.
Objet
Le législateur règle tous les jours la question de la répartition des compétences entre les ordres juridictionnels. Il précise clairement dans la loi ce qui relève des juridictions de l'ordre judiciaire, de celles de l'ordre administratif et de celles de l'ordre financier.
Il n'est donc pas utile de rajouter une disposition qui correspond, depuis les deux arrêts fondamentaux du Tribunal des Conflits (Blanco du 8 février 1873 et Pelletier du 30 juillet 1873), à une obligation quasi-quotidienne du législateur.
Dès lors que cette disposition paraît à première vue inutile et qu'on ne peut pas imaginer que l'Assemblée nationale ait agi seulement pour le plaisir d'en rajouter, il convient de se demander ce qu'elle cache.
Car malgré son aspect anodin, cette disposition pourrait conduire à l'unification progressive de tous les contentieux, qui tous relèveraient peu à peu des juridictions de l'ordre judiciaire.
Or, il ne s'agit pas là de conserver à tout prix une formule qui, depuis la création de la République, a fait ses preuves et à laquelle on doit l'affirmation, le développement et la garantie de nombreux droits individuels mais aussi collectifs, alors que l'autorité judiciaire n'est, elle, que la « gardienne de la liberté individuelle ».
Il s'agit de savoir si la République conservera un système - l'ordre administratif - dont la première mission est d'assurer scrupuleusement le respect de la séparation des pouvoirs.
Peut-on imaginer que, les contentieux étant unifiés, les fonctionnaires d'autorité de l'État, notamment les Préfets, ou les élus locaux investis d'une part de l'autorité publique, pourraient relever demain de l'autorité judiciaire pour les actes les plus ordinaires de la vie administrative courante, avec les risques pénaux qui pourraient découler de cette situation puisque le juge - ce qui lui est refusé depuis 1790 - s'immiscerait (enfin !) dans la vie administrative.
Le Gouvernement et l'administration quotidiens de la France deviendraient impossibles.
Finalement, cet ajout d'apparence anodine à l'article 34 de la Constitution est de nature à ruiner l'autorité publique, l'autorité de l'État, l'autorité des élus du suffrage universel constamment sous la menace de procédures dont la portée serait autrement plus grave que celles qui aboutissent aujourd'hui devant la juridiction administrative.
Pour ces divers motifs, et parce que la séparation des pouvoirs est le fondement de la République et de la Déclaration de 1789, il est proposé de supprimer cette disposition.